Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision en date du 19 septembre 2017 par laquelle le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étudiant.
Par un jugement n° 1705380 du 2 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 novembre 2018, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 octobre 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 19 septembre 2017 du préfet du Tarn portant refus de délivrance d'un titre de séjour " étudiant " ;
3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de réexaminer sa situation dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 200 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'incompétence du signataire de l'acte en ce que le secrétaire général ne justifie pas d'une délégation pour signer les décisions relatives aux titres de séjour ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur d'appréciation sur le caractère réel et sérieux des études qu'il poursuit ;
- elle est dépourvue de base légale dès lors qu'elle a été prise sur le fondement des dispositions des articles L.313-7 et R.313-10-2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne sont pas applicables ; étant de nationalité ivoirienne, sa situation est intégralement régie par la convention franco-ivoirienne ;
- la substitution de base légale effectuée d'office par les premiers juges est irrégulière dès lors que les premiers juges ne l'ont pas mis à même de présenter ses éventuelles observations.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2019, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
Par un courrier en date du 23 mai 2019, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étant pas applicable aux ressortissants ivoiriens désireux de poursuivre leurs études en France, dont la situation est régie par l'article 9 de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992, ces stipulations doivent être substituées à celles du I de l'article L. 313-7 comme base légale de la décision de refus de titre de séjour en litige.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention franco-ivoirienne relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Abidjan le 21 septembre 1992 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme C...pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marianne Pouget a été entendu au cours de l'audience publique :
Considérant ce qui suit :
1. M. D...A..., né le 3 mars 1999 à Yopougnon (Côte-d'Ivoire), de nationalité ivoirienne, est entré en France le 6 juillet 2015, à l'âge de 16 ans, muni d'un visa de court séjour afin de poursuivre ses études secondaires en France. Il a été confié par ses parents qui résident à Abidjan, à son frère qui habite à Albi, par un acte établi en mairie le 19 novembre 2015 et qui lui confère ainsi une délégation partielle de l'autorité parentale. Le 22 août 2017, M. A...a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant. Il relève appel du jugement du 2 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à 1'annulation de la décision en date du 19 septembre 2017 du préfet du Tarn portant refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait du être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point, en application de l'article R.611-7 du code de justice administrative.
3. En l'espèce, les premiers juges, après avoir constaté que, d'une part, le préfet du Tarn s'était fondé, pour refuser à M. A...la délivrance d'un titre de séjour étudiant, sur l'absence de visa de long séjour exigible en application de l'article L.313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur le fait qu'il ne pouvait bénéficier de la dérogation prévue aux articles L. 313-7 et R.313-10-2° du même code, et d'autre part, que seules les stipulations des articles 4 et 9 de la convention franco-ivoirienne étaient applicables à la situation de M.A..., ressortissant ivoirien, ont procédé à une substitution de base légale. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier de première instance que le préfet du Tarn aurait demandé une telle substitution de base légale, ni que les parties auraient été mises en mesure de présenter, préalablement à l'intervention du jugement, leurs observations sur ce point. Dès lors en procédant ainsi à cette substitution de base légale sans en informer préalablement les parties, le tribunal administratif de Toulouse a entaché son jugement d'irrégularité. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, par un arrêté du 31 août 2017, régulièrement publié le même jour au recueil spécial n° 81-2017-171 des actes administratifs de la préfecture du Tarn, le préfet du Tarn a donné délégation à M. Laurent Gandra-Moreno, secrétaire général de la préfecture du Tarn, à l'effet de signer tous les arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances, documents relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certaines décisions au nombre desquelles ne figure pas la décision de refus de titre de séjour. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision doit être écarté.
6. En deuxième lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". Aux termes de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 relative à la circulation et au séjour des personnes : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre Etat doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants. Ces dispositions ne font pas obstacle à la possibilité d'effectuer dans l'autre Etat d'autres types d'études ou de stages de formation dans les conditions prévues par la législation applicable. " ; aux termes de l'article 10 de cette convention : " Pour tout séjour sur le territoire français devant excéder trois mois, les ressortissants ivoiriens doivent posséder un titre de séjour. (...) ces titres de séjour sont délivrés conformément à la législation de l'Etat d'accueil. ".En outre, l'article 14 de la même convention stipule que : " Les points non traités par la convention en matière d'entrée et de séjour des étrangers sont régis par les législations respectives des deux États ".Aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " I.-La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France. (...) ". Aux termes de l'article L. 313-2 du même code, alors en vigueur : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle (...) sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. ".Et enfin, les dispositions de l'article R. 313-10 du même code prévoient que : " Peut être exempté, sur décision du préfet, de l'obligation de présentation du visa de long séjour prescrite au 2° de l'article R. 313-1 : 2° L'étranger qui a suivi une scolarité en France depuis au moins l'âge de seize ans et qui y poursuit des études supérieures. A l'appui de sa demande, l'étranger doit justifier du caractère réel et sérieux des études poursuivies. ".
7. Il résulte des stipulations précitées de l'article 14 de la convention franco-ivoirienne susvisée que l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable aux ressortissants ivoiriens désireux de poursuivre leurs études en France, dont la situation est régie par l'article 9 de cette convention. Par suite, la décision du 19 septembre 2017 du préfet du Tarn ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-7. Toutefois, ainsi qu'il a déjà été mentionné au point 2 du présent arrêt, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.
8. La décision de refus de délivrance du titre de séjour " étudiant " contestée trouve son fondement légal dans les stipulations de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne susvisée relatif à l'admission au séjour des étudiants. Ces stipulations peuvent être substituées à celles du I de l'article L. 313-7 de ce même code dès lors que cette substitution de base légale n'a pas pour effet de priver M. A...d'une garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'un ou l'autre de ces deux textes, et, enfin, que les parties, informées par lettre datée du 23 mai 2019 du greffe de la Cour de ce que cette dernière était susceptible de procéder d'office à cette substitution de base légale, ont été en mesure de produire leurs observations sur ce point. Par conséquent, il y a lieu de procéder à cette substitution de base légale.
9. Les stipulations de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne, seules applicables, ne prévoient pas de dispense à l'obligation de présentation d'un visa de long séjour, à laquelle M. A...ne satisfait pas. Le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les dispositions des articles L. 313-7 et R. 313-10 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'ayant suivi une scolarité en France depuis l'âge de seize ans, y poursuivant des études supérieures et justifiant du caractère réel et sérieux de ses études, il pouvait être exempté de la présentation du visa de long séjour, doit ainsi, en tout état de cause, être écarté.
10. Le moyen tiré de l'erreur commise par le préfet dans l'appréciation de la réalité et du sérieux des études du requérant est inopérant dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet n'a pas entendu se fonder sur ce point pour rejeter la demande de titre de séjour de M. A...mais a seulement procédé à l'examen particulier de sa situation au regard des possibilités de dispense ouvertes par les dispositions de l'article R. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles, comme il a été dit précédemment, sont inapplicables à l'intéressé.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 19 septembre 2017 du préfet du Tarn refusant de lui délivrer un titre de séjour. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1705380 du 2 octobre 2018 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : La demande de M. A...présentée devant le tribunal administratif de Toulouse ainsi que le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Tarn.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier conseiller,
M. David Katz, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 juillet 2019.
Le premier-conseiller,
Paul-André Braud
Le président-rapporteur,
Marianne Pouget
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt
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N° 18BX04103