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08/10/2019 | FRANCE | N°19BX00211

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 08 octobre 2019, 19BX00211


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté

du 30 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Indre a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à sa sortie du centre pénitentiaire de Châteauroux prévue le 26 mai 2019, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par une ordonnance n° 1801926 du 17 décembre 2018, le président d

u tribunal administratif de Limoges a rejeté sa requête pour tardiveté.

Procédure devant la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté

du 30 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Indre a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à sa sortie du centre pénitentiaire de Châteauroux prévue le 26 mai 2019, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par une ordonnance n° 1801926 du 17 décembre 2018, le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa requête pour tardiveté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 janvier 2019, M. E..., représenté

par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Indre du 30 novembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Indre de lui délivrer un titre de séjour, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans un délai à déterminer, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi

du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

En ce qui concerne le bien-fondé de l'ordonnance :

- la notification de l'obligation de quitter le territoire français sans délai mentionne la possibilité de former un recours dans un délai de deux mois ; elle est ambiguë en tant qu'elle ne précise pas que le recours administratif ne suspend pas le délai de recours

contentieux (CE 4 décembre 2009 n° 324284) ;

- dès lors que le 2 décembre était un dimanche, le délai de deux jours expirait

le 3 décembre 2018 ; par une décision n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la contestation par un étranger détenu d'une obligation de quitter

le territoire français n'opèrent pas une conciliation équilibrée entre le droit au recours juridictionnel effectif et l'objectif poursuivi par le législateur ; la brièveté du délai

de quarante-huit heures ne permet pas l'exercice d'un droit au recours effectif ; ainsi, c'est à tort que le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté son recours pour tardiveté ;

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté attaqué :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car il vit avec sa concubine depuis 11 ans et a de la famille en France.

Par ordonnance du 12 avril 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juin 2019.

Un mémoire en défense présenté par le préfet de l'Indre a été enregistré le 13 août 2019.

M. E... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision

du 11 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 13 mars 2018, M. E..., de nationalité serbe, né en 1990, détenu au .... Par un arrêté du 30 novembre 2018 notifié le même jour à 15 h 30, le préfet de l'Indre a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à sa sortie du centre pénitentiaire prévue le 26 mai 2019, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté pour tardiveté sa requête enregistrée le 3 décembre 2018 à 13 h 23, tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français sans délai, de la décision fixant le pays de renvoi et de l'interdiction de retour.

2. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) / II. -L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon les cas, aux I ou I bis. (...) / IV. -Lorsque l'étranger est en détention, il est statué sur son recours selon la procédure prévue au III. Dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger est informé, dans une langue qu'il comprend, qu'il peut demander l'assistance d'un interprète ainsi que d'un conseil. ".

3. Par une décision n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018 publiée au Journal officiel

du 2 juin 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les mots " et dans les délais " figurant alors à la première phrase du paragraphe IV de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en l'absence de délais spécifiques les concernant, les étrangers en détention disposent des délais de recours de droit commun définis en matière d'obligation de quitter le territoire national aux articles L. 512-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour introduire leur requête devant le tribunal administratif. Le Conseil Constitutionnel a en outre, par une nouvelle décision QPC n° 2018-741 du 19 octobre 2018, jugé que le délai de quarante-huit heures applicable y compris aux détenus en ce qui concerne les arrêtés de reconduite à la frontière, lesquels ont la même portée qu'une obligation de quitter sans délai le territoire, ne méconnaît pas, en lui-même, compte tenu de l'objectif poursuivi par le législateur et des garanties prévues pour assurer l'information des intéressés et l'effectivité de leur accès à un conseil, le droit à un recours juridictionnel effectif. Ainsi, l'obligation de quitter le territoire français non assortie, comme en l'espèce, d'un délai de départ volontaire, doit, en application du II de l'article L. 512-1 précité, être contestée dans un délai de quarante-huit heures, qui se décompte d'heure en heure et n'est pas interrompu par un jour non ouvrable.

4. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ". Il ressort des pièces du dossier que M. E... a signé l'exemplaire de l'arrêté notifié par voie administrative précisant la date et l'heure de la notification et faisant mention des voies et délais de recours en français, langue comprise par l'intéressé. Si l'arrêté attaqué indique qu'il est possible de former un recours administratif dans un délai de deux mois, il précise que le recours en annulation devant la juridiction administrative doit être présenté dans un délai de quarante-huit heures et avertit lisiblement en lettres capitales que le recours juridictionnel n'est pas prorogé par la présentation préalable d'un recours administratif. Cette information dépourvue d'ambiguïté était suffisante pour permettre à M. E..., en l'absence de circonstances particulières susceptibles d'y avoir fait obstacle, d'exercer son recours contentieux dans le délai de quarante-huit heures.

5. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté son recours, exercé plus de 48 heures après la notification de la décision, pour tardiveté. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Indre.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme A... B..., présidente-assesseure,

M. Thierry Sorin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2019.

La rapporteure,

Anne B...

Le président,

Catherine GiraultLa greffière,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX00211


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00211
Date de la décision : 08/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-01-07-02 Procédure. Introduction de l'instance. Délais. Point de départ des délais.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : DOUNIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-08;19bx00211 ?
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