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01/10/2019 | FRANCE | N°19BX00368

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 01 octobre 2019, 19BX00368


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. H... F... a demandé au tribunal administratif de Mayotte, d'annuler l'arrêté du 29 mai 2017 par lequel le préfet de Mayotte a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois.

Par un jugement n° 1700764 du 27 novembre 2018, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 janvier 2019, M. F..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'

annuler le jugement du tribunal administratif de Mayotte du 27 novembre 2018 ;

2

°) d'annuler l'arrêté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. H... F... a demandé au tribunal administratif de Mayotte, d'annuler l'arrêté du 29 mai 2017 par lequel le préfet de Mayotte a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois.

Par un jugement n° 1700764 du 27 novembre 2018, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 janvier 2019, M. F..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Mayotte du 27 novembre 2018 ;

2

°) d'annuler l'arrêté du 29 mai 2017 du préfet de Mayotte ;

3°) d'enjoindre au préfet de Mayotte de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'erreurs de fait démontrant l'absence d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- la décision est entachée d'erreur de droit en ce que le préfet n'a pas examiné la demande du requérant sur le fondement de l'article L. 313-12, et qu'elle méconnaît les articles L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision est illégale pour être contraire à l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par ordonnance du 27 février 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 23 avril 2019 à 12 heures.

Un mémoire enregistré le 29 août 2019 après la clôture d'instruction a été présenté par le préfet de Mayotte.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme I...,

- et les observations de Me A..., représentant M. F....

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant comorien né le 24 novembre 1984, est entré en France selon ses dires en 2009 irrégulièrement, suivi de sa compagne et de leurs deux enfants. Il a bénéficié de titres de séjour mention " liens personnels et familiaux " du 27 octobre 2014 au 26 octobre 2015 puis du 27 octobre 2015 au 26 octobre 2016. Il a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour mais, par un arrêté du 29 mai 2017, le préfet de Mayotte a refusé de faire droit à sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois. M. F... relève appel du jugement du 27 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, M. F... soutient que la décision contestée du 29 mai 2017 serait entachée d'erreurs de fait démontrant un défaut d'examen par le préfet de sa situation personnelle. Toutefois, s'il ressort des pièces du dossier, que la décision attaquée mentionne que M. F... détenait des autorisations provisoires de séjour alors que l'intéressé avait bénéficié de cartes de séjour temporaires, et si le nom de M. F... a été mal orthographié en Soumailana dans la décision du 29 mai 2017, ces erreurs purement matérielles ne suffisent pas à démontrer un défaut d'examen par le préfet de sa situation personnelle. En outre, si la décision contestée a indiqué que l'épouse de M. F... était en situation irrégulière sur le territoire français, elle n'était néanmoins pas en possession d'un titre de séjour effectif mais d'une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de l'examen de sa demande de titre de séjour, demande au demeurant rejetée par décision du 15 janvier 2018. Par suite, ce moyen doit être écarté.

3. En deuxième lieu, M. F... fait valoir que la décision du 29 mai 2017 serait entachée d'erreur de droit dès lors qu'il a bénéficié de titres de séjour " liens personnels et familiaux " et n'a pas sollicité, contrairement à ce que soutient le préfet, un changement de statut mais le renouvellement de ce titre sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Toutefois, s'il ressort effectivement des pièces du dossier, que M. F... a bénéficié de titres de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision contestée indique que sa demande de renouvellement a été examinée sur le fondement du 7° de cet article L. 313-11. Aussi la circonstance que le préfet ait évoqué à tort un " changement de statut " est sans incidence sur la légalité de la décision critiquée. Par suite, le préfet de Mayotte n'a pas commis d'erreur de droit, dès lors qu'il a examiné la demande de M. F... au regard de ses " liens personnels et familiaux " conformément à la demande qui lui était présentée.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En vertu de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

6. M. F... soutient être entré en France en 2009 avec son épouse et deux enfants, dans le but de faire soigner leur fille Hounaidait atteinte de troubles de l'évolution, puis s'être marié avec Mme B... D... et avoir eu deux autres enfants nés sur le sol français en 2010 et 2015. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé ne démontre une présence stable, continue et régulière sur le territoire national que depuis 2014, soit trois ans à la date de l'arrêté attaqué. S'il établit en outre la scolarisation en France de ces enfants, ces éléments ne suffisent pas à démontrer des liens personnels et familiaux d'une particulière intensité en France, dès lors notamment que la cellule familiale peut se reconstituer aux Comores, pays dont il est ressortissant et dans lequel il n'allègue pas être dépourvu d'attaches familiales. Dans ces conditions, le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français contestés ne peuvent être regardés comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels ils ont été pris. En lui opposant cet arrêté, le préfet de Mayotte n'a donc méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressé.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

8. Il ressort des pièces du dossier, que l'enfant G..., âgée de 11 ans à la date de la décision attaquée, a bénéficié d'investigations médicales à Mayotte depuis 2010 en raison d'un retard sévère de développement. Cependant, les explorations médicales menées sur l'enfant n'ont permis de détecter aucune anomalie ou mutation délétère, qui nécessiterait un suivi médical particulier qui ne pourrait se poursuivre aux Comores. En outre, et ainsi qu'il a été dit au point 6, aucune circonstance n'empêche que la cellule familiale se reconstruise hors de France. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de Mayotte du 29 mai 2017. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Mayotte.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme E... I..., présidente-assesseure,

Mme Deborah De Paz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 1er octobre 2019.

La rapporteure,

Fabienne I... Le président,

Dominique Naves Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX00368


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00368
Date de la décision : 01/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : GHAEM

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-01;19bx00368 ?
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