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29/08/2019 | FRANCE | N°17BX03536

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 29 août 2019, 17BX03536


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 13 février 2015 par lequel le maire de Biarritz a refusé de lui délivrer un permis d'aménager pour la création d'un lotissement de onze lots ainsi que la décision du 8 avril 2015 par laquelle le maire a rejeté son recours gracieux formé contre ce refus.

Par un jugement n° 1501617 du 19 septembre 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un

mémoire, enregistrés le 13 novembre 2017 et le 17 mai 2019, M. D... E..., représenté par la SCP...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 13 février 2015 par lequel le maire de Biarritz a refusé de lui délivrer un permis d'aménager pour la création d'un lotissement de onze lots ainsi que la décision du 8 avril 2015 par laquelle le maire a rejeté son recours gracieux formé contre ce refus.

Par un jugement n° 1501617 du 19 septembre 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 novembre 2017 et le 17 mai 2019, M. D... E..., représenté par la SCP Personnaz, Huerta, Binet, Jambon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau n° 1501617 du 19 septembre 2017 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Biarritz la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- le terrain d'assiette du projet est inclus en zone Nh, laquelle constitue un secteur de taille et de capacité d'accueil limité institué antérieurement à la loi du 12 juillet 2010, dite " Grenelle 2 " et à la loi du 24 mars 2014 dite " ALUR " ; la zone Nh n'est donc pas soumise aux règles édictées par ces lois et, par conséquent, des constructions nouvelles peuvent largement y être autorisées ; il convient d'examiner la légalité du projet de lotissement au regard des seules règles édictées par le plan local d'urbanisme communal et il apparaît qu'aucune des règles de celui-ci applicables en zone Nh n'est méconnue ;

- il ressort des dispositions du paragraphe B de l'article 5 du plan local d'urbanisme que les divisions foncières sont autorisées en secteur Nh où se situe le terrain d'assiette du projet ; en tout état de cause, la division foncière participe de l'exercice du droit de propriété et un plan local d'urbanisme qui interdirait par principe un lotissement est entaché d'illégalité ; si le plan local d'urbanisme imposait une superficie minimale de 5 000 m2 pour qu'un terrain soit constructible, une telle règle a été supprimée par la loi ALUR du 24 mars 2014 ; ainsi, le règlement du plan local d'urbanisme de la commune n'interdisait pas le projet de M. E... qui prévoit une division foncière qui n'est plus soumise à une condition de superficie minimale ; en effet, ce projet prévoit de diviser en cinq lots un terrain pour bâtir sur chacun d'eux un seul volume constructible ;

- le terrain d'assiette du projet se situe dans un secteur où existent déjà des constructions ; il n'est pas établi que le projet de lotissement aurait un impact négatif sur son environnement architectural et paysager ; le secteur concerné ne présente pas une dominante naturelle ;

- le motif tiré de ce que le projet ne respecte pas le zonage d'assainissement adopté par la communauté d'agglomération Côte basque Adour n'est pas justifié ; de plus, ce zonage a été adopté postérieurement au refus litigieux et ne pouvait ainsi fonder celui-ci.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 avril 2019 et le 27 mai 2019, la commune de Biarritz, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. E... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de refus en litige est motivée en droit comme en fait ;

- la décision de refus en litige est fondée sur une exacte application du règlement du plan local d'urbanisme ; le terrain d'assiette du projet est situé en zone Nh, lequel est défini comme un espace à dominante naturelle et à très faible densité bâtie ; l'article N1 du règlement n'y autorise qu'une seule construction à usage d'habitation par une unité foncière ;

- les lotissements n'y sont pas interdits par principe mais ils doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par les plans locaux d'urbanisme ; l'obligation de n'avoir qu'un seul volume bâti concerne les unités foncières existantes à la date d'entrée en vigueur du plan local d'urbanisme ;

- les dispositions de la loi ALUR ne sauraient être interprétées comme ayant pour effet de permettre d'attenter à la protection de la zone naturelle édictée ici par le plan local d'urbanisme communal ; en tout état de cause, l'interprétation que M. F... donne de cette loi est contraire à ses objectifs car elle conduirait à densifier une zone naturelle protégée ;

