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10/10/2019 | FRANCE | N°19BX00718

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 10 octobre 2019, 19BX00718


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A..., alias M. D... E..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit.

Par un jugement n° 1805001 du 26 octobre 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrées les 21

février et 23 mai 2019, M. D... A..., alias M. D... E..., représenté par Me C..., demande à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A..., alias M. D... E..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit.

Par un jugement n° 1805001 du 26 octobre 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrées les 21 février et 23 mai 2019, M. D... A..., alias M. D... E..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 26 octobre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit ;

3°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie être né le 11 octobre 2003 à Kankan en Guinée et qu'il est ainsi âgé de 15 ans.

En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au non-lieu à statuer, subsidiairement au rejet de la requête.

Il soutient qu'il a abrogé l'arrêté litigieux par un nouvel arrêté du 2 mai 2019.

Par ordonnance du 15 juillet 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 9 août 2019 à 12 heures.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., ressortissant guinéen s'est présenté, lors de son interpellation le 22 octobre 2018, comme étant M. D... E..., ressortissant ivoirien. Par arrêté du même jour, le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit. M. A... relève appel du jugement du 26 octobre 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'exception à fin de non-lieu à statuer :

2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. Dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive.

3. Il ressort des pièces du dossier que par un nouvel arrêté du 2 mai 2019, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas retiré l'arrêté litigieux du 22 octobre 2018, mais s'est limité à l'abroger. Cet arrêté ayant donné lieu, avant d'être abrogé, à la mise en oeuvre d'une mesure d'exécution constituée par l'assignation à résidence prononcée à l'encontre de l'intéressé, le préfet n'est pas fondé à soutenir que la demande de M. A... tendant à son annulation serait devenue sans objet. L'exception à fin de non-lieu à statuer doit par suite être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / 1° L'étranger mineur de dix-huit ans (...). ". Selon l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. / (...). ". En vertu de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question.

5. S'il est constant que M. A... était, lors de son interpellation le 22 octobre 2018, démuni de tout document d'identité ou de voyage et qu'il a présenté lors de son audition une photographie d'un passeport ivoirien enregistrée sur son téléphone portable au nom d'Ousmane E... né le 7 juin 1996, confirmant ses déclarations sur son état civil et si, au cours de l'instance ouverte devant le premier juge, il n'a pas présenté de copies ou d'actes d'état civil guinéen légalisés au soutien de ses nouvelles affirmations contradictoires sur son identité, M. A... produit, pour la première fois en appel, de tels actes établissant qu'il est un ressortissant guinéen né le 11 octobre 2003. Il était ainsi mineur à la date de l'arrêté litigieux. Par suite, M. A... est fondé à soutenir qu'en prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Haute-Garonne a méconnu les dispositions précitées du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, le paiement de la somme demandée en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 26 octobre 2018 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 22 octobre 2018 est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., alias M. D... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier B..., président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 octobre 2019.

Le rapporteur,

Didier B...

Le président,

Marianne HardyLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX00718


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00718
Date de la décision : 10/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : FRANCOS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-10;19bx00718 ?
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