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15/10/2019 | FRANCE | N°17BX01338

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 15 octobre 2019, 17BX01338


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite née du silence du président de La Poste sur sa réclamation préalable du 23 octobre 2014 tendant à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité du processus de promotion et d'avancement mis en place par La Poste depuis le 14 décembre 2009, d'enjoindre à La Poste de procéder à la reconstitution de sa carrière en le réintégrant au grade de conducteur de travaux de la distributio

n et de l'acheminement (CDTX-DA) au 8ème échelon à compter du 1er janvier 2010 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite née du silence du président de La Poste sur sa réclamation préalable du 23 octobre 2014 tendant à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité du processus de promotion et d'avancement mis en place par La Poste depuis le 14 décembre 2009, d'enjoindre à La Poste de procéder à la reconstitution de sa carrière en le réintégrant au grade de conducteur de travaux de la distribution et de l'acheminement (CDTX-DA) au 8ème échelon à compter du 1er janvier 2010 et de rétablir rétroactivement ses promotions d'échelons jusqu'à la date du jugement, d'enjoindre à La Poste de l'inscrire sur la liste d'aptitude du corps de vérificateur des services de distribution et de l'acheminement (VEDT) et d'enjoindre à La Poste de l'inscrire sur la liste d'aptitude au grade de vérificateur des services de la distribution et de l'acheminement.

Par un jugement n° 1500514 du 2 mars 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté l'ensemble des conclusions de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 avril 2017 et 16 novembre 2018, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de condamner La Poste à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité du processus de promotion et d'avancement mis en place par La Poste depuis le 14 décembre 2009 et 3 694,98 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de traitement et de ses accessoires ;

3°) d'enjoindre à La Poste de procéder à la reconstitution de sa carrière en le réintégrant au grade de conducteur de travaux de la distribution et de l'acheminement, 8ème échelon, à compter du 1er janvier 2010 et de rétablir rétroactivement ses promotions d'échelons jusqu'à la date du jugement ;

4°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à la suite de la parution du décret n°2009-1555 du 14 décembre 2009, La Poste n'a mis en oeuvre que la promotion interne par voie de liste d'aptitude alors qu'elle aurait dû organiser les différentes voies de promotion et notamment le concours interne ;

- il subit donc un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, un préjudice pour perte d'une chance sérieuse d'obtenir une promotion et un préjudice lié à la reconstitution rétroactive de sa carrière.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 et 30 novembre 2018, La Poste, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de l'absence de concours interne était irrecevable puisqu'il n'avait été soulevé par M. A... que dans un mémoire complémentaire et ni dans sa demande préalable présentée à La Poste, ni dans sa demande introductive d'instance qui ne reposaient que sur l'illégalité de la réglementation encadrant les listes d'aptitude ; il se rattachait ainsi à une cause juridique nouvelle ;

- il n'existe aucun droit pour les agents à l'organisation de concours internes ;

- M. A... ne justifie d'aucun préjudice.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le décret n° 57-1319 du 21 décembre 1957 ;

- le décret n° 72-500 du 23 juin 1972 ;

- le décret n° 90-1224 du 31 décembre 1990 ;

- le décret n° 90-1235 du 31 décembre 1990 ;

- le décret n° 92-930 du 7 septembre 1992 ;

- le décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... E...,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., exerce les fonctions de facteur de classe 1 niveau 2 au sein de la direction opérationnelle territoriale courrier (DOTC) Midi-Pyrénées Sud. Il a fait le choix, dans le cadre de la réforme mise en oeuvre par la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et France Télécom, de rester fonctionnaire dans un corps de " reclassement ". Par lettre du 23 octobre 2014, M. A... a demandé au président de La Poste de lui verser une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité du processus de promotion et d'avancement mis en place par La Poste depuis le 14 décembre 2009, de reconstituer sa carrière en le réintégrant au 8ème échelon de conducteur de travaux de la distribution et de l'acheminement (CDTX), de reconstituer sa carrière et de lui verser une indemnité de 3 694,98 euros correspondant à la perte de traitement et d'enjoindre à La Poste de l'inscrire sur la liste d'aptitude du grade de vérificateur des services de la distribution et de l'acheminement (VEDT). M. A... a saisi le tribunal administratif de Toulouse du rejet implicite de sa demande par La Poste. M. A... fait appel du jugement du 2 mars 2017 de ce tribunal, qui a rejeté sa requête.

