Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... A... épouse F... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1800505 du 5 juin 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2018, Mme A... épouse F..., représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 juin 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2017 du préfet de la Haute-Garonne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour en qualité de membre de famille d'un ressortissant européen, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le premier juge a entaché son jugement d'une erreur de fait et n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la décision litigieuse méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard de l'article 10 du règlement (UE) n°492/2011 du 5 avril 2011 ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur de fait, s'agissant de la situation de son époux qui exerçait effectivement une activité professionnelle à la date de la décision attaquée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, au regard des dispositions du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, son mari disposant d'un droit au séjour sur le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sa vie privée et familiale ayant vocation à se dérouler en France au regard de ce que prévoit l'article 10 du règlement (UE) n°492/2011 du 5 avril 2011, ses enfants de nationalité espagnole, poursuivant leur scolarité en France ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2018, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le jugement attaqué n'est entaché d'aucune erreur de droit dans l'application du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'est pas davantage entaché d'une erreur de fait, le chiffre d'affaire du quatrième trimestre ayant été communiqué postérieurement à la clôture de l'instruction ;
- le jugement attaqué statue sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les éléments produits, qui sont purement déclaratifs, ne permettent pas d'établir l'effectivité de l'activité professionnelle de son mari commerçant. Il a d'ailleurs cessé son activité en septembre 2018 en raison de l'insuffisance de ses recettes d'exploitation. Cette activité n'était donc pas viable ;
- le chiffre d'affaires de l'activité de son mari était de 3 215 euros en 2017, duquel il convient de déduire l'ensemble des charges d'exploitation. Il ne disposait donc pas de ressources suffisantes au sens du 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a vécu la majeure partie de sa vie en Algérie où réside sa mère et un de ses frères. Son mari ne peut prétendre à un droit au séjour puisqu'il ne satisfait pas aux conditions prévues par l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'effectivité de l'activité professionnelle de son mari n'étant pas démontrée, elle ne peut utilement se prévaloir de l'article 10 du règlement n° 492/2011. Il n'est pas établi que ses enfants seraient dans l'impossibilité de poursuivre leur scolarité en dehors de France, notamment en Espagne où deux d'entre eux sont nés. Il n'y a donc pas d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale ;
- l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour n'est donc pas fondée ;
- il a examiné l'intégralité des éléments relatifs à la situation de la requérante et n'a donc pas méconnu l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de renvoi est suffisamment motivée.
Par décision n°2018/013607 du 11 octobre 2018, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a admis Mme A... épouse F... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le règlement UE n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme E... D... pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique :
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... épouse F..., ressortissante algérienne née le 29 août 1974, est entrée en France selon ses déclarations le 1er mai 2014 pour y rejoindre son mari. Elle a sollicité, le 10 octobre 2016, la délivrance d'un titre de séjour " membre de la famille d'un citoyen de l'Union européenne " au motif que son époux, d'origine algérienne naturalisé espagnol, travaillait en France. Par un arrêté du 1er décembre 2017, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi. Mme A... épouse F... relève appel du jugement du 5 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Par une décision du 11 octobre 2018, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a admis Mme F... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle est devenue sans objet.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. D'une part, en invoquant une erreur de droit et une erreur de fait, Mme F... critique le bien-fondé du jugement, lequel est sans incidence sur sa régularité.
4. D'autre part, Mme F... soutient que le jugement attaqué a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard de l'interprétation faite par la Cour de justice de l'Union européenne de l'article 10 du règlement n° 492/2011. Cependant, le tribunal n'étant pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués au soutien d'un moyen, cette omission ne saurait révéler une insuffisance de motivation.
Sur la légalité de l'arrêté du 1er décembre 2017 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; (...)4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; (...) ".
6. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que la notion de travailleur, au sens des dispositions précitées du droit de l'Union européenne, doit être interprétée comme s'étendant à toute personne qui exerce des activités réelles et effectives, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires. La relation de travail est caractérisée par la circonstance qu'une personne accomplit pendant un certain temps, en faveur d'une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération.
