La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/10/2019 | FRANCE | N°18BX02749

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 10 octobre 2019, 18BX02749


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... F... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a notamment refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite.

Par un jugement n° 1701677 du 22 mars 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, en

registrée le 16 juillet 2018, Mme F..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... F... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a notamment refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite.

Par un jugement n° 1701677 du 22 mars 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2018, Mme F..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 mars 2018 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 13 novembre 2017 ou, à titre subsidiaire, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi du 13 novembre 2017

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou à défaut de réexaminer sa situation, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le même délai et sous la même astreinte ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à son avocat en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du

10 juillet 1991, ainsi qu'une somme de 13 euros au titre des droits de plaidoirie.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu à sa demande d'analyse comparée de son ADN avec ceux de ses frères et soeurs, laquelle permettrait seule d'établir irréfutablement la véracité de ses affirmations concernant la présence de membres de sa fratrie en France ;

- le refus de séjour n'est pas suffisamment motivé en se bornant à citer les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le tribunal et le préfet ont méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle produit de nombreux éléments attestant de la présence en France de toute sa famille, mais aussi de l'existence de liens forts avec chacun de ses membres. Ses frères et sa soeur possèdent la nationalité française, une autre de ses soeurs bénéficie du statut de réfugié et une troisième est étudiante en situation régulière alors qu'elle n'a plus aucune famille dans son pays d'origine ni conservé aucun lien ou attache avec la République Démocratique du Congo ;

- la mesure d'éloignement est privée de base légale par voie d'exception d'illégalité du refus de séjour. A cet égard, elle invoque les mêmes moyens et arguments dirigés contre le refus de séjour pour contester la mesure d'éloignement ;

- le préfet n'a pas pris en compte les liens familiaux rappelés ci-dessus avant de prendre cette décision, alors que tous les membres de sa famille résident en France et qu'elle serait totalement isolée en cas de retour dans son pays d'origine ;

- la décision fixant le pays de renvoi n'est pas suffisamment motivée et est illégale eu égard aux illégalités affectant l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. Cette décision est entachée des mêmes vices concernant la légalité externe et interne précédemment exposés dans le cadre de la contestation de la mesure d'éloignement ;

- cette décision a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des risques qu'elle encourt en cas de retour dans son pays d'origine compte tenu de ses activités politiques au sein du principal parti d'opposition au président Kabila et des exactions perpétrées dans la région du Kasaï central.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 septembre 2018, le préfet de la

Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par l'intéressée ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 13 août 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 8 octobre 2018 à 12 heures.

Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 21 juin 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., ressortissante congolaise née en 1991 et entrée en France en 2012, a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 18 décembre 2012, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 15 juillet 2013. Elle a fait l'objet de plusieurs refus de séjour assortis de mesures d'éloignement en 2014 et 2016 devenus définitifs après que la cour a confirmé la légalité de ces décisions en dernier lieu par un arrêt du 29 août 2016. Elle a de nouveau sollicité son admission au séjour le 6 avril 2016. Une décision implicite de rejet est née le 6 août 2016 du silence gardé par le préfet de la Haute-Vienne sur cette demande. Par un arrêté du 13 novembre 2017, le préfet de la Haute-Vienne a retiré cette décision implicite, a refusé d'admettre Mme F... au séjour en France, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite. Mme F... fait appel du jugement du 22 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Limoges a expressément répondu aux moyens soulevés par Mme F.... En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de l'atteinte portée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale en retenant notamment l'absence de liens anciens, intenses et établis avec sa fratrie résidant sur le territoire français, à supposer même l'erreur de fait qu'aurait commise le préfet en remettant en cause la réalité des liens familiaux allégués. Par suite, le jugement n'est pas entaché d'irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

3. Mme F... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui leur a été apportée par le tribunal administratif pour lequel l'arrêté en litige comporte notamment les considérations de droit et de fait qui le fondent, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation des décisions, d'une part, portant refus de séjour et, d'autre part, fixant le pays de renvoi. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne le refus de séjour :

4. Si Mme F... soutient que le préfet a violé le principe du contradictoire en ne lui transmettant pas le rapport des services de la police de l'air et des frontières sur l'authenticité des documents d'état-civil qu'elle a produits dans le cadre de sa demande de titre de séjour, aucune disposition légale, ni aucun principe, n'oblige le préfet à transmettre un tel document préalablement à la décision en litige.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ". Selon l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article

L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que si la mère de Mme F... et six de ses frères et soeurs, dont certains sont de nationalité française, résident sur le territoire français depuis de nombreuses années, elle est entrée en France dans le courant de l'année 2012 et a fait l'objet de plusieurs refus de séjour en 2014 et 2016, devenus définitifs, assortis de mesures d'éloignement qu'elle n'a pas exécutées et n'établit pas davantage en appel qu'en première instance l'ancienneté, la stabilité et l'intensité des liens qu'elle allègue entretenir avec les membres de sa famille, notamment avant son entrée sur le territoire. Célibataire et sans charge de famille, elle ne démontre pas qu'elle serait dépourvue de toute attache dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans. Par suite, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, le refus de séjour opposé à Mme F... n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. Il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme F... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement prise à son encontre.

8. Mme F... reprend en appel le moyen tiré de ce que le préfet se serait cru tenu de l'obliger à quitter le territoire français sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Ce moyen doit ainsi être écarté par adoption du motif pertinent retenu par le tribunal.

9. Compte tenu de ce qui a été dit au point 6, et comme l'ont indiqué à juste titre les premiers juges, le moyen tiré de ce que la mesure faisant obligation à Mme F... de quitter le territoire français aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

10. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". En vertu de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

11. Mme F... n'établit pas davantage en appel qu'en première instance la nature et la réalité des risques auxquels elle pourrait être personnellement et actuellement exposée en cas de retour en République démocratique du Congo du fait de ses activités politiques au sein du parti d'opposition au régime en place dans ce pays, alors par ailleurs que sa demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile en 2013. Par suite, la décision fixant le pays de renvoi contenue dans l'arrêté contesté n'a pas méconnu les stipulations et dispositions précitées.

12. Enfin, le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée au droit de Mme F... au respect de sa vie privée et familiale au motif de la présence en France de l'intégralité de sa famille doit, en tout état de cause, être écarté pour les motifs énoncés au point 6.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 novembre 2017. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que, en tout état de cause, au remboursement de droits de plaidoirie, doivent être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme D... A..., présidente,

M. Didier B..., président-assesseur.

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 octobre 2019.

Le rapporteur,

Didier B...La présidente,

Marianne A...

Le greffier,

Cindy VIRIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 18BX02749 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02749
Date de la décision : 10/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SELARL PREGUIMBEAU GREZE AEGIS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-10;18bx02749 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award