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25/07/2019 | FRANCE | N°17BX02708

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 25 juillet 2019, 17BX02708


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... C...ont demandé au tribunal administratif de Pau de les décharger des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1501287 du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

1°) Par une requête enregistrée le 8 août 2017, M. et Mme C..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler

ce jugement du tribunal administratif de Pau du 8 juin 2017 ;

2°) de prononcer la décharge des impositio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... C...ont demandé au tribunal administratif de Pau de les décharger des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1501287 du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

1°) Par une requête enregistrée le 8 août 2017, M. et Mme C..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 8 juin 2017 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la méthode de reconstitution des résultats de l'EURL Daffy mise en oeuvre par le service est radicalement viciée dans son principe ; elle ne correspond pas aux modalités concrètes de fonctionnement de l'entreprise et aboutit à des résultats irréalistes et contradictoires ;

- le service n'établit pas l'appréhension par M. C...des sommes correspondant aux rectifications des résultats de l'EURL Daffy ;

- les pénalités appliquées ne sont pas justifiées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions tendant à la décharge des impositions supplémentaires établies en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2008 à 2011 sont irrecevables en raison de l'autorité absolue de chose jugée dont est revêtu le jugement n° 1302070 rendu par le tribunal administratif de Pau le 11 septembre 2013 ;

- les pénalités pour manquement délibéré sont justifiées eu égard, tant au montant élevé des recettes omises qu'au fait que de précédents manquements comptables avaient déjà été relevés.

Par ordonnance du 28 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 5 juin 2018 à 12:00.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Aymard de Malafosse,

- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Daffy, dont le gérant est M.C..., exploite à Pau deux pizzerias, sous l'enseigne " la Tour2pise ". Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er mars 2007 au 31 décembre 2010, étendue au 30 avril 2011 pour la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Par proposition de rectification du 2 décembre 2011, le service l'a informée de son intention de rehausser ses bases imposables à l'impôt sur les sociétés, à la taxe sur la valeur ajoutée et à la contribution annuelle sur les ventes de produits alimentaires, après avoir écarté sa comptabilité comme non probante et procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires. Puis, par proposition de rectification du 5 décembre 2011, le service des impôts a informé M. et Mme C... de ce qu'il envisageait de les imposer, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, à raison des revenus réputés distribués par l'EURL Daffy et correspondant aux omissions de recettes révélées par le contrôle dont celle-ci avait fait l'objet. M. et Mme C... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010 et qui résultent de l'imposition des revenus distribués susmentionnés.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la reconstitution des recettes de l'EURL Daffy :

2. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission (...) ".

3. M. et Mme C...ne contestent pas le caractère non probant de la comptabilité de l'EURL Daffy sur la période considérée, dont le tribunal administratif de Pau a d'ailleurs jugé qu'il était établi par l'administration dans un jugement n° 1302070 du 11 septembre 2013, devenu définitif. Il est par ailleurs constant que les impositions ont été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. En application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, il appartient ainsi aux contribuables d'apporter la preuve du caractère exagéré des redressements.

4. M. et Mme C...font valoir que le chiffre de 170 g retenu par le vérificateur, s'agissant de la quantité de farine nécessaire pour la fabrication d'une pizza, ne trouvait à s'appliquer qu'à compter du mois de mai 2010, après que la fabrication de la pâte a été mécanisée, et qu'au préalable, la fabrication d'une pizza nécessitait entre 200 et 250 g de farine. Toutefois, il ressort de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 2 décembre 2011, que le chiffre retenu par le vérificateur a été fixé en tenant compte de la recette créée par M. C..., demeurée inchangée, aux termes de laquelle 9 kgs de farine permettent la fabrication de 53 pâtes, soit 170 g par pizza. La circonstance qu'un huissier se serait rendu le 23 juin 2016 dans l'un des restaurants de l'EURL Daffy pour y observer la fabrication de pâtes à pizza par plusieurs salariés et aurait constaté un poids moyen de farine par pizza supérieur à 170 g n'est pas de nature à établir que le chiffre retenu par le vérificateur concernant les années 2007 à 2011, sur la base d'informations communiquées par l'entreprise elle-même, serait erroné.

5. M. et Mme C...font également valoir que le chiffre de 56 052 pizzas non comptabilisées retenu par le vérificateur pour l'exercice 2007 est parfaitement irréaliste compte tenu du nombre de salariés dans l'entreprise et du temps nécessaire à la fabrication d'une pizza et que la méthode de reconstitution mise oeuvre par le vérificateur est dès lors radicalement viciée dans son principe. Il ressort toutefois de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 2 décembre 2011, que pour reconstituer le nombre de pizzas vendues chaque année par l'EURL Daffy, le vérificateur s'est fondé sur les données fournies par l'entreprise, en ce qui concerne les recettes mises en oeuvre et les pertes de produits de base et de fabrication, sur des éléments établis contradictoirement, en ce qui concerne le poids des ingrédients de base utilisés pour la fabrication de chaque pizza, ainsi que sur les achats de produits de base constatés annuellement et l'évolution des stocks entre le début et la fin de chaque exercice. Alors même que les résultats obtenus présentent des écarts significatifs selon la méthode utilisée (méthode de la farine, de la sauce tomate et des boîtes de pizza), les raisonnements mis en oeuvre par le vérificateur et les données utilisées sont pertinents et suffisamment objectifs, compte tenu de l'activité de la société, M. et Mme C...n'établissant pas avec précision les motifs pour lesquels la vente quotidienne de 460 pizzas sur ces deux établissements n'aurait pas été matériellement possible au cours de l'exercice 2007.

En ce qui concerne l'appréhension par M. C...des revenus distribués :

6. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / Les sommes imposables sont déterminées pour chaque période retenue pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés par la comparaison des bilans de clôture de ladite période et de la période précédente (...) ". Aux termes de l'article 110 de ce même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés (...) ". Enfin, aux termes de l'article 47 de l'annexe II du même code : " Toute rectification du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. C...possédait, au cours de la période en cause, la totalité du capital de l'EURL Daffy, en qualité d'unique associé, qu'il en était également le gérant et qu'il possédait la signature sur le compte bancaire de l'entreprise. Par suite, il doit être regardé comme ayant eu la qualité de maître de l'affaire et comme ayant, ainsi, effectivement appréhendé la totalité des bénéfices réintégrés dans les bases d'imposition de l'entreprise précitée.

En ce qui concerne les pénalités :

8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : /a. 40 % en cas de manquement délibéré ".

9. Ainsi qu'il a été dit au point 3, M. et Mme C...ne contestent pas le caractère non probant de la comptabilité de l'EURL Daffy sur la période considérée. Par ailleurs, la reconstitution du chiffre d'affaires de l'EURL Daffy a mis en lumière des écarts significatifs entre les chiffres d'affaires déclarés par la société et les chiffres d'affaires réellement réalisés. Dans ces conditions, M.C..., gérant de l'entreprise et bénéficiaire des revenus distribués par celle-ci, dont l'origine réside dans les omissions de chiffre d'affaires susmentionnées, doit être regardé comme ayant eu l'intention délibérée d'éluder l'impôt. C'est dès lors à bon droit que le service a appliqué la majoration de 40 % prévue par les dispositions susrappelées de l'article 1729 du code général des impôts.

10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée en défense, que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que M. et Mme C...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2019 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 25 juillet 2019.

Le président-assesseur,

Laurent POUGETLe président-rapporteur,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 17BX02708


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX02708
Date de la décision : 25/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Aymard DE MALAFOSSE
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : LAPEYRE et MAREK AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-07-25;17bx02708 ?
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