- le terrain d'assiette du projet concerne un corridor écologique repéré au schéma de cohérence territoriale (SCOT) et par le schéma régional de cohérence écologique ; le terrain est aussi situé au sein des trames vertes et bleues du SCOT ; la densification engendrée par le projet aurait donc pour effet de méconnaître les intérêts protégés par les articles L. 110-1, L. 110-2 et R. 111-15 du code de l'urbanisme ;

- le projet est également contraire à l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme en vertu duquel l'extension de l'urbanisation doit intervenir en continuité des agglomérations et villages existants ;

- le projet est également contraire au schéma d'assainissement pluvial compte tenu des caractéristiques du bassin prévu pour le traitement des eaux pluviales.

Par ordonnance du 17 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 7 juin 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. G... A...,

- les conclusions de M. H... de La Taille Lolainville , rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant M. E..., et de Me I..., représentant la commune de Biarritz.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Biarritz a été enregistrée le 12 juillet 2019.

Une note en délibéré présentée pour M. E... a été enregistrée le 29 juillet 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Le 30 septembre 2014, M. E... a déposé en mairie de Biarritz une demande de permis d'aménager en vue de créer un lotissement de onze lots, dont cinq constructibles, sur les parcelles cadastrées section CH 138 et 139 situées 10 rue de Larre. Le maire de Biarritz a refusé de délivrer le permis sollicité par un arrêté du 13 février 2015 confirmé par une décision du 2 juin 2015 prise en réponse au recours gracieux formé par M. E.... M. E... a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande tendant à l'annulation des décisions des 13 février et 2 juin 2015. Il relève appel du jugement rendu le 19 septembre 2017 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la légalité du refus de permis d'aménager :

2. Les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière.

En ce qui concerne le motif tiré de l'article N 9 du plan local d'urbanisme :

3. En vertu de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, le règlement d'un plan local d'urbanisme, a pour objet de fixer les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés, dans sa rédaction applicable au litige, à l'article L. 121-1, lesquelles peuvent notamment comporter l'interdiction de construire, délimitent les zones à urbaniser ou à protéger et définissent, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l'implantation des constructions. Il ne ressort, en revanche, ni de ces dispositions ni d'aucune autre disposition législative que les auteurs du règlement d'un plan local d'urbanisme aient compétence pour interdire par principe aux propriétaires de procéder à la division d'une ou de plusieurs propriétés foncières en vue de l'implantation de bâtiments, faculté qui participe de l'exercice de leur droit à disposer de leurs biens, dont il appartient au seul législateur de fixer les limites.

4. Pour rejeter la demande de permis d'aménager présentée par M. E..., le maire de Biarritz a fait application des dispositions de l'article N 9 du règlement du plan local d'urbanisme aux termes desquelles : " L'emprise au sol des constructions. (...) en secteur Nh, la construction doit se présenter sous la forme d'une seule emprise bâtie pour le bâtiment principal et d'une emprise éventuelle pour une annexe (...) ". Le maire de Biarriz a ainsi estimé que le respect de la règle édictée à l'article N 9 du plan local d'urbanisme devait s'apprécier à l'échelle de l'unité foncière d'origine. Eu égard au principe rappelé au point 3, un tel motif est entaché d'erreur de droit dès lors qu'il revient à interdire par principe toute division foncière d'un terrain. Par suite, M. E... est fondé à soutenir que le respect de la règle édictée à l'article N 9 du plan s'apprécie non pas à l'échelle de l'unité foncière d'origine mais au niveau des unités foncières résultant de la future division. A cet égard, il est constant que l'opération projetée ne prévoit pas plus d'un bâtiment principal par lot et, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a jugé que les dispositions de l'article N 9 du plan local d'urbanisme permettaient de fonder le refus en litige.

