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03/10/2019 | FRANCE | N°18BX04277

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 03 octobre 2019, 18BX04277


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2016 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1700293 du 27 avril 2018, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire en appel enregistrée le 10 décembre 2018 et des mémoires co

mplémentaires enregistrés les 1er mars et 17 avril 2019, M. A..., représenté par Me D..., demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2016 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1700293 du 27 avril 2018, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire en appel enregistrée le 10 décembre 2018 et des mémoires complémentaires enregistrés les 1er mars et 17 avril 2019, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 avril 2018 du tribunal administratif de la Guyane ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'administration n'est pas fondée à opposer l'irrecevabilité du moyen tiré du défaut de motivation dès lors qu'un moyen de légalité externe était déjà soulevé devant les premiers juges ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ; il ne ressort pas de la motivation retenue que l'administration ait procédé à un examen de sa situation particulière ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de fait en retenant qu'il ne justifiait pas d'un séjour continu ;

- en retenant qu'il produisait des bulletins de salaire et une promesse d'embauche, le tribunal administratif n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en estimant qu'il ne justifiait pas de son intégration sur le territoire ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en n'étudiant pas de manière distincte le respect des dispositions de l'article L. 313-11 7° du CESEDA, sur le fondement duquel M. A... a sollicité son titre de séjour, et celui des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) alors que pour contrôler le respect des dispositions de l'article 8 de la CEDH, le juge opère un contrôle de proportionnalité différent du contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation opéré dans le cadre des dispositions de l'article L. 313-11 7 ; de plus, dans le cadre des dispositions de l'article L. 313-11 7° le préfet a toujours la possibilité de régulariser le séjour de l'intéressé.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 avril 2019, le préfet de la Guyane conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen tiré du défaut de motivation est irrecevable dès lors que devant le tribunal administratif seul le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte a été soulevé ; le moyen tiré du défaut de motivation reposant sur une cause juridique distincte ne peut être soulevé pour la première fois en appel ;

- aucun des autres moyens n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 août 2018.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... B...,

- et les observations de Me D..., représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant surinamais, né le 9 août 1990 à Pikienslee district de Sipaliwini (Suriname) est, selon ses déclarations, entré en Guyane en 2004. Il a sollicité le 23 mars 2015 un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 14 octobre 2016, le préfet de la Guyane lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé son pays d'origine pour destination de cette mesure. M. A... relève appel du jugement en date du 27 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article R. 313-21 dudit code : " Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. ".

3. En premier lieu, l'arrêté dont la légalité est critiquée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait lui servant de fondement. La rédaction de cet arrêté révèle que le préfet de la Guyane s'est livré à un examen particulier de la situation de M. A.... Le moyen tiré du défaut de motivation est infondé et d'ailleurs recevable dès lors que le requérant a déjà soulevé un moyen de légalité externe devant le tribunal administratif.

4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a produit, notamment, à l'appui de ses allégations selon lesquelles il résiderait de manière continue sur le territoire français depuis 2004, deux ordonnances médicales de 2004, une de 2005, une de 2006, une déclaration de revenus 2007 et des copies de certificats de vaccination. Pour l'année 2008, il produit un relevé bancaire, un courrier et une déclaration de perte de la banque postale et des résultats d'un laboratoire médical. Il n'a produit que deux pièces pour justifier de sa présence sur le territoire français en 2009 et ne produit davantage de documents que pour les années postérieures à 2010 et des attestations émanant de proches datant de 2017. Les documents ainsi produits tant devant le tribunal qu'en appel ne peuvent justifier de l'existence d'une résidence habituelle et continue depuis 2004. De plus, plusieurs documents, deux visas délivrés au requérant par le consulat de France au Suriname en 2009 et 2010, la copie des passeports du requérant délivrés en 2008 et 2013 dans son pays d'origine tendent à établir le caractère discontinu du séjour du requérant. De même, les juges du premier ressort ont justement apprécié que les bulletins de salaire et la promesse d'embauche du requérant ne suffisaient pas pour justifier de l'insertion sociale et économique dans la société française. De même, la présence d'un oncle et de plusieurs cousins et cousines en Guyane ne confère pas à l'intéressé, qui ne conteste pas la présence des autres membres de sa famille dans son pays d'origine, un droit au séjour. Enfin, il résulte de tout ce qui précède et de l'ensemble des pièces du dossier que le préfet de Guyane n'a commis aucune erreur de fait ni aucune erreur manifeste d'appréciation ni n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant le titre sollicité par le requérant. De plus, pour les mêmes motifs, cette décision ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit du requérant à une vie privée et familiale normale au sens des dispositions précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'ont estimé les premiers juges.

5. Enfin, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ". Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu laisser à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir. Dans ces conditions, il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'elle a portée sur l'un ou l'autre de ces points.

6. Sur ce point, le tribunal administratif a justement relevé que M. A..., qui n'apporte aucun élément particulier et se borne à faire valoir sa situation personnelle, ne fait état d'aucune circonstance exceptionnelle ou motif humanitaire justifiant son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Enfin, les circonstances de l'espèce ne justifiait pas que le préfet, qui a néanmoins examiné si M. A... pouvait bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour, se livre à un examen distinct du droit au séjour au titre de la vie familiale, d'une part, et au titre des incidences du refus de séjour sur la vie personnelle de l'intéressé, d'autre part, dès lors que le préfet a effectivement procédé à l'examen complet de la situation de l'intéressé en faisant apparaître aucun élément pertinent, y compris en ce qui concerne son activité, pouvant être pris en compte au titre de la vie personnelle du requérant.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent, par suite, être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Gerson Bob A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Guyane et à la ministre des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. C... B..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.

Le rapporteur,

Stéphane B...Le président,

Philippe PouzouletLe greffier,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 18BX04277


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04277
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : DUFRAISSE BARBARA

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-03;18bx04277 ?
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