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10/10/2019 | FRANCE | N°18BX04169

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 10 octobre 2019, 18BX04169


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite.

Par un jugement n° 1801441 du 25 juin 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enr

egistrée le 1er décembre 2018, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite.

Par un jugement n° 1801441 du 25 juin 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2018, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 25 juin 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de réexaminer sa demande et de la munir d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

s'agissant du refus de titre de séjour :

- la décision litigieuse est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle ;

- la décision litigieuse méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision litigieuse est privée de base légale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- cette décision méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

-le préfet a méconnu l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui renvoie à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 17 juin 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 22 juillet 2019 à 12 heures.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... B... épouse A..., ressortissante libyenne née le 9 mai 1979, est entrée en France le 23 septembre 2010 avec son enfant né en 2008, afin d'accompagner son époux, M. E... A..., qui, venait y faire des études. Elle y a résidé sous couvert d'un titre de séjour portant la mention " visiteur " régulièrement renouvelé jusqu'au 23 novembre 2016 et le couple a eu trois autres enfants en 2011, 2013 et 2016. Par deux arrêtés du 29 janvier 2018, le préfet de la Gironde a refusé de renouveler les titres de séjour des époux A..., les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils seraient reconduits à l'issue de ce délai. Mme A... relève appel du jugement du 25 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté la concernant.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, l'appelante se borne à reprendre en appel les moyens tirés du défaut de motivation et du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges, d'écarter ces moyens.

3. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Mme A... ne conteste pas ne plus avoir de ressources lui permettant de remplir les conditions posées par les dispositions de l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " visiteur ". Le préfet a néanmoins, pour statuer sur sa demande de titre de séjour, examiné d'office si elle était susceptible de se voir délivrer un titre sur un autre fondement. Si Mme A... soutient qu'elle et son époux résident en France depuis huit ans avec leurs enfants dont les trois premiers sont scolarisés, que son époux a une promesse d'embauche et qu'elle y a tissé un réseau amical, il ressort des pièces du dossier que l'appelante comme son conjoint ont résidé en France sous couvert de titres de séjour ne leur donnant pas vocation à s'y installer durablement. Le refus de séjour litigieux, qui n'emporte pas par lui-même mesure d'éloignement, ne fait pas obstacle à la poursuite de la vie familiale, notamment en Libye où les intéressés possèdent leurs attaches familiales, en particulier les parents de l'appelante, et où les enfants scolarisés peuvent y poursuivre leur scolarité. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour litigieux aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris.

5. Aux termes de l'article 3, paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ".

6. Le refus de titre de séjour litigieux qui, ainsi qu'il a été dit n'emporte pas par lui-même mesure d'éloignement, n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer Mme A... de son conjoint et de ses enfants, en particulier de son fils Oussem, alors au demeurant qu'elle n'a pas présenté de demande d'autorisation provisoire de séjour en raison de l'état de santé de ce dernier, Dès lors, le moyen tiré de ce que le refus de séjour porterait atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant, en méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi :

7. Il ressort des pièces du dossier que la demande de titre de séjour présentée par le conjoint de Mme A... concomitamment à celle de cette dernière et dont il n'est pas contesté par le préfet qu'elle a fait l'objet d'une instruction commune, était motivée, non seulement par une demande de changement de statut afin d'exercer un emploi mais également en raison de l'état de santé de leur fils Oussem, né en 2011 et nécessitant un suivi médical dans un établissement spécialisé. Par un jugement du 25 juin 2018, devenu définitif, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 29 janvier 2018 portant refus de titre de séjour opposé à M. A..., assorti d'une mesure d'éloignement, au motif que le préfet n'avait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé, et a enjoint au préfet de réexaminer la demande de M. A.... Dans ces conditions, la décision de la même date par laquelle le préfet a obligé Mme A... à quitter le territoire français, a nécessairement pour effet une séparation familiale, en particulier entre la mère et son jeune enfant, au moins le temps de l'examen de la demande présentée par le conjoint, lequel a été autorisé à séjourner à France jusqu'au 28 juillet 2019. Dès lors, Mme A... est fondée à soutenir que la décision litigieuse porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et méconnaît, par suite, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 29 janvier 2018 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français et par voie de conséquence en tant qu'il fixe le pays à destination duquel elle serait reconduite.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. L'annulation prononcée, eu égard à ses motifs, implique nécessairement que le préfet de la Gironde délivre à l'intéressée, non un titre de séjour, mais, sans délai, une autorisation provisoire de séjour d'une durée de validité en cohérence avec la durée de celle détenue par son conjoint dans le cadre de l'examen de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 1 200 euros à verser Me D... sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

DECIDE

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Gironde du 29 janvier 2018 est annulé en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français de Mme A... et fixation du pays de renvoi.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer, sans délai, à Mme A... une autorisation provisoire de séjour dans les conditions fixées au point 9 du présent arrêt.

Article 4 : l'État versera la somme de 1 200 euros à Me D... sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B... épouse A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier C..., président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 octobre 2019.

Le rapporteur,

Didier C...

Le président,

Marianne HardyLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX04169


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04169
Date de la décision : 10/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : AYMARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-10;18bx04169 ?
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