Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 février 2018 par lequel le préfet du Lot a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a désigné le pays de destination.
Par un jugement n° 1801866, 1801867 du 27 septembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté attaqué et a enjoint au préfet du Lot de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2018, le préfet du Lot demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 27 septembre 2018 et de rejeter le recours pour excès de pouvoir de Mme A....
Il soutient que :
- Mme A... ne peut être regardée comme disposant d'un droit au séjour sur le territoire français et ne fait état d'aucune menace grave, directe et individuelle de nature à la faire regarder comme craignant pour sa vie en cas de retour en Albanie ;
- il n'a pas méconnu l'autorité de la chose jugée ;
- la procédure à fin d'exécution du jugement du 22 janvier 2018 ouverte devant le tribunal administratif de Toulouse a été classée.
- la vie familiale pouvant se reconstituer en Albanie, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2018, Mme A..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête du préfet du Lot, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Lot de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle fait valoir que :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un défaut de motivation qui révèle une absence d'examen approfondi de sa situation ;
- elle émane d'un signataire incompétent ;
- elle méconnaît l'autorité de chose jugée qui s'attache au jugement n° 1704254 du tribunal administratif de Toulouse ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle émane d'un signataire incompétent ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par décision du 7 février 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a décidé de maintenir de plein droit l'aide juridictionnelle accordée le 16 avril 2018 à Mme A....
Par un mémoire enregistré le 14 mai 2019, Mme A... demande à la cour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'assortir l'exécution des mesures enjointes par le tribunal administratif de Toulouse dans son jugement du 27 septembre 2018 en assortissant leur exécution d'une astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente décision.
Par un mémoire enregistré le 29 mai 2019, le préfet du Lot conclut au rejet des conclusions tendant au prononcé d'une astreinte.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... C..., a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante albanaise née le 29 août 1988, est entrée irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 25 novembre 2015, accompagnée de son époux et de leurs enfants. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 24 mars 2016, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 8 juillet 2016. Par arrêté du 30 août 2017, le préfet du Lot l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 1704254 du 12 décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 30 août 2017 et a enjoint au préfet du Lot de réexaminer la situation de Mme A.... Par un arrêté du 23 février 2018, le préfet du Lot a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A..., lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Le préfet du Lot relève appel du jugement du 27 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 23 février 2018.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du préfet du Lot du 23 février 2018 au motif que le préfet avait méconnu l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 22 janvier 2018 qui avait annulé la décision portant refus de séjour du 30 août 2017 opposé à Mme A... en raison du fait que le refus de séjour concernant M. A... était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de ce dernier et que par suite Mme A..., comme M. A... pouvait invoquer un droit au séjour en France. Le tribunal avait enjoint au préfet la délivrance d'un titre de séjour.
3. L'autorité qui s'attache à la chose jugée par le tribunal et aux motifs qui en sont le soutien nécessaire, faisait obstacle, sauf changement des circonstances de fait ou de droit, à ce que le préfet du Lot décide à nouveau de refuser le séjour à Mme A.... Le seul fait nouveau invoqué par le préfet tient à ce que M. A... a produit une nouvelle promesse d'embauche datée du 6 septembre 2017 pour un emploi d'ouvrier maçon, au sein de la société OZEL construction SAS, dans le cadre de l'injonction faite au préfet du Lot par le tribunal de lui délivrer un titre de séjour, et non pas dans le cadre d'un réexamen de sa situation comme le soutient à tort le préfet. La seule circonstance que des infractions graves à la législation sur le travail ont été relevées lors d'un contrôle de la société Ozel construction SAS par l'inspection du travail ne constitue pas un changement dans les circonstances de fait propres à la situation de M. A... permettant au préfet de s'abstraire de l'injonction qui lui était faite par le jugement du 22 janvier 2018 de délivrer un titre de séjour à Mme A....
4. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le préfet du Lot a entaché son arrêté du 23 février 2018 d'une méconnaissance de la chose jugée.
5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Lot n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 23 février 2018.
Sur les conclusions à fin d'astreinte et d'exécution :
6. Le présent arrêt rejette la requête d'appel du préfet du Lot contre le jugement qui a accueilli les conclusions à fin d'injonction de Mme A... sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Il n'y a pas lieu de porter l'astreinte à 100 euros.
7. Mme A... a saisi la cour d'une demande d'exécution du jugement. Toutefois, aucune procédure d'exécution juridictionnelle n'a encore été ouverte par le président de la cour en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative. Ces conclusions sont donc irrecevables dans la présente instance.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Mme A... a obtenu le maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocat de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... d'une somme de 800 euros.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par le préfet du Lot est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Mme A... tendant à ce que l'astreinte soit portée à 100 euros et à fin d'exécution du jugement sont rejetées.
Article 3 : L'Etat versera à Me B... une somme de 800 euros, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... épouse A..., au ministre de l'intérieur et à Me B....
Copie en sera adressée au préfet du Lot.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
M. Dominique Ferrari, premier conseiller,
M. D... C..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.
Le rapporteur,
Stéphane C...
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX03737