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08/10/2019 | FRANCE | N°19BX00075

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 08 octobre 2019, 19BX00075


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 août 2018 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1803609 du 29 octobre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procéd

ure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2019, M. E..., représenté p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 août 2018 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1803609 du 29 octobre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2019, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 octobre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 août 2018 du préfet de la Gironde ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an, sur le fondement de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 6.2 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dès lors que les faits retenus par le préfet pour qualifier la menace à l'ordre public qu'il représenterait sont anciens ; il ne constitue pas une menace actuelle pour l'ordre public ;

- il était marié avec une ressortissante française depuis un an à la date de l'acte attaqué et a démontré sa volonté d'insertion professionnelle depuis son entrée sur le territoire français en 2007 ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu des liens privés et familiaux dont il dispose en France, notamment avec son épouse et son père, et de l'avis favorable de la commission du titre de séjour sur sa demande ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le préfet n'a pas pris en considération les quatre critères prévus au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable en raison de sa tardiveté ;

- les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 4 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 6 mai 2019.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2018/023610 du 24 janvier 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- et les observations de Me Lanne, avocat, représentant M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant algérien né le 29 décembre 1992, est entré irrégulièrement en France le 18 janvier 2007, selon ses déclarations, à l'âge de quatorze ans. Le 25 mars 2010, il a sollicité la délivrance d'un premier certificat de résidence, pour raisons de santé, qui lui a été délivré le 24 novembre 2011, et a été renouvelé jusqu'au 16 août 2016. Cependant, par un arrêté du 10 octobre 2016, devenu définitif, le préfet de la Gironde a refusé de renouveler ce certificat de résidence et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le 21 août 2017, M. E... a, à nouveau, sollicité la délivrance d'un titre de séjour à la suite de son mariage avec une ressortissante française, Mme C.... Il relève appel du jugement du 29 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 août 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer le titre sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays d'origine comme pays de renvoi, et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

2. En premier lieu, l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé stipule que : " (...) le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1° au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans (...) / 2°Au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française (...) / 5° Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.

3. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser la délivrance du certificat de résidence sollicité, le préfet de la Gironde s'est fondé sur le fait que la présence en France de M. E... constitue une menace pour l'ordre public. Si le requérant conteste ce motif dès lors que les faits sur lesquels le préfet s'est appuyé seraient anciens, il est toutefois constant, ainsi que l'a relevé le tribunal, que l'intéressé a été condamné, le 5 avril 2013, par le tribunal correctionnel de Bordeaux à une peine d'amende pour usage illicite de stupéfiants, le 21 octobre 2015 à une peine d'un mois d'emprisonnement avec sursis, 150 euros d'amende et la suspension de son permis de conduire durant 3 mois pour conduite de véhicule sous l'empire d'un état alcoolique et refus par le conducteur d'un véhicule d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, le 20 novembre 2015 à une peine de 4 mois d'emprisonnement avec sursis pour vol en réunion commis les 15 et 26 juin 2014, 21 et 29 juillet 2014, 12 août 2014 et 17 septembre 2014 et usage de fausses plaques apposées sur un véhicule. Par ailleurs, l'intéressé ne conteste pas avoir fait l'objet d'une condamnation à un mois de prison pour des faits de vol en réunion commis le 4 novembre 2017. Ainsi, eu égard à la nature ainsi qu'au caractère répété et actuel des faits de délinquance imputables à M. E..., et notamment le fait qu'il a été à nouveau condamné pour des faits commis en novembre 2017, postérieurement à son mariage, le préfet de la Gironde a pu estimer, sans commettre d'erreur d'appréciation, que le comportement de l'intéressé constituait une menace grave pour l'ordre public justifiant que sa demande de certificat de résidence soit rejetée, en dépit de l'avis favorable de la commission du titre de séjour dans sa séance du 4 juin 2018 et de la circonstance qu'il remplirait les conditions prévues par les 1° et 2° de l'accord franco-algérien pour bénéficier d'un certificat de résidence. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Gironde n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. E....

4. En deuxième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Si M. E... se prévaut de la présence en France de son père et de son épouse, de nationalité française, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le requérant n'établit pas la réalité, la nature et l'intensité de ses liens avec son père, titulaire d'un certificat de résidence de dix ans, d'autre part, que le mariage avec Mme C... est relativement récent, datant de seulement un an à la date de l'arrêté attaqué, sans que M. E... n'apporte d'éléments nouveaux en appel sur l'ancienneté de cette relation. Par ailleurs, outre le fait que l'intéressé n'établit pas ne pas pouvoir constituer sa cellule familiale dans son pays d'origine, il est constant que sa mère et quatre membres de sa fratrie vivent en Algérie. Enfin, M. E... n'a jamais validé de formation professionnelle ni exercé d'emplois stables alors même qu'il est en France depuis l'âge de quatorze ans. Dans ces conditions et eu égard aux délits qu'il a commis et aux condamnations dont il a fait l'objet, précédemment rappelés, le préfet de la Gironde n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 précité, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ce refus de certificat de résidence a été pris.

6. En troisième et dernier lieu, le premier alinéa du III de l'article L. 511-1 du CESEDA dispose que : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ". Le huitième alinéa de ce même article ajoute, notamment, que la durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa est décidée par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.

7. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1 précité, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

8. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige et de son économie générale que le préfet de la Gironde, qui a suffisamment motivé la décision interdisant au requérant de revenir sur le territoire français pendant une durée de deux ans, a rappelé la durée de son séjour et la nature de ses liens familiaux en France, les conditions de son séjour et notamment le fait qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement non exécutée, ainsi que les infractions qu'il a commises aux fins de qualifier la menace à l'ordre public qu'il représente. Ainsi, compte tenu de la prise en compte de ces quatre éléments, et alors que rien ne s'opposait à ce qu'il indique l'élément prépondérant justifiant sa décision, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prononçant à l'encontre de M. E... une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans alors que la durée maximale peut être de trois ans.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 août 2018. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme Anne Meyer, président-assesseur,

M. Thierry A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2019.

Le rapporteur,

Thierry A...Le président,

Catherine Girault

Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 19BX00075


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00075
Date de la décision : 08/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. thierry SORIN
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : LANDETE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-08;19bx00075 ?
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