Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Biarritz à lui verser la somme de 414 048 euros en réparation des préjudices qu'il a subis à raison de l'illégalité de l'arrêté du 20 mai 2011 par lequel le maire de la commune de Biarritz a refusé de lui délivrer un permis de construire.
Par un jugement n° 1600026 du 19 septembre 2017, le tribunal administratif de Pau a condamné la commune de Biarritz à verser à M. D... la somme de 24 757,20 euros à titre de dommages et intérêts.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2017, la commune de Biarritz, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1600026 du tribunal administratif de Pau du 19 septembre 2017 ;
2°) de rejeter la demande de M. D... ;
3°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges l'ont condamnée à payer sur le fondement de la faute qu'elle a commise en refusant illégalement de délivrer à M. D... un permis de construire ;
- la condamnation a porté sur l'indemnisation des frais d'architecte assumés par M. D... pour la constitution de sa demande de permis ; si le principe de l'indemnisation n'est pas contesté, il convient de relever que le tribunal s'est mépris en se fondant sur une note d'honoraires du 14 février 2011 qui ne prouve pas que M. D... s'est bien acquitté de la somme en litige ; de plus, M. D... n'a pas inutilement exposé cette somme dès lors qu'il a obtenu en 2012 un permis de construire pour un projet quasiment identique à celui qui lui avait été refusé initialement ; la cour pourra ordonner un supplément d'instruction qui confirmera ces éléments ;
- c'est en revanche à bon droit que le tribunal administratif a rejeté les autres demandes d'indemnisation présentées par M. D... dès lors qu'elles étaient sans lien direct avec l'illégalité commise.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2019, M. C... D..., représenté par la SCP Personnaz, Huerta, Binet, Jambon, conclut :
1°) au rejet de la requête et à la confirmation du jugement en tant qu'il a condamné la commune de Biarritz à lui verser la somme de 24 757,20 euros ;
2°) à l'annulation de l'article 3 du jugement du tribunal et à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 389 290,80 euros majorée des intérêts au taux légal et des intérêts capitalisés ;
3°) à la condamnation de la commune de Biarritz à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
4°) et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal a condamné la commune à lui verser la somme de 24 757,20 euros dès lors qu'il prouve avoir bien payé cette somme à l'architecte en charge de la constitution de son dossier de permis de construire ;
- le nouveau permis de construire qu'il a obtenu en 2012 n'a pas été mis en oeuvre car il a été contraint pour des raisons financières de mettre en vente son terrain ; c'est l'illégalité du premier refus de permis qui a retardé M. D... dans la mise en oeuvre de son projet et l'a obligé à se défaire de son bien ; les frais d'architecte ont donc bien été exposés par lui en pure perte ; en tout état de cause, les plans établis lors de la première demande de permis n'ont pas servi à la seconde demande ;
- l'illégalité du refus de permis de construire, sanctionnée par le tribunal en 2012, a empêché M. D... de mettre en oeuvre son projet et de le commercialiser ; il a donc subi une perte de bénéfice lié à la revente de son terrain avec permis de construire ;
- il doit aussi être indemnisé de ses autres préjudices, à savoir les frais de notaire, les frais d'agence, les frais d'architecte ; il a subi également un préjudice moral qui doit être indemnisé.
Par ordonnance du 18 avril 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 20 mai 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E... A...,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Fin 2010, M. D... a déposé en mairie de Biarritz une demande de permis de construire une maison individuelle d'habitation sur une parcelle de terrain située 5 avenue des Trois Couronnes. Le maire de Biarritz a refusé la délivrance du permis sollicité par une décision du 20 mai 2011 que M. D... a contestée devant le tribunal administratif de Pau. Par un jugement rendu le 4 décembre 2012, devenu définitif, le tribunal a annulé le refus de permis de construire. A la suite de cette décision, M. D... a adressé à la commune de Biarritz, le 31 août 2015, une demande préalable d'indemnisation des préjudices qu'il estimait avoir subis à raison du refus illégalement opposé. Cette demande ayant fait l'objet d'une décision implicite de rejet, M. D... a saisi le tribunal administratif de Pau d'un recours indemnitaire tendant à la condamnation de la commune de Biarritz à lui verser la somme totale de 414 048 euros à titre de dommages et intérêts. Par un jugement rendu le 19 septembre 2017, le tribunal a condamné la commune à indemniser M. D... à hauteur de 24 757,20 euros et a rejeté le surplus de la demande.
2. La commune de Biarritz relève appel de ce jugement en tant qu'il a mis à sa charge ladite somme de 24 757,20 euros. M. D... conclut à la confirmation du jugement en tant qu'il a condamné la commune de Biarritz à lui verser une indemnité et sollicite, par la voie de l'appel incident, la condamnation de la commune à l'indemniser des autres chefs de préjudices dont il demandait la réparation en première instance.
