La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/10/2019 | FRANCE | N°19BX00551

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 10 octobre 2019, 19BX00551


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 6 juin 2018 par lequel le préfet du Tarn lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1803218 du 31 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et

un mémoire, enregistrés les 14 février et 30 avril 2019, M. B..., représenté par Me A..., demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 6 juin 2018 par lequel le préfet du Tarn lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1803218 du 31 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 février et 30 avril 2019, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 31 octobre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 juin 2018 du préfet du Tarn ;

3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité en ce que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré du défaut de motivation en droit de la décision de refus de délivrance du certificat de résidence ;

En ce qui concerne la légalité externe des décisions de refus de délivrance du certificat de résidence algérien et de l'obligation de quitter le territoire français :

- les décisions sont entachées d'un défaut de motivation en fait et en droit en méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le préfet du Tarn n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;

En ce qui concerne la décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence :

- la décision est entachée d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard des stipulations du titre III de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié en ce qu'il satisfait à l'ensemble des conditions de ces stipulations ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 6 5° de l'accord franco-algérien en date du 27 décembre 1968 modifié en ce qu'il a noué des liens importants au sein du Foyer Léo Lagrange dans lequel il a été accueilli et qu'il n'a plus de lien avec son pays d'origine ;

- la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est privée de base légale en ce qu'elle se fonde sur une décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence illégale ;

- la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- la décision est entachée d'un défaut de motivation en fait, le seul considérant stéréotypé ne saurait être considéré comme satisfaisant à l'obligation de motivation ;

- la décision est privée de base légale en ce qu'elle se fonde sur une décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence et une obligation de quitter le territoire français illégales.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 avril 2019, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 19 juin 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 26 juillet 2019 à 12h00.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., né le 2 mars 2000, de nationalité algérienne, qui déclare être entré en France le 3 octobre 2016, a été placé en assistance éducative et confié à l'aide sociale à l'enfance du Tarn jusqu'à sa majorité. Le 16 mars 2018, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour " vie privée familiale " ou " étudiant ". Par un arrêté du 6 juin 2018, le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. B... relève appel du jugement du 31 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal administratif de Toulouse a jugé, au point 4 du jugement attaqué, que " l'arrêté attaqué énonce les considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde " et que " le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions attaquées doit être écarté comme manquant en fait ". Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré du défaut de motivation en droit de la décision refusant de lui délivrer un certificat de résidence.

Sur la légalité de l'arrêté du 6 juin 2018 :

En ce qui concerne la décision de refus de délivrance du certificat de résidence sollicité :

3. Aux termes de l'article L. 211-5 des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

4. La décision attaquée vise les textes dont il est fait application et mentionne de manière suffisamment précise les faits qui la motivent. Elle mentionne ainsi, en particulier, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'accord franco-algérien. La circonstance que la mention " modifié " ne soit pas présente dans les visas de l'arrêté attaqué ne suffit pas, à elle seule, à établir que le préfet du Tarn aurait appliqué une version erronée de l'accord franco-algérien. En outre, le préfet précise que M. B... a présenté une demande de titre de séjour au titre de la vie privée et familiale et souligne les conditions d'entrée et de séjour de M. B..., notamment sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance, son accueil au foyer Léo Lagrange de Graulhet depuis le 13 décembre 2016, ainsi que sa situation personnelle, célibataire âgé de 18 ans, dont les parents, ses trois frères et soeurs et ses grands-parents résident en Algérie. Le préfet en déduit que M. B... n'établit pas que l'ensemble de ses intérêts seraient en France et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit et au respect de sa vie privée et familiale en refusant de l'autoriser à continuer à résider en France. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence serait entachée d'une insuffisance de motivation en droit ou en fait et d'un défaut d'examen complet de sa situation personnelle.

5. Aux termes du titre III du protocole du 22 décembre 1985 annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 visé ci-dessus : " Les ressortissants algériens qui suivent un enseignement, un stage ou font des études en France et justifient de moyens d'existence suffisants (...) reçoivent, sur présentation soit d'une attestation de préinscription ou d'inscription dans un établissement français, soit d'une attestation de stage, un certificat de résidence valable un an, renouvelable et portant la mention " étudiant " ou " stagiaire " (...) " et aux termes de l'article 9 § 2 du même accord : " Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis al. 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises ".

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... remplissait, à la date de la décision en litige, les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour en qualité d'étudiant sur le fondement des stipulations précitées du titre III du protocole du 22 décembre 1985 annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dont la délivrance est soumise, en particulier, aux termes de l'article 9 de l'accord franco-algérien, à la justification d'un visa de long séjour. Dès lors, le préfet a pu à bon droit, pour ce seul motif et sans erreur de fait, erreur de droit ou erreur manifeste d'appréciation, refuser de délivrer à M. B... le titre de séjour sollicité.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, (...) ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". L'article 6 de l'accord franco-algérien stipule que : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ".

8. M. B... déclare être entré en France le 3 octobre 2016, à l'âge de 16 ans. Il a été confié à l'aide sociale à l'enfance du département du Tarn par ordonnance du juge des enfants près le tribunal de grande instance d'Albi, du 8 novembre 2016 jusqu'au 2 mars 2018, date de sa majorité. Il a conclu, avec le département du Tarn, un contrat d'" accueil provisoire jeune majeur " le 7 mars 2018 valable du 2 mars au 2 juillet 2018. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. B... est célibataire, sans enfant à charge et n'est pas dépourvu d'attaches familiales proches dans son pays d'origine, dans lequel résident ses parents, ses trois frères et soeurs ainsi que ses grands-parents et où il a vécu jusqu'à l'âge de seize ans. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que M. B... aurait noué des liens d'une particulière intensité en France notamment pendant son séjour au foyer Léo Lagrange de Graulhet, malgré les attestations qu'il produit, ni qu'il ne pourrait poursuivre son projet professionnel dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la décision lui refusant un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Ainsi, cette décision ne méconnaît ni les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision en litige n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

9. M. B... reprend en appel, en des termes identiques, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation soulevé en première instance à l'encontre de la décision par laquelle le préfet du Tarn l'a obligé à quitter le territoire français. Dans ces conditions, ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Toulouse au point 12 du jugement attaqué.

10. Il ne résulte ni de la motivation de l'arrêté en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet du Tarn n'aurait pas procédé à un examen sérieux et complet de la situation de M. B....

11. Il résulte de l'examen de la légalité du refus de certificat de résidence qui lui a été opposé, que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

13. M. B... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 12 que les décisions de refus de certificat de résidence et d'obligation à quitter le territoire français ne sont pas entachées des illégalités alléguées. Il s'ensuit que le moyen soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi tiré, par voie d'exception, de l'illégalité dont ce refus de séjour et la mesure d'éloignement seraient entachés, ne peut qu'être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juin 2018 par lequel le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet du Tarn.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 octobre 2019.

Le rapporteur,

D...Le président,

Marianne HARDY

Le greffier,

Cindy VIRIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX00551


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00551
Date de la décision : 10/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-10;19bx00551 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award