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25/07/2019 | FRANCE | N°17BX02633

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 25 juillet 2019, 17BX02633


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société de fait B...-de Clercq a demandé au tribunal administratif de Toulouse de lui accorder la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre du 1er trimestre 2011.

Par un jugement n° 1500516 du 26 juin 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 août 2017 et un mémoire enregistré le 2 mai 2018, la société de fait B...-de Clercq, représentée par MeA..., deman

de à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 26 juin 2017 ;

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société de fait B...-de Clercq a demandé au tribunal administratif de Toulouse de lui accorder la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre du 1er trimestre 2011.

Par un jugement n° 1500516 du 26 juin 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 août 2017 et un mémoire enregistré le 2 mai 2018, la société de fait B...-de Clercq, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 26 juin 2017 ;

2°) de lui accorder la décharge des impositions et pénalités contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- dès lors que l'administration a accordé le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée qui avait été demandé par la société et a ainsi admis la qualité d'assujettie de celle-ci, elle ne peut remettre en cause cette qualité qu'à la condition de démontrer une fraude ou un abus de droit, démonstration qui n'est pas apportée ;

- le tribunal administratif n'a pu valablement se fonder sur l'absence de réalité de prestations hôtelières accomplies de 2010 à 2012 alors qu'il est seulement exigé que le contribuable dispose des moyens nécessaires pour fournir ces prestations, ce qui est le cas en l'espèce puisque l'immeuble en litige est intégré dans un complexe de village de vacances et que l'EURL Domaine de Merlanes dispose des moyens permettant d'assurer le nettoyage et la fourniture de linge de maison ;

- la réalité des prestations assurées par le mandataire prestataire de services est attestée par la production de deux factures datées du 31 décembre 2013, les parties au contrat ayant renoncé de façon consensuelle à une facturation mensuelle ; les données comptabilisées dans les balances générales des comptes de la société correspondent avec les données de la facturation ; ni la qualification de " quittances de loyer ", ni la mention " loyer nu " sur ces quittances ne sont de nature à remettre en cause la réalité des prestations para-hôtelières ;

- le tribunal administratif a omis de statuer sur ses conclusions subsidiaires ;

- ses conclusions subsidiaires sont fondées : en effet, conformément à ce que précise la doctrine administrative (BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20-20120912 § 100), à supposer que la société de fait ne soit pas exploitante, elle n'en serait pas moins assujettie à la taxe puisque le bien serait donné en location à une société qui elle-même effectue des prestations para-hôtelières ;

- l'application des pénalités prévues en cas d'opposition à contrôle fiscal n'est pas justifiée : le contrôle n'a pas été rendu impossible du fait des contribuables, bien au contraire.

Par des mémoires enregistrés les 13 février 2018 et 22 mai 2018, le ministre de l'action et des comptes publics (direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-ouest) conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 20 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 4 juin 2019 à 12h00.

Un mémoire a été présenté le 5 juin 2019 pour la société de fait B...-de Clercq par MeA....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Aymard de Malafosse,

- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société de fait B...-de Clercq.

Considérant ce qui suit :

1. La société de fait B...-de Clercq de fait constituée entre M. B...et M. C...a acquis en 2009, en l'état futur d'achèvement, une maison située dans le domaine de Merlanes, centre de loisirs et de vacances situé à Molières (Tarn-et-Garonne) géré par la société du Domaine de Merlanes. Elle a demandé le 21 avril 2011 le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la taxe ayant grevé les travaux de construction de cet immeuble, en revendiquant sa qualité d'assujettie en tant que loueur en meublé proposant des prestations similaires à celles d'une entreprise hôtelière. L'administration a fait droit à cette demande. Mais, à la suite d'une vérification de comptabilité, elle a remis en cause la qualité d'assujettie de la société de fait et, partant, ses droits à déduction. Il en est résulté un rappel de taxe d'un montant de 66 373 euros qui a été assorti des pénalités au taux de 100 % prévues en cas d'opposition à contrôle fiscal. La société de fait B...-de Clercq fait appel du jugement du 26 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande en décharge de ce rappel et de ces pénalités.

2. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Aux termes du premier alinéa de l'article 256 A du même code : " Sont assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention ".

3. L'article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, reprenant les dispositions du b) du B de l'article 13 de la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, prévoit au point l) de son paragraphe 1 que les Etats membres exonèrent " la location de biens immeubles ". Toutefois, en application de son 2, " 2. Sont exclues de l'exonération prévue au paragraphe 1, point l), les opérations suivantes : / a) les opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des Etats membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire (...) ". Par un arrêt du 12 février 1998, Elisabeth Blasi c/ Finanzamt München, C-346/95, la Cour de justice des communautés européennes a jugé que les termes employés pour désigner les exonérations visées par l'article 13 de la sixième directive sont d'interprétation stricte, étant donné qu'elles constituent des dérogations au principe général selon lequel la taxe sur le chiffre d'affaires est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti. Elle en a déduit que le membre de phrase " à l'exception des opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des Etats membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire ", figurant à l'article 13 B, sous b), point 1, de la sixième directive, introduit une exception à l'exonération prévue par ces dispositions pour la location de biens immeubles et qu'il place donc les opérations qu'il vise sous le régime général de cette directive, qui tend à soumettre à la taxe toutes les opérations imposables, sauf les dérogations expressément prévues et, qu'ainsi, cette clause ne saurait recevoir une interprétation stricte.