Sur la responsabilité :
3. L'illégalité dont était entaché le refus de permis de construire du 20 mai 2011 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Biarritz vis-à-vis de M. D....
Sur les préjudices :
En ce qui concerne la somme de 24 757,20 euros mise à la charge de la commune par le jugement attaqué :
4. Les honoraires d'architecte que le pétitionnaire a versés pour la constitution de sa demande entrent dans le calcul du préjudice indemnisable lorsqu'ils ont été inutilement exposés du fait du rejet illégal de la demande de permis de construire et sont ainsi directement liés à la faute commise par le maire en opposant ce refus.
5. Il résulte de l'instruction qu'en juin 2012, M. D... a eu recours au même cabinet d'architecte pour déposer une nouvelle demande qui a abouti à la délivrance d'un permis de construire du 10 août 2012. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les prestations accomplies par le cabinet d'architecte lors de la première demande de permis auraient servi à la constitution du second dossier de demande. Au contraire, les plans joints aux deux dossiers montrent qu'il existe des différences significatives entre le projet qui a été refusé et celui auquel il a favorablement été répondu. Dans ces conditions, la commune de Biarritz n'est pas fondée à soutenir que les frais d'architecte liés à la première demande n'auraient pas été inutilement exposés par M. D... dès lors qu'ils auraient servi à la seconde demande.
6. Pour condamner la commune de Biarritz à verser à M. D... la somme de 24 757,20 euros TTC au titre des frais d'architecte, les premiers juges se sont fondés sur une note d'honoraires du 14 février 2011. La réalité du paiement de cette somme par M. D... est établie avec une force probante suffisante par le cabinet d'architecte qui a rédigé à cette fin une attestation du 15 septembre 2017. Dans ces conditions, la commune de Biarritz n'est pas fondée à soutenir que la réalité du préjudice invoqué par M. D... n'était pas démontrée et que le tribunal ne pouvait en conséquence mettre à sa charge la somme en litige de 24 757,20 euros TTC.
7. Enfin, si M. D... demande en appel la somme de 32 356,84 euros au titre des honoraires d'architecte, il ne produit au dossier aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livrée le tribunal en fixant à 24 757,80 euros le montant de la somme due par la commune à ce titre.
En ce qui concerne les autres préjudices :
8. L'ouverture du droit à réparation consécutif à un refus illégal de permis de construire est subordonnée au caractère direct et certain des préjudices invoqués.
9. En premier lieu, la perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d'un refus illégal de permis de construire revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation. Il en va toutefois autrement si le requérant justifie de circonstances particulières, tels que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant un caractère direct et certain. Il est fondé, si tel est le cas, à obtenir réparation au titre du bénéfice qu'il pouvait raisonnablement attendre de cette opération.
10. Pas plus en appel qu'en première instance M. D..., qui se borne à invoquer son expérience comme porteur de projets immobiliers, ne produit d'éléments de nature à établir l'état d'avancement de son opération en lien avec le permis qui lui a été illégalement refusé. Il ne résulte donc pas de l'instruction que le refus illégal du 20 mai 2011 aurait retardé la réalisation d'un projet précis puis finalement contraint M. D..., qui fait état de difficultés financières qui ne résulte nullement du dossier, à abandonner son opération. Dans ces conditions, M. D... ne peut être regardé comme ayant été privé, par le refus illégal de permis, de la possibilité de concrétiser une opération immobilière qui, en raison de son état d'avancement, lui aurait permis d'escompter un bénéfice. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation de ce chef de préjudice.
11. En troisième lieu, il est constant que M. D... a acquis le terrain d'assiette du projet le 30 septembre 2011, soit postérieurement au refus illégal de permis. Les frais de notaire qu'il a assumés à l'occasion de cette vente trouvent ainsi leur origine dans sa décision d'acheter le terrain en dépit du rejet de sa demande de permis et sont, par suite, sans lien direct avec l'illégalité commise par la commune. Il en va de même, en tout état de cause, des frais d'agence que M. D... prétend avoir exposés à l'occasion de l'achat et de la revente du terrain et des frais de notaire liés à cette revente.
12. En quatrième et dernier lieu, le préjudice moral invoqué par M. D... n'étant pas établi au dossier, les conclusions indemnitaires présentées à ce titre doivent être écartées.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 17BX03560 présentée par la commune de Biarritz est rejetée.
Article 2 : L'appel incident et les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. D... sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Biarritz et à M. C... D....
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. E... A..., président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2019.
Le rapporteur,
Frédéric A...Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
6
N° 17BX03560