Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 15 février 2018 portant refus de renouvellement de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1801375 du 17 juillet 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 décembre 2018, MmeA..., représentée par Me Boyance, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 juillet 2018 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 15 février 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de la Gironde, sous les mêmes conditions d'astreinte et de délai, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'incompétence ;
- le préfet a commis une erreur de fait et une erreur d'appréciation en estimant que la plainte qu'elle a déposée pour traite d'êtres humains avait été classée sans suite pour un motif d'inopportunité des poursuites alors que la raison est purement procédurale ; la circonstance que sa plainte a été classée sans suite pour une raison de procédure ne remet pas en cause la réalité des faits qu'elle a rapportés ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; victime de traite des êtres humains et ayant porté plainte sur ce fondement, elle peut bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions ;
- elle porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. ;
- le préfet a commis une erreur de fait en estimant qu'elle n'établissait pas être intégrée en France dès lors que par un courriel du 6 juin 2017, elle a informé les services de la préfecture qu'elle avait conclu un premier contrat à durée indéterminée à compter du 17 décembre 2015, puis un second en qualité d'auxiliaire de vie pour l'entreprise DOMIFA ;
- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation ; le préfet a estimé à tort qu'elle ne démontrait pas être exposée à des menaces en cas de retour dans son pays d'origine ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi, cette décision est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance dont il joint une copie.
Mme E...A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 22 novembre 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Béatrice Molina-Andréo pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeB...,
- Et les observations de Me Boyance, avocat, représentant MmeA.....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E...A..., ressortissante ivoirienne née le 22 août 1981, déclare être entrée en France au cours du mois de mai 2014. Le 27 novembre 2015, elle a déposé une plainte pour des faits de traite des êtres humains auprès de la direction zonale de la police des frontières du sud-ouest. Le 1er mars 2016, le préfet de la Gironde lui a délivré un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 29 novembre 2016, elle en a sollicité le renouvellement sur le même fondement puis le 1er juin 2017 sur celui de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 15 février 2018, le préfet de la Gironde a refusé de lui renouveler ce titre, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Elle relève appel du jugement du 17 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 février 2018.
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, par un arrêté du 9 février 2018, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture de la Gironde du même jour n°33-2018-011, le préfet de ce département a donné à M. D...C..., sous-préfet d'Arcachon, une délégation générale de signature pour assurer la suppléance de M. Thierry Suquet, secrétaire général de la préfecture de la Gironde, lui-même habilité à signer les décisions de la nature de celles en litige en vertu d'un arrêté préfectoral du 29 janvier 2018 régulièrement publié au recueil des actes administratif spécial n°33-2018-008 le 30 janvier 2018. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été édicté par une autorité incompétente manque en fait et doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée à l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites (...) ".
4. Par l'arrêté en litige, le préfet de la Gironde a rejeté la demande de renouvellement de titre de séjour de Mme A...sur le fondement de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que la plainte, qu'elle avait déposée pour des faits de traite des êtres humains relevant de l'article 225-4-1 du code pénal dont elle s'estime victime, avait été classée sans suite. Un tel classement alors même qu'il est fondé sur des irrégularités de procédure commises lors de l'enquête pénale caractérise l'achèvement de la procédure pénale au sens des dispositions précitées. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A...aurait déposé une nouvelle plainte ou aurait passé outre à cette décision de classement en poursuivant elle-même la procédure pénale comme il lui était loisible de le faire. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la réalité des faits rapportés par Mme A...serait avérée. Il suit de là qu'à la date du refus de séjour en litige, Mme A...ne remplissait pas les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit au regard des dispositions de cet article ne peut qu'être écarté.
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
6. Mme A...se prévaut de la présence en France de son fils mineur et de sa scolarisation depuis septembre 2014. Toutefois, ce dernier est en bas âge et rien ne fait obstacle à ce qu'il poursuive sa scolarité en Côte d'ivoire. MmeA..., qui est célibataire et qui est entrée en France en mai 2014 seulement, ne justifie pas d'attaches familiales sur le territoire français autres que son jeune fils. Il ressort également des pièces du dossier que Mme A...n'est pas isolée dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-trois ans et où réside son père. Dans ces conditions, alors même que Mme A...peut se prévaloir d'un contrat de travail à durée indéterminée, le préfet de la Gironde n'a pas, en prenant la décision en litige, porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a, ainsi, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. Si Mme A...allègue qu'elle serait exposée, en cas de retour dans son pays d'origine, à un risque pour sa sécurité dès lors qu'elle sera nécessairement conduite à croiser l'individu à l'encontre duquel elle a nommément porté plainte, la décision portant refus de titre de séjour n'a ni pour objet, ni pour effet de la renvoyer dans son pays d'origine.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de la décision portant obligation de quitter le territoire français en raison de l'illégalité du refus de renouvellement de titre de séjour doit être écarté.
9. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de renvoi en raison de l'illégalité du refus de renouvellement de titre de séjour doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 15 février 2018. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...A...et au ministre de l'Intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 2 juillet à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier-conseiller,
M. David Katz, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 29 juillet 2019.
Le premier conseiller,
Paul-André BraudLe président-rapporteur,
Marianne B...
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX04296