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08/10/2019 | FRANCE | N°19BX00085

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 08 octobre 2019, 19BX00085


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2018 par lequel le préfet de la Vienne a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1802966 du 17 décembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 janvier 2019, Mme A...,

représentée par la SCP d'avocats Breillat-Dieumegard-Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2018 par lequel le préfet de la Vienne a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1802966 du 17 décembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 janvier 2019, Mme A..., représentée par la SCP d'avocats Breillat-Dieumegard-Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 décembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2018 du préfet de la Vienne décidant son transfert aux autorités espagnoles et l'arrêté du même jour l'assignant à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer un récépissé de demande, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quarante-huit heures, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- l'arrêté portant transfert aux autorités espagnoles est entaché d'insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; elle réside chez sa mère qui a une carte de résident de 10 ans en qualité de réfugiée ; ses trois frères et ses deux soeurs ont également obtenu cette protection ; elle est enceinte de plusieurs mois ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 17 du règlement CE n° 604/2013 et s'avère entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que le préfet aurait dû faire usage de la clause dérogatoire d'examen de sa demande d'asile ;

- l'arrêté portant assignation à résidence est entaché d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité de l'arrêté de transfert ;

- il est entaché d'insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen approfondi de sa situation personnelle ; aucun contact préalable avec l'Espagne ne garantit sa prise en charge médicale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2019, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 14 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 5 juillet 2019.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2019/002689 du 7 mars 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- les règlements (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 et (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante guinéenne, née le 7 août 1997, a déclaré être entrée sur le territoire européen, de manière irrégulière, le 17 avril 2018. Elle a déposé une demande d'asile en France le 24 mai 2018. Le relevé de ses empreintes digitales a fait apparaître que celles-ci avaient été enregistrées par les autorités espagnoles, le 9 mai 2018, à l'occasion de son franchissement de la frontière de cet Etat membre alors qu'elle provenait d'un Etat tiers à l'Union Européenne. Les autorités françaises ont obtenu, le 17 juillet 2018, l'accord explicite des autorités espagnoles aux fins de prise en charge de Mme A... dans le cadre des dispositions du règlement (UE) n° 640/2013. Mme A... relève appel du jugement du 17 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 10 décembre 2018 par lesquels le préfet de la Vienne a, respectivement, décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable. Il ressort des pièces du dossier que la décision de transfert a été exécutée le 10 janvier 2019.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté portant transfert aux autorités espagnoles :

2. En premier lieu, l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que " l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ".

3. Si Mme A... soutient que l'arrêté en litige est insuffisamment motivé en fait, révélant un défaut d'examen circonstancié de sa situation personnelle, elle se borne à reprendre les arguments développés en première instance, qu'il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif.

4. En second lieu, l'article 17 du règlement n°604/2013 dispose que : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par ces dispositions, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le même règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

5. Si Mme A... se prévaut de la présence en France de sa mère et de cinq de ses frères et soeurs, les pièces produites devant le tribunal ne sont, en toute hypothèse, pas de nature à établir l'intensité de ses liens avec cette fratrie alors qu'il est constant qu'elle a vécu eu Guinée jusqu'à son entrée récente sur le territoire d'un Etat membre de l'Union européenne, à l'âge de 20 ans. Elle n'établit pas davantage ne plus avoir de liens familiaux dans son pays d'origine. En outre, si elle se prévaut de son état de grossesse de 4 mois à la date de l'acte attaqué, elle n'établit ni ne soutient, d'ailleurs, en quoi son état de santé imposerait que sa demande d'asile soit, à titre dérogatoire, examinée en France ou ferait obstacle à son retour en Espagne. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation au regard des dispositions précitées.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté portant assignation à résidence :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être exposé aux points 2 à 5 que l'arrêté portant transfert de Mme A... aux autorités espagnoles n'est pas entaché d'illégalité. Par suite, la requérante n'est pas fondée à exciper du défaut de base légale de l'arrêté critiqué en raison de l'illégalité alléguée de ce premier arrêté.

7. En second lieu, l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 1°bis) fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3. (...) ".

8. L'arrêté attaqué vise les dispositions précitées et indique expressément que l'exécution du transfert de Mme A..., qui présente des garanties de représentation, constitue une perspective raisonnable compte tenu de l'accord donné à ce transfert par les autorités espagnoles et de la circonstance que ce transfert ne requiert, en outre, que la délivrance d'un laissez-passer européen. Le moyen tiré de son insuffisante motivation, au regard notamment de la perspective raisonnable liée à l'éloignement, doit par suite être écarté. Le caractère suffisant de cette motivation révèle, en outre, que le préfet a procédé à un examen circonstancié de la situation de la requérante. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de la requérante nécessiterait un suivi médical particulier qui ne pourrait être réalisé en Espagne. Par suite, aucune vérification préalable auprès des autorités espagnoles n'était requise.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 décembre 2018 du préfet de la Vienne décidant son transfert aux autorités espagnoles et de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence. Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme Anne Meyer, président-assesseur,

M. Thierry B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2019.

Le rapporteur,

Thierry B...Le président,

Catherine Girault

Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 19BX00085


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00085
Date de la décision : 08/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

.

Étrangers - Séjour des étrangers - Restrictions apportées au séjour - Assignation à résidence.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. thierry SORIN
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-08;19bx00085 ?
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