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01/10/2019 | FRANCE | N°19BX00827

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 01 octobre 2019, 19BX00827


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges, par deux requêtes distinctes, d'annuler les arrêtés du 3 septembre 2018 par lesquels le préfet de la Haute-Vienne a, d'une part, ordonné son transfert aux autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement commun n° 1801323, 1801324 du 7 septembre 2018, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes.

Procédure devant la c

our :

Par une requête enregistrée le 28 février 2019, M. B..., représenté par Me C..., de...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges, par deux requêtes distinctes, d'annuler les arrêtés du 3 septembre 2018 par lesquels le préfet de la Haute-Vienne a, d'une part, ordonné son transfert aux autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement commun n° 1801323, 1801324 du 7 septembre 2018, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 février 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 7 septembre 2018 ;

2

°) d'annuler ces arrêtés du 3 septembre 2018 du préfet de la Haute-Vienne ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2° de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que l'arrêté de transfert est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car il encourt des risques en cas de retour en Afghanistan.

Par des pièces et un mémoire en défense des 27 mars 2019 et 29 avril 2019 le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête de M. B....

Il soutient que l'intéressé étant en fuite, le délai de transfert est prolongé à 18 mois. Sur le fond les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

-le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du

26 juin 2013 ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan né en 1995, est entré en France selon ses déclarations, en juin 2018 et a déposé une demande d'asile auprès du préfet de la Haute-Vienne le 15 juin 2018. Après avoir constaté par la consultation du fichier Eurodac que les empreintes de M. B... avaient déjà été relevées par les autorités allemandes, et obtenu, en réponse à sa demande de réadmission, l'accord de l'Allemagne du 27 juin 2018 pour prendre en charge la demande d'asile de l'intéressé, le préfet de la Haute-Vienne, a décidé, par deux arrêtés du 3 septembre 2018, notifiés à l'intéressé le même jour, d'une part, de remettre M. B... aux autorités allemandes en vue de l'examen par celles-ci de sa demande d'asile, et d'autre part, de l'assigner à résidence. M. B... relève appel du jugement du 7 septembre 2018 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur la légalité de l'arrêté de transfert aux autorités allemandes :

2. L'article 17 du règlement 604/2013 prévoit que : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. Le cas échéant, il en informe, au moyen du réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre de l'article 18 du règlement (CE) n o 1560/2003, l'État membre antérieurement responsable, l'État membre menant une procédure de détermination de l'État membre responsable ou celui qui a été requis aux fins de prise en charge ou de reprise en charge. / L'État membre qui devient responsable en application du présent paragraphe l'indique immédiatement dans Eurodac conformément au règlement (UE) n o 603/2013 en ajoutant la date à laquelle la décision d'examiner la demande a été prise. ". Enfin, en application de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. / Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

3. Il résulte de ces stipulations et dispositions que la faculté laissée à chaque État-membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés par le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Cette possibilité doit en particulier être mise en oeuvre lorsqu'il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé courra, dans le pays de destination, un risque réel d'être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. M. B... soutient qu'il a formé une demande d'asile en Allemagne, que celle-ci a été définitivement rejetée et que les autorités allemandes ont pris à son encontre une mesure d'éloignement à destination de son pays d'origine où il sera exposé à des traitements proscrits par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, M. B... n'apporte, à l'appui de cette allégation, aucun élément de nature à établir que les autorités allemandes auraient pris une mesure d'éloignement à destination de l'Afghanistan, revêtue au demeurant d'un caractère définitif. Le risque allégué ne pouvant être regardé comme étant réel et actuel à la date de l'arrêté contesté, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision de transfert litigieuse serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles 17 du règlement 604/2013 du 26 juin 2013 et L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou qu'elle aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité de la décision d'assignation à résidence :

5. M. B... se borne à demander l'annulation de l'arrêté l'assignant à résidence, sans soulever de moyen spécifique à l'encontre de cette décision. Par suite, l'arrêté portant transfert aux autorités espagnoles n'étant pas illégal ainsi qu'il a été dit au point 4, l'arrêté d'assignation à résidence n'est pas dépourvu de base légale et les conclusions dirigées contre ce dernier arrêté doivent être rejetées.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes d'annulation des arrêtés du préfet de la Haute-Vienne du 3 septembre 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme D... E..., présidente-assesseure,

Mme Déborah De Paz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 1er octobre 2019.

La rapporteure,

Fabienne E... Le président,

Dominique Naves Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX00827


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00827
Date de la décision : 01/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : KARAKUS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-01;19bx00827 ?
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