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08/10/2019 | FRANCE | N°18BX03579,18BX03580

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 08 octobre 2019, 18BX03579,18BX03580


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

I. M. B... E... D... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler les arrêtés du 27 août 2018 par lesquels le préfet de la Haute-Vienne a prononcé, d'une part, son transfert aux autorités néerlandaises dans le cadre du traitement de sa demande d'asile, et d'autre part, son assignation à résidence dans ce département pour une durée de 45 jours.

Par un jugement n° 1801295 du 14 septembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a annulé ce

s deux arrêtés et enjoint au préfet de la Haute-Vienne d'enregistrer la demande d'asi...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

I. M. B... E... D... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler les arrêtés du 27 août 2018 par lesquels le préfet de la Haute-Vienne a prononcé, d'une part, son transfert aux autorités néerlandaises dans le cadre du traitement de sa demande d'asile, et d'autre part, son assignation à résidence dans ce département pour une durée de 45 jours.

Par un jugement n° 1801295 du 14 septembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a annulé ces deux arrêtés et enjoint au préfet de la Haute-Vienne d'enregistrer la demande d'asile de M. D... suivant la procédure normale valant autorisation de séjourner en France, dans un délai de quinze jours à compter de la notification

du jugement.

Procédures devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 octobre 2018 sous le n° 18BX03579, le préfet de la Haute-Vienne demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que :

- dès lors que les Pays-Bas sont tenus d'apprécier le risque encouru dans le pays d'origine au moment de mettre en oeuvre une procédure d'éloignement, il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage du pouvoir discrétionnaire prévu à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil

du 26 juin 2013, et le jugement méconnaît le principe de confiance mutuelle entre les Etats membres ;

- en l'absence de défaillances systémiques aux Pays-Bas ou de circonstances particulières relatives à la situation de l'intéressé, il n'était pas tenu de faire usage de la clause discrétionnaire ;

- l'injonction de délivrer une autorisation provisoire de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient seulement un réexamen en cas d'annulation de la décision de transfert ;

- les moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.

Par lettre du 8 août 2019, les parties ont été informées, en application de

l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d'office le non-lieu à statuer, le litige étant privé d'objet dès lors que l'arrêté de transfert ne peut plus être légalement exécuté du fait de l'expiration du délai de six mois qui a couru à compter de la notification à l'administration du jugement attaqué (CE 27 mai 2019 n° 421276, B).

II. Par une requête enregistrée le 5 octobre 2018 sous le n° 18BX03580, le préfet de la Haute-Vienne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du même jugement.

Il reprend les moyens de la requête n° 18BX03579 et fait valoir qu'ils présentent un caractère sérieux.

Par ordonnance du 13 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée

au 8 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant afghan entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 25 février 2018, a sollicité l'asile le 2 mars 2018. Le relevé de ses empreintes ayant révélé qu'il avait présenté une demande d'asile aux Pays-Bas sous une autre identité en 2016, le préfet de la Haute-Vienne a saisi les autorités néerlandaises d'une demande de reprise en charge, expressément acceptée par une décision du 17 avril 2018. Puis, par deux arrêtés

du 27 août 2018, il a prononcé la remise de M. D... aux autorités néerlandaises et son assignation à résidence. Par la requête n° 18BX03579, le préfet de la Haute-Vienne relève appel du jugement du 14 septembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a annulé ces deux arrêtés et lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile suivant la procédure normale valant autorisation de séjourner en France.

Par la requête n° 18BX03580, il demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes qui ont fait l'objet d'une instruction commune et présentent à juger des questions semblables.

Sur la requête n° 18BX03579 :

2. Le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 fixe, à ses articles 7 et suivants, les critères à mettre en oeuvre pour déterminer, de manière claire, opérationnelle et rapide, ainsi que l'ont prévu les conclusions du Conseil européen de Tempere des 15 et 16 octobre 1999, l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile. La mise en oeuvre de ces critères peut conduire, le cas échéant, à une demande de prise ou reprise en charge du demandeur, formée par l'Etat membre dans lequel se trouve l'étranger, dénommé " Etat membre requérant ", auprès de l'Etat membre que ce dernier estime être responsable de l'examen de la demande d'asile, ou " Etat membre requis ". En cas d'acceptation de ce dernier, l'Etat membre requérant prend, en vertu de l'article 26 du règlement, une décision de transfert, notifiée au demandeur, à l'encontre de laquelle ce dernier dispose d'un droit de recours effectif, en vertu de l'article 27, paragraphe 1, du règlement. Aux termes du paragraphe 3 du même article : " Aux fins des recours contre des décisions de transfert ou des demandes de révision de ces décisions, les États membres prévoient les dispositions suivantes dans leur droit national : / a) le recours ou la révision confère à la personne concernée le droit de rester dans l'État membre concerné en attendant l'issue de son recours ou de sa demande de révision (...) ". Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant ".

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) : " Sous réserve du second alinéa de

l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". En vertu du II du même article, lorsque la décision de transfert est accompagnée d'un placement en rétention administrative ou d'une mesure d'assignation à résidence notifiée simultanément, l'étranger dispose d'un délai de 48 heures pour saisir le président du tribunal administratif d'un recours et ce dernier dispose d'un délai de 72 heures pour statuer. Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de

l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, a été notifié à l'administration, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

5. La requête de M. D... devant le tribunal administratif de Limoges a interrompu le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par les Pays-Bas. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification au préfet de la Haute-Vienne, le 14 septembre 2018, du jugement du magistrat délégué par le président de ce tribunal en date du même jour, et n'a pas été interrompu par la requête en appel. A la date du présent arrêt, la France est devenue responsable de l'examen de la demande d'asile de M. D.... Par suite, les conclusions de la requête n° 18BX03579 sont devenues sans objet.

Sur la requête n° 18BX03580 :

6. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges

du 14 septembre 2018, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les requêtes du préfet de la Haute-Vienne.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de la Haute-Vienne et à M. B... E... D....

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme A... C..., présidente-assesseure,

M. Thierry Sorin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2019.

La rapporteure,

Anne C...

Le président,

Catherine GiraultLa greffière,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

Nos 18BX03579, 18BX03580


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03579,18BX03580
Date de la décision : 08/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables.

Procédure - Incidents - Non-lieu - Existence.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-08;18bx03579.18bx03580 ?
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