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08/10/2019 | FRANCE | N°19BX02061

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 08 octobre 2019, 19BX02061


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions du 7 septembre 2018 par lesquelles le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1804667 du 21 janvier 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédu

re devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 mai 2019, M. E..., représenté par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions du 7 septembre 2018 par lesquelles le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1804667 du 21 janvier 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 mai 2019, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 janvier 2019 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de la Gironde du 7 septembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi

du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée et révèle un défaut d'examen particulier dès lors que l'administration n'a pas examiné la demande présentée sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas tenu compte de la naissance d'un deuxième enfant ;

- en s'abstenant de demander un nouvel avis au collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), le préfet de la Gironde n'a pas procédé au réexamen de sa demande et a violé l'autorité de la chose jugée ; le préfet ne lui a pas demandé d'actualiser les éléments de son suivi médical ;

- son droit d'être entendu a été méconnu dès lors qu'il n'a pas pu se rendre

au rendez-vous fixé et que l'administration n'a pas répondu à sa demande de nouvelle convocation ;

- l'avis du collège de médecins méconnaît les dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 dès lors, d'une part, qu'il n'a pas été rendu à l'issue d'une délibération pouvant prendre la forme soit d'une réunion, soit d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle, et d'autre part, qu'il ne se prononce pas sur la possibilité d'accès effectif aux soins dans le pays de renvoi, ce qui est de nature, respectivement, à priver l'intéressé d'une garantie et à exercer une influence sur le sens de la décision ;

- le préfet s'est estimé à tort lié par l'avis du collège de médecins ;

En ce qui concerne le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision méconnaît les articles 3-1 et 16-1 de la convention sur les droits de l'enfant ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour :

- la décision est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne précise pas en quoi sa présence constituerait une menace pour l'ordre public et ne motive pas la durée de deux ans retenue ;

- dès lors qu'il n'a fait l'objet d'aucune condamnation depuis son retour en France en 2016, la décision est entachée d'erreur d'appréciation.

Par ordonnance du 1er juillet 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 5 août 2019.

Un mémoire en défense présenté par le préfet de la Gironde a été enregistré le 6 août 2019.

M. E... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision

du 28 mars 2019.

Vu :

-le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1800624 du 25 juin 2018 ;

-les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22,

R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant géorgien né en 1975, est entré en France en 2012 avec son épouse et leur fils mineur. Après le rejet de sa demande d'asile, le préfet de la Gironde, par un arrêté du 16 juin 2015, a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Cette mesure d'éloignement a fait l'objet d'une exécution forcée

le 15 juin 2016. M. E..., qui a déclaré être entré à nouveau en France en octobre 2016, a sollicité le réexamen de sa demande d'asile dont le rejet a été confirmé, puis a demandé un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Cette dernière demande a été rejetée par un arrêté du préfet de la Gironde du 7 décembre 2017, assortie d'une obligation de quitter le territoire français et d'une interdiction de retour durant deux ans, qui a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1800624 du 25 juin 2018 en raison de l'irrégularité de la procédure, l'administration n'ayant pas justifié de l'existence du rapport établi par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Le préfet de

la Gironde a réexaminé la situation de l'intéressé, et, par arrêté du 7 septembre 2018, a pris de nouvelles décisions de refus de titre de séjour, d'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, de fixation du pays de renvoi et d'interdiction de retour pour une durée de deux ans. M. E... relève appel du jugement du 21 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. La décision comporte les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement du rejet de la demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et précise en outre que l'épouse de M. E... a également fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et que la scolarisation de son enfant ne fait pas obstacle à la poursuite de la vie familiale hors de France. Ces éléments suffisent à motiver le refus de titre de séjour après réexamen, ainsi que le refus de prendre une mesure de régularisation à titre exceptionnel, et ne révèlent pas un défaut d'examen particulier du dossier.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. E..., qui a été invité à se présenter au guichet de la préfecture de la Gironde le 13 août 2018 en vue du réexamen de sa situation après l'annulation prononcée le 25 juin 2018 par le tribunal administratif de Bordeaux, ne s'y est pas rendu sans justifier d'aucun empêchement, et s'est borné à solliciter un autre rendez-vous sans faire valoir aucun élément nouveau, notamment au regard d'une évolution de son état de santé sur lequel le collège de médecins de l'OFII avait émis un avis le 4 décembre 2017 dans le cadre de l'instruction de sa demande rejetée par l'arrêté du 7 décembre 2017. Seule la carence de l'administration à produire cet avis devant le tribunal a conduit ce dernier à juger que le refus de titre de séjour opposé à M. E... était entaché d'un vice de procédure. Dans ces circonstances, l'injonction de réexamen prononcée par le tribunal, qui avait pour seul objet d'imposer au préfet de la Gironde de prendre une nouvelle décision selon une procédure régulière, n'impliquait pas de saisir à nouveau le collège de médecins. Par suite, le requérant n'est fondé à invoquer ni la méconnaissance de son droit d'être entendu, ni celle de l'autorité de la chose jugée.

4. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté (...) / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. (...) ". Ces dispositions ont pour objet de permettre aux médecins, s'ils le souhaitent, de rendre leur avis collégial sans avoir à se déplacer dans un même lieu. Elles ne leur imposent pas de tels modes de communication.

Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut qu'être écarté.

5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) 11° la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). ". Dès lors que le collège de médecins de l'OFII a estimé, dans son avis

du 4 décembre 2017, qu'en l'espèce, l'état de santé M. E... nécessite une prise en charge dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'absence de mention relative à l'accès effectif au traitement approprié dans le pays d'origine, qui n'a pu exercer une influence sur le sens de la décision et n'a pas privé l'intéressé d'une garantie, est sans incidence sur la régularité de la procédure.

6. Malgré la formulation maladroite de la décision attaquée, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Gironde se serait cru à tort en situation de compétence liée par l'avis du collège de médecins de l'OFII concernant de l'état de santé de M. E.... Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

Sur le moyen commun à la décision de refus de titre de séjour et à l'obligation de quitter le territoire français :

7. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ni la circonstance que le fils de M. E...,

né en 2007, a toujours été scolarisé en France, ni le fait, attesté par un certificat médical

du 8 novembre 2017, qu'il présente des manifestations d'anxiété et des difficultés attentionnelles et de concentration avec des répercussions sur ses apprentissages et sa scolarisation, ne sont de nature à faire regarder les décisions attaquées comme prises en méconnaissance de son intérêt supérieur dès lors qu'elles n'ont ni pour objet, ni pour effet de le séparer d'un de ses parents.

Sur l'interdiction de retour :

8. Aux termes du III de l'article L. 511- 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / (...) / Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative prononce une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...). ". La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. En l'espèce, la décision prononçant à l'encontre de M. E... une interdiction de retour de deux ans est suffisamment motivée en fait par la référence à la menace qu'il représente pour l'ordre public, détaillée par l'énumération des condamnations et des signalements aux services de police dont il a fait l'objet, par la mention de son retour en France en octobre 2016 après avoir fait l'objet d'un éloignement contraint le 15 juin 2016, et par la référence à ses attaches familiales en Géorgie et à l'absence de justification de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France.

9. Il est constant que M. E... a fait l'objet, entre le 7 février 2013 et

le 29 février 2016, de six signalements pour vol à l'étalage, un pour vol en réunion et un pour recel d'un bien provenant d'un délit, d'une condamnation à quatre mois d'emprisonnement pour vol aggravé, de deux peines d'amende pour conduite d'un véhicule respectivement sous l'empire d'un état alcoolique et malgré la suspension de son permis de conduire, et d'un signalement pour port illégal d'arme de catégorie 6. Eu égard à la menace pour l'ordre public caractérisant un tel comportement, la circonstance qu'il n'a pas fait l'objet d'une nouvelle condamnation depuis son retour en France en octobre 2016 ne suffit pas à faire regarder l'interdiction de retour d'une durée de deux ans comme entachée d'erreur d'appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme A... B..., présidente-assesseure,

M. Thierry Sorin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2019.

La rapporteure,

Anne B...

Le président,

Catherine GiraultLa greffière,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX02061


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02061
Date de la décision : 08/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : TREBESSES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-08;19bx02061 ?
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