7. Il ressort des pièces du dossier que le conjoint de Mme A... épouse F..., exerçait, à la date de l'arrêté litigieux, une activité de commerce ambulant, comme en atteste la carte délivrée par la chambre de commerce et de l'industrie de Toulouse le 11 août 2016 et l'extrait d'immatriculation principale au registre du commerce et des sociétés du 11 décembre 2017. Toutefois, le relevé de situation du régime social des indépendants délivré le 17 janvier 2017 fait état d'un chiffre d'affaires cumulé pour l'année 2016 à hauteur de 2 658 euros, et l'attestation de déclarations de chiffres d'affaires établie le 5 décembre 2017 ainsi que la déclaration valant pour le 4ème trimestre de l'année 2017, font état d'un chiffre d'affaires cumulé pour l'année 2017 de 3 215 euros. Ces chiffres d'affaires, sur lesquelles s'imputent les cotisations que M. F... reverse à l'URSSAF - RSI, représentent donc des ressources mensuelles moyenne de 250 euros au cours de l'année 2017. Ainsi, l'activité exercée par M. F... présente un caractère purement marginal et accessoire ne lui permettant pas, dans ces conditions, de prétendre au bénéfice des dispositions précitées du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni, par suite, de pouvoir se maintenir légalement plus de trois mois sur le territoire français. Par voie de conséquence, Mme A... épouse F... ne peut davantage bénéficier des dispositions précitées du 4° du même article pour se maintenir elle-même sur ce territoire au-delà de cette durée. Il suit de là que le préfet de la Haute-Garonne n'a pas commis d'erreur de fait, ni d'erreur de droit, en refusant le séjour à la requérante sur le fondement des dispositions précitées du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
9. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a épousé M. F..., le 3 mars 2005, et trois enfants sont issus de cette union, Siliana, née le 15 janvier 2007, Akssel, né la 31 décembre 2011, et Atinha, née la 16 septembre 2014. Toutefois, il résulte de ce qui précède que M. F... ne bénéficiait pas d'un droit au séjour en France. Par ailleurs, Mme A... épouse F..., qui ne résidait en France que depuis moins de 4 ans à la date de l'arrêté contesté, a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 39 ans et n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans ce dernier, où résident encore sa mère et un de ses deux frères. Au demeurant, M. F... étant de nationalité espagnole, il n'est fait état d'aucune circonstance empêchant que la cellule familiale se reconstitue dans son pays où sont nés deux de leurs enfants. Enfin, Mme F... ne peut pas utilement se prévaloir de l'interprétation faite par la Cour de justice de l'Union européenne de l'article 10 du règlement n° 492/2011 qui n'est applicable qu'aux travailleurs au sens du droit de l'Union européenne. Dans ces circonstances, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été prise la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Il résulte de ce qui précède que l'obligation de quitter le territoire français n'est pas dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.
11. Aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ; / (...) / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine ".
12. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la motivation de l'arrêté attaqué, que le préfet de la Haute-Garonne a pris en compte l'ensemble des circonstances relatives à la situation de Mme A... épouse F... telles que prévues par les dispositions précitées avant de prononcer une obligation de quitter le territoire français à son encontre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-3-1 doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
13. La décision contestée comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment son article 3 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment les articles L. 513-1 à L. 513-4. Elle mentionne également que la requérante n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Espagne ou dans son pays, vu notamment l'absence de demande d'admission au bénéfice de l'asile. Dès lors, cette motivation doit être regardée comme suffisante.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... épouse F... n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 1er décembre 2017. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par Mme A... épouse F....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... épouse F... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse F... et au ministre de l'Intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience public du 21 mai 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André B..., premier conseiller,
M. Romain Roussel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 août 2019.
Le rapporteur,
Paul-André B...Le président,
Marianne Pouget
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX02938