Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... H... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 8 août 2017 par laquelle le préfet des Pyrénées-Atlantiques a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'accompagnante d'étranger malade.
Par un jugement n°1702130 du 4 décembre 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 avril 2019, Mme B... H..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 4 décembre 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 8 août 2017 du préfet des Pyrénées-Atlantiques susmentionné ;
3°) d'enjoindre au préfet de de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai d'un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée portant refus de séjour est entachée d'un défaut de motivation en droit et en fait au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors qu'elle ne vise pas la convention internationale relative aux droits de l'enfant et qu'elle ne comporte aucune mention de ses enfants et de son époux ; cette motivation révèle un défaut d'examen individuel et circonstancié de sa situation ;
- le préfet s'est estimé lié par l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'Immigration et de l'Intégration pour refuser à son époux un titre de séjour en qualité d'étranger malade ;
- le refus de titre de séjour contesté a été pris au terme d'une procédure irrégulière en méconnaissance de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le préfet n'est pas en mesure de justifier que le rapport médical concernant la situation de M. C... a bien été établi par un médecin de l'Office français de l'Immigration et de l'Intégration ;
- la lecture de l'avis émis par le collège de médecins ne permet pas de savoir si le médecin-instructeur a sollicité ou non le médecin habituel de son époux ; le préfet ne peut justifier de la date et de l'effectivité de la transmission du rapport médical aux membres du collège de médecins ;
- le préfet ne peut justifier de la date et de l'effectivité de l'information qui lui a été faite que le rapport médical a été transmis au collège de médecins ;
- l'avis du collège de médecins émis le 12 juillet 2017 est incomplet en ce qu'il ne précise pas le nom du médecin qui a rédigé le rapport médical au vu duquel le collège de médecins s'est prononcé, et le préfet ne justifie pas que le médecin auteur du rapport médical n'a pas siégé au sein du collège de médecins, en méconnaissance de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de titre de séjour contesté a été pris au terme d'une procédure irrégulière en méconnaissance de l'article 6 de l'arrêté 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute de connaître les conditions dans lesquelles le collège de médecins a été désigné pour l'examen de du dossier de demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade déposé par son époux ;
- il n'est pas établi que cet avis a été pris conformément à l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pour l'appréciation de l'accès effectif à un traitement approprié à l'état de santé de M. C... ainsi qu'au regard des dispositions de l'annexe II de l'arrêté du 5 janvier 2017 ;
- il n'est pas établi que cet avis a été pris au regard des trois critères fixés par l'article 4 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pour l'appréciation des conséquences d'un défaut de prise en charge médicale ainsi qu'au regard des dispositions du C de l'annexe II de l'arrêté du 5 janvier 2017 ;
- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'Immigration et de l'Intégration est incomplet dès lors qu'il ne fait aucune mention de la durée des soins nécessités par l'état de santé de son époux ;
- la décision de refus de séjour en qualité d'accompagnant d'étranger malade est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'avis du collège de médecins ne permet pas de s'assurer des bases médicales et sources ayant permis au collège d'en arriver à la conclusion de la disponibilité du traitement en Arménie que l'état de santé de son époux nécessite ni référence à l'existence de structures de santé adaptées pour sa prise en charge médicale dans son pays d'origine ;
- la décision de refus de séjour contestée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation et porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que sa famille est intégrée dans la société française depuis plus de quatre ans, s'est investie dans des activités bénévoles, suit de manière assidue des cours de langue française, ses deux enfants nés en France n'ont jamais connu l'Arménie et sont scolarisés en France, a tissé des liens amicaux en France et est totalement dépourvu de tous liens familiaux en Arménie ;
- la décision de refus de séjour contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que l'un de ses enfants présente un état de santé qui nécessite un suivi médical dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; son fils aîné est scolarisé en France et l'intérêt de ses enfants est de rester en France dès lors qu'ils y sont nés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2019, le préfet des Pyrénées-Atlantiques conclut au rejet de la requête de Mme H.... Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme H... ne sont pas fondés.
Un mémoire présenté pour Mme H... par Me E..., a été enregistré le 8 août 2019 et n'a pas été communiqué.
Par une ordonnance en date du 12 juin 2019, la clôture de l'instruction a été fixée à la date du 12 août 2019 à 12 heures.
Mme B... H... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 avril 2019.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'Immigration et de l'Intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... F...,
- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme H..., ressortissante arménienne se disant ressortissante ukrainienne, est entrée irrégulièrement en France le 21 octobre 2014, en compagnie de son époux. Sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 septembre 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 29 novembre 2016. Par un arrêté du 8 mars 2017, le préfet des Pyrénées-Atlantiques l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de renvoi. M. C..., alias D..., a par ailleurs présenté le 11 mai 2017 une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, tandis que Mme H... a présenté le même jour une demande de titre de séjour en qualité d'accompagnante d'étranger malade. Par une décision du 8 août 2017, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a rejeté cette demande. Mme H... relève appel du jugement du 4 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme H... est entrée en France avec son époux, M. C..., le 21 octobre 2014. Par un arrêt de ce jour, la cour annule la décision du 8 août 2017 par laquelle le préfet des Pyrénées-Atlantiques a refusé de délivrer à M. C... un titre de séjour prévu au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, faute que soit établi le fait que le médecin auteur du rapport médical n'ait pas siégé au sein du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Compte-tenu des circonstances de l'espèce, en refusant, le même jour à Mme H... un titre de séjour en qualité d'accompagnante d'étranger malade, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs en vue desquels cette décision a été prise. Il a, dès lors, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède que, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, Mme H... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui refusant un titre de séjour en qualité d'accompagnante d'étranger malade.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Atlantiques de procéder au réexamen de la situation de Mme H... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, sous réserve qu'il n'ait pas été déjà statué sur la demande de titre de séjour de M. C... en la rejetant.
Sur les frais d'instance :
6. Mme H... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me E..., avocat de Mme H..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me E... de la somme de 700 euros.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1702133 du 4 décembre 2018 du tribunal administratif de Pau et la décision du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 8 août 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Pyrénées-Atlantiques de procéder au réexamen de la situation de Mme B... H... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me E... la somme de 700 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me E... renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... H... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme G... I..., présidente-assesseure,
Mme A... F..., conseiller.
Lu en audience publique, le 1er octobre 2019.
Le rapporteur,
Agnès F...Le président,
Dominique NavesLe greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX01686