La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/10/2019 | FRANCE | N°19BX01660

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 01 octobre 2019, 19BX01660


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 18août 2017 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1803774 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'ar

rêté du 18août 2017 en tant qu'il prononçait une interdiction de retour sur le territo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 18août 2017 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1803774 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 18août 2017 en tant qu'il prononçait une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans et a rejeté le surplus des demandes de Mme B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 avril 2019, Mme D... B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1803774 du tribunal administratif du Bordeaux du 13 décembre 2018 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 18août 2017 en tant qu'il porte refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil, ce dernier renonçant à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient, en ce qui concerne le refus de séjour, que :

- il n'appartenait pas au collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de rendre un avis sur sa demande de titre de séjour dès lors que cet organisme ne pouvait être sollicité pour une demande présentée, comme en l'espèce, antérieurement au 1er janvier 2017 ; cette irrégularité ne pouvait être considérée comme n'ayant pas eu une incidence sur le sens de la décision ou comme n'ayant pas privé l'intéressée d'une garantie ;

- en tout état de cause, il appartenait au préfet de respecter la procédure régissant l'intervention du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ; le préfet doit ainsi établir que le médecin rapporteur n'a pas siégé au sein du collège ; le préfet doit aussi établir que les médecins composant ce collège ont bien délibéré comme l'exige l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;

- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en reprenant l'avis du collège des médecins sans procéder lui-même à une appréciation de la situation de la requérante ;

- le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car il est établi que la requérante ne pourra bénéficier d'un traitement approprié et effectif dans son pays d'origine ;

- le préfet a méconnu le droit à une vie privée et familiale de la requérante, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de la requérante.

Elle soutient, en ce qui concerne le pays de renvoi, que :

- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par une ordonnance du 22 mai 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 juillet 2019 à 12h00.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E... A...,

- et les observations de Me C..., représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... B... est une ressortissante togolaise, née en 1966, qui est entrée en France en 2012 pour y solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 30 avril 2014 confirmée le 17 novembre 2014 par la Cour nationale du droit d'asile. Entre temps, soit le 1er septembre 2014, Mme B... a déposé en préfecture de Gironde une demande de titre de séjour pour raison de santé qui a été rejetée par un arrêté du 12 mai 2015 assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de la désignation du pays de renvoi. La légalité de cet arrêté a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 mars 2016 confirmé en appel. Le 14 novembre 2016, Mme B... a déposé en préfecture une nouvelle demande de titre de séjour pour raison de santé. Après avoir recueilli l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 12 juin 2017, le préfet de la Gironde a pris, le 18 août 2017, un nouvel arrêté rejetant la demande de Mme B..., obligeant celle-ci à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant le pays de renvoi. Cet arrêté a également été assorti d'une interdiction faite à Mme B... de retourner en France pour une durée de deux ans.

2. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 18 août 2017. Par un jugement rendu le 13 décembre 2018, le tribunal a annulé ledit arrêté en tant qu'il interdisait à Mme B... de retourner sur le territoire français pendant deux ans et a rejeté le surplus des demandes présentées par cette dernière. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes.

Sur le refus de titre de séjour :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France : " la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

4. Il résulte des dispositions du VI de l'article 67 de la loi du 7 mars 2016 que le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue du 3° de l'article 13 de cette loi, s'applique aux demandes de titres de séjour présentées après son entrée en vigueur, soit à compter du 1er janvier 2017.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a sollicité la délivrance de son titre de séjour pour raison de santé le 14 novembre 2016. Par conséquent, l'instruction de sa demande impliquait de recueillir l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, dans le cadre de la procédure régie par les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 et non, comme l'a fait en l'espèce le préfet de la Gironde, celui du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

6. Il appartenait toutefois au préfet de respecter les règles procédurales qui régissent l'intervention du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qu'il a choisi de consulter pour l'instruction de la demande de Mme B....

7. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement (...) (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) ". Aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical (...) un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. (...) L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

8. Le préfet n'a produit, ni en première instance ni en appel, d'indication sur l'identité du médecin auteur du rapport médical prévu aux articles R. 313-22 et R. 313-23, précités, du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur la base duquel le collège de médecins a rendu son avis le 12 juin 2017. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce médecin n'aurait pas siégé au sein du collège en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016, la seule production au dossier de l'avis de ce collège et du nom de ses signataires étant à cet égard insuffisamment probante. Dès lors que cette règle constitue une garantie pour l'étranger et qu'il n'est donc pas établi qu'elle aurait été respectée, Mme B... est fondée à soutenir en appel que l'arrêté en litige a été délivré à l'issue d'une procédure irrégulière et qu'il doit être annulé.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté le surplus de sa demande. Ce jugement doit, dès lors, être annulé ainsi que l'arrêté préfectoral de refus de séjour du 18 août 2017.

Sur l'obligation de quitter le territoire français et le pays de renvoi :

10. L'annulation du refus de titre de séjour prive de base légale les décisions mentionnées ci-dessus qui doivent, dès lors, être annulées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. L'annulation des décisions contestées pour le seul moyen fondé, qui est d'ordre procédural, n'implique pas nécessairement qu'il soit prescrit au préfet de la Gironde de délivrer à Mme B... le titre de séjour qu'elle sollicite. Il y a lieu, en revanche, d'ordonner au préfet d'instruire à nouveau ladite demande.

12. De plus, aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".

13. En application de ces dispositions, il appartient au préfet de munir la requérante d'une autorisation provisoire de séjour le temps nécessaire à l'instruction de sa demande de titre de séjour.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 :

12. Mme B... a obtenu l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ce versement emportant, conformément à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1803774 du tribunal administratif de Bordeaux du 13 décembre 2018 et l'arrêté du préfet de la Gironde du 18 août 2017 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi, sont annulés.

Article 2 : Il est prescrit au préfet de la Gironde d'instruire à nouveau la demande de titre de séjour de Mme B... et de munir cette dernière d'une autorisation provisoire de séjour le temps nécessaire à l'instruction de sa demande.

Article 3 : L'Etat versera à Me C... la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., au ministre de l'intérieur et à Me C.... Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. E... A..., président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er octobre 2019.

Le rapporteur,

Frédéric A...Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX01660


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01660
Date de la décision : 01/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : JOUTEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-01;19bx01660 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award