En ce qui concerne le motif tiré de l'atteinte à l'environnement :

5. Alors que le maire s'est borné à relever, dans les motifs de sa décision, sans autres justifications, que le projet de M. E... " aura pour conséquence, par son importance, sa situation et sa destination, de générer des effets dommageables pour l'environnement dans ce secteur ", il ne ressort pas des pièces du dossier que l'opération projetée serait susceptible de porter atteinte à l'environnement. Au surplus, les dispositions de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme, auxquelles le maire a entendu se référer, ne permettent pas à l'autorité compétente de refuser la délivrance d'une autorisation d'urbanisme pour des motifs d'ordre environnementaux mais l'autorisent seulement à assortir son autorisation de prescriptions spéciales. Par suite, le motif retenu est entaché d'erreur de droit.

En ce qui concerne le motif tiré de la méconnaissance du schéma d'assainissement pluvial :

6. Par une délibération du 17 décembre 2014, le conseil de la communauté d'agglomération Côte Basque Adour a adopté le zonage d'assainissement pluvial couvrant notamment la commune de Biarritz. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, ce document, dont l'adoption est prévue à l'article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales, n'est pas au nombre des servitudes d'utilité publique dont l'opposabilité aux demandes d'autorisation d'urbanisme est subordonnée à leur annexion au plan local d'urbanisme en vertu de l'article L. 126-1 du code de l'urbanisme. Il ne figure pas dans la liste des servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol fixée à l'article R. 126-1 du code de l'urbanisme qui vise, notamment, les servitudes, distinctes, attachées aux canalisations publiques d'eau et d'assainissement.

7. Ainsi, le zonage d'assainissement pluvial est directement opposable aux demandes d'autorisation d'urbanisme en vertu de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme selon lequel un permis d'aménager ne peut être accordé si les travaux projetés ne sont pas conformes aux dispositions règlementaires relatives à l'assainissement des constructions. Toutefois, alors que M. E... conteste que la délibération du 17 décembre 2014 était exécutoire à la date du refus litigieux, la commune de Biarritz n'a produit avant la clôture de l'instruction aucun élément attestant de ce que ladite délibération aurait acquis ce caractère du fait de l'accomplissement des mesures de publicité prévues à l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales. Dans ces conditions, il y a lieu de juger qu'au 13 février 2015, date de la décision attaquée, le maire ne pouvait se fonder sur la délibération du 17 décembre 2014 pour s'opposer à la demande de M. E....

En ce qui concerne la substitution de motifs demandée par la commune :

8. Aux termes de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme : " I - L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. ". Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais que, en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.

9. Il ressort des pièces du dossier qu'à proximité du terrain de M. E... se trouvent plusieurs parcelles bâties elles-mêmes contiguës à l'agglomération. Avec les parcelles qui lui sont immédiatement contiguës, le terrain d'assiette du projet forme, eu égard à la disposition de l'urbanisation alentour, une " dent creuse " dans cette partie de la commune. Dans ces conditions, les dispositions de l'article L. 146-4 précitées du code de l'urbanisme, selon lesquelles l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les agglomérations existantes, ne peuvent non plus s'opposer à la demande de M. E.... Par suite, la substitution de motifs sollicitée par la commune de Biarritz ne peut être accueillie.

10. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des motifs invoqués par la commune ne pouvait fonder le refus de permis d'aménager en litige. M. E... est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Dès lors, ce jugement doit être annulé ainsi que le refus du 13 février 2015 et la décision du 2 juin 2015 rejetant le recours gracieux de M. E....

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par la commune de Biarritz au titre des dispositions de l'article L. 761-1 dès lors que M. E... n'est pas la partie perdante à l'instance d'appel. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Biarritz le versement à M. E... de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1501617 du tribunal administratif de Pau du 19 septembre 2017 est annulé ainsi que les décisions du 13 février 2015 et du 2 juin 2015.

Article 2 : La commune de Biarritz versera à M. E... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Biarritz au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et à la commune de Biarritz.

Délibéré après l'audience du 9 juillet 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. G... A..., président-assesseur,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 août 2019.

Le rapporteur,

Frédéric A...Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX03536


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX03536
Date de la décision : 29/08/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-04-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Lotissements. Autorisation de lotir.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CABINET PERSONNAZ HUERTA BINET JAMBON

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-08-29;17bx03536 ?
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