Sur la responsabilité de La Poste :

2. D'une part, aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la Poste et de France Télécom : " Les personnels de la Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) ". Selon l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents (...) ". En vertu de l'article 10 de la même loi du 11 janvier 1984, dont l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la Poste et des Télécommunications prévoit l'application à l'ensemble des corps de fonctionnaires de la Poste, les statuts particuliers pris par décret en Conseil d'Etat peuvent déroger, après avis du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, à certaines des dispositions du statut général qui ne correspondraient pas aux besoins propres de ces corps ou aux missions que leurs membres sont destinés à assurer.

3. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 14 décembre 2009 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de la Poste : " I. - Les dispositions des décrets régissant les corps de la Poste mentionnés en annexe du présent décret sont abrogées en tant qu'elles concernent les recrutements externes et la répartition des emplois à pourvoir par la voie externe et la voie interne. (...) ". Selon l'article 2 de ce même décret : " Les recrutements par la voie interne et les nominations effectuées selon les modalités mentionnées à l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, prévus par les décrets figurant en annexe, ne sont ouverts qu'aux fonctionnaires et agents des corps de la Poste ". En outre l'annexe à ce décret mentionne le corps des conducteurs de travaux de la distribution et de l'acheminement de la Poste, créé par le décret n° 90-1224 du 31 décembre 1990 et régi par le décret n° 5713-19 du 21 décembre 1957 modifié. Enfin aux termes de l'article 18 de ce décret : " Les conducteurs de travaux de la distribution et de l'acheminement sont recrutés : 1° Par voie de concours distincts : (...) b) Un deuxième concours est réservé aux fonctionnaires du corps des préposés et du corps des agents d'exploitation des branches " services de la distribution et de l'acheminement " (...). 2° Au choix, dans la limite du sixième des titularisations prononcées par la voie des concours prévus au 1° ci-dessus, parmi les fonctionnaires du corps des agents d'exploitation des branches " services de la distribution et de l'acheminement " (...). ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le statut particulier du corps des conducteurs de travaux de la distribution et de l'acheminement de la Poste prévoit, au nombre des modalités de promotion interne, la voie du concours interne et de la liste d'aptitude.

4. Par suite, les dispositions précitées du décret du 14 décembre 2009 n'emportent pas en elles-mêmes de dérogation à l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 et ne font pas obstacle à l'application des décrets statutaires régissant les différents corps énumérés en annexe dont celui des conducteurs de travaux de la distribution et de l'acheminement de la Poste qu'il n'abroge pas. Alors même que la Poste fait valoir qu'elle a fait le choix de privilégier la voie de la liste d'aptitude, cette circonstance ne la dispensait pas d'appliquer les dispositions précitées du décret n° 5713-19 du 21 décembre 1957 modifié, et de procéder au recrutement dans ce corps dans le respect des proportions fixées entre les différentes voies d'accès que constituent le concours interne et la liste d'aptitude. En conséquence, La Poste qui ne conteste pas s'être " abstenue " d'organiser un concours interne, sans qu'aucune disposition dérogatoire n'ait légalement justifié cette exclusion, a commis une illégalité fautive.

Sur les préjudices :

5. Si M. A... fait état de ses aptitudes professionnelles, il n'établit pas, par ces seules considérations au demeurant contredites par ses évaluations annuelles, qu'il aurait perdu une chance sérieuse d'être admis à un concours interne, ni même qu'il se serait vraisemblablement présenté à ce concours, alors qu'il ne s'est pas davantage porté candidat pour une inscription sur la liste d'aptitude. En outre, s'il réclame le versement d'une indemnité au titre du préjudice moral à raison de la faute commise par La Poste, consistant à priver de manière générale les fonctionnaires " reclassés " de toute possibilité de promotion par la voie du concours interne, M. A... qui n'a pas qualité pour défendre des intérêts collectifs, ne démontre la réalité d'aucun préjudice qui lui serait personnel. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

6. M. A... demande l'annulation de la décision implicite de rejet opposée à sa demande du 23 octobre 2014 tendant à la reconstitution de sa carrière. Toutefois il n'invoque aucune circonstance qui lui aurait ouvert droit à une reconstitution rétroactive de sa carrière. Dès lors, ces conclusions doivent être rejetées.

Sur les autres conclusions :

7. Le présent arrêt qui n'annule aucune décision, n'implique aucune mesure d'exécution.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, que M. A... n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse ait rejeté ses demandes. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de La Poste au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. A... dès lors qu'elle n'est pas dans la présente instance la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de La Poste présentées sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par La Poste sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... et à la société La Poste.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme C... E..., présidente-rapporteure,

Mme Déborah de Paz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 15 octobre 2019.

La rapporteure,

Fabienne E... Le président,

Dominique NAVES Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 17BX01338


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX01338
Date de la décision : 15/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Effets des annulations - Reconstitution de carrière.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : HORUS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-15;17bx01338 ?
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