4. Aux termes de l'article 261 D du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) / 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. / Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : / (...) b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. (...) ". Ces dispositions, qui fixent les critères de la taxation des prestations de location de logements meublés, doivent être interprétées, pour le respect des objectifs énoncés par les dispositions précitées de la sixième directive, tels qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, de manière à garantir que ne soient exonérés du paiement de la taxe que des assujettis dont l'activité ne remplit pas la ou les fonctions essentielles d'une entreprise hôtelière et qui ne sont donc pas en concurrence potentielle avec ces dernières entreprises.

5. Ainsi que le rappelle la société requérante, dès lors que l'administration a reconnu sa qualité d'assujettie et, partant, son droit à déduction en lui accordant le remboursement de crédit de taxe demandé, elle ne peut remettre en cause rétroactivement ce droit à déduction qu'en cas de situation frauduleuse ou abusive.

6. Il résulte de l'instruction que la société de fait B...-de Clercq a passé en octobre 2009 un contrat de prestations de services avec la SARL, devenue EURL, du domaine de Merlanes, afin que celle-ci fournisse aux locataires de l'immeuble litigieux, dont il n'est pas contesté qu'il est destiné à être loué meublé, des prestations de réception de la clientèle, de nettoyage des locaux et de fourniture de linge de maison. Toutefois, il résulte aussi de l'instruction qu'après le début de la mise effective en location, en 2012, la société de fait a passé avec l'EURL Domaine de Merlanes un " contrat de location meublée et de service rendu " qui fait apparaître celle-ci comme locataire, même s'il mentionne le nom de la personne physique qui occupe effectivement la maison. Ce contrat indique que les prestations fournies à cet occupant comportent la réception, le gardiennage, le nettoyage et un service de lingerie. Il ressort des quittances de loyer versées au dossier que la société de fait, bailleur, délivre quittance à l'EURL, et non à la personne physique occupant la maison, des loyers qui lui sont versés par cette société. Dans ces conditions, comme le soutient l'administration, la société de fait ne peut être regardée comme ayant la qualité d'exploitant du logement meublé dont il s'agit, mais comme ayant donné en location cet immeuble à l'EURL Domaine de Merlanes afin que celle-ci fournisse à des particuliers, locataires finaux, un hébergement assorti de prestations de type hôtelier.

7. Toutefois, aux termes de l'article 260 D du même code : " Pour l'application de la taxe sur la valeur ajoutée, la location d'un local meublé ou nu dont la destination finale est le logement meublé est toujours considérée comme une opération de fourniture de logement meublé quelles que soient l'activité du preneur et l'affectation qu'il donne à ce local ". Il en résulte que le bailleur qui donne en location un local meublé à un exploitant qui lui-même offre à la clientèle des prestations de la nature de celles définies au b) précité du 4° de l'article 261 D du code général des impôts a la qualité d'assujetti.

8. Les critères définis par la loi et précisés par la jurisprudence n'exigent pas que les prestations para-hôtelières soient effectivement rendues, mais seulement que le loueur en meublé dispose des moyens nécessaires pour répondre aux éventuelles demandes. Or, il ne résulte pas de l'instruction que l'EURL Domaine de Merlanes, qui gère l'ensemble du domaine de Merlanes, ne proposerait pas effectivement aux locataires de l'immeuble litigieux, comme le soutient la requérante, des prestations de réception de la clientèle, de nettoyage des locaux et de fourniture du linge de maison et ne disposerait pas des moyens nécessaires pour assurer ces prestations. La seule circonstance que les quittances de loyer mentionnées au point 6 portent la mention " loyer nu " ne suffit pas à modifier cette analyse. Dans ces conditions, la société de fait B...-de Clercq doit être regardée comme ayant elle-même, en tant que bailleur, la qualité d'assujettie. Il en résulte qu'elle était en droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les travaux de construction de la maison dont elle est propriétaire et de demander le cas échéant le remboursement du crédit de taxe y afférent.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que la société de fait B...-de Clercq est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

10. il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il est accordé décharge à la société de fait B...-de Clercq du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie et des pénalités y afférentes.

Article 2 : L'Etat versera à la société de fait B...-de Clercq la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société de fait B...-de Clercq et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2019 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 25 juillet 2019.

Le président-assesseur,

Laurent POUGETLe président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 17BX02633


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX02633
Date de la décision : 25/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

19-06-02-01-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Personnes et opérations taxables. Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Aymard DE MALAFOSSE
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-07-25;17bx02633 ?
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