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25/07/2019 | FRANCE | N°17BX01902

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 25 juillet 2019, 17BX01902


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Bordeaux Métropole a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner solidairement les sociétés Novello, Seura, Aartill, Arcadis ESG et MM. B...E...et I...C...à lui verser la somme de 67 140 euros en réparation des désordres affectant le dallage du cours du Chapeau Rouge, à Bordeaux, assortie des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1500978 du 18 avril 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande et mis à sa charge les frais d

'expertise.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 juin 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Bordeaux Métropole a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner solidairement les sociétés Novello, Seura, Aartill, Arcadis ESG et MM. B...E...et I...C...à lui verser la somme de 67 140 euros en réparation des désordres affectant le dallage du cours du Chapeau Rouge, à Bordeaux, assortie des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1500978 du 18 avril 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande et mis à sa charge les frais d'expertise.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 juin 2017 et un mémoire enregistré le 22 janvier 2019, Bordeaux Métropole, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de condamner solidairement les sociétés Colas Sud-ouest venant aux droits de la société Novello, Seura, Aartill, Arcadis ESG et MM. B...E...et I...C...à lui verser la somme de 67 140 euros en réparation des désordres affectant le dallage du cours du Chapeau Rouge, à Bordeaux, assortie des intérêts légaux à compter du 6 mars 2015 et de la capitalisation des intérêts.

3°) de mettre les frais d'expertise à la charge solidaire des mêmes ;

4°) de mettre à la charge des mêmes la somme de 10 000 euros an application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucune prescription n'est acquise ;

- une fissure évolutive apparue en 2007 dans l'axe de l'allée piétonne du cours du Chapeau Rouge, d'une largeur de 4 cm, engage, en raison de l'atteinte portée à l'esthétique du lieu et à son accessibilité ainsi que du danger créé pour les usagers, la responsabilité décennale de la société Novello, titulaire du lot " infrastructures, revêtements de sols et mobiliers urbains " et du groupement de maîtrise d'oeuvre ;

- cette fissure engage également la responsabilité contractuelle du groupement de maîtrise d'oeuvre, qui n'a pas procédé aux contrôles adéquats et qui a manqué à son obligation de conseil lors de la réception de l'ouvrage ; le rapport d'expertise est opposable à la société Arcadis ;

- elle a réalisé des travaux préventifs d'un coût de 5 934 euros TTC ;

- le coût des travaux de réparation s'élève à 61 206 euros TTC.

Par des mémoires enregistrés les 28 août 2017, 26 septembre 2017 et 6 février 2019, la société Colas Sud-ouest, venant aux droits de la société Novello, conclut au rejet de la requête et subsidiairement, demande à être garantie par les maîtres d'oeuvre des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle.

Elle soutient que :

- le désordre, qui ne rend pas l'ouvrage impropre à sa destination, n'a pas un caractère décennal ;

- elle n'a commis aucune faute dans l'exécution des travaux, en l'absence de plan d'exécution validé ;

- la société Novello n'était pas membre du groupement de maîtrise d'oeuvre ;

- à titre subsidiaire, sa responsabilité doit être limitée à 50 % du montant des réparations.

Par des mémoires enregistrés le 1er septembre 2017, le 9 novembre 2017 et le 12 décembre 2017, la société Arcadis ESG conclut au rejet de la requête, à ce que les sociétés Novello, Seura, Aartill et MM. E...et C...soient condamnés à la garantir d'une éventuelle condamnation et à ce que soit mise à la charge de Bordeaux Métropole la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les rapports d'expertise ne lui sont pas opposables ;

- l'action à son encontre est prescrite ;

- le désordre, qui ne rend pas l'ouvrage impropre à sa destination, n'a pas un caractère décennal ;

- sa responsabilité contractuelle ne saurait être engagée, dès lors qu'elle n'a pas participé aux opérations de réception ;

- le désordre ne lui est pas imputable, car elle n'était pas chargée du suivi de l'exécution des ouvrages de voirie.

Par des mémoires enregistrés les 9 octobre 2017 et 21 novembre 2017, la société Aartill, M. E...et la société Seura concluent au rejet de la requête, à ce que les sociétés Colas Sud-ouest et Arcadis ESG soient condamnées à les garantir d'une éventuelle condamnation et à ce que soit mise à la charge de Bordeaux Métropole la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- l'aspect inesthétique de la fissure est très limité et n'affecte ni la sécurité des passants ni la solidité de l'ouvrage ; elle ne revêt donc pas un caractère décennal ;

- aucun désordre n'était apparent lorsque l'ouvrage a été réceptionné ; le groupement n'avait pas connaissance de l'absence de solins béton aux droits des bordures des jardinières ; la société Artill n'était en ce qui la concerne investie que de la conception du lot d'éclairage ; leur responsabilité contractuelle ne peut donc être davantage engagée ;

- les désordres relevant de la garantie décennale sont exclusivement imputables à la société Novello ;

- subsidiairement la part de responsabilité de la maîtrise d'oeuvre au titre d'un manquement contractuel dans la direction des travaux ne saurait excéder 20 % ;

- la société Arcadis, à laquelle le rapport d'expertise est opposable et dont la mission de contrôle n'était pas limitée aux réseaux, devrait alors être regardée comme responsable à hauteur de 25,53 %.

Par ordonnance du 24 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 7 février 2019 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,

- les observations de MeF..., représentant Bordeaux Métropole,

- les observations de MeA..., représentant la société Colas Sud-ouest,

- les observations de MeG..., représentant les sociétés Seura et Aartill, et M. E...,

- et les observations de MeH..., représentant la société Arcadis ESG.

Considérant ce qui suit :

1. Bordeaux Métropole a lancé en 2002 un marché pour l'aménagement du cours du Chapeau Rouge, à Bordeaux. La maîtrise d'oeuvre a été attribuée par une convention du 5 février 2002 à un groupement composé des sociétés Seura, qui en était le mandataire, Aartill, EEG Simecsol (devenue Arcadis ESG), et de MM. E...etC.... Par un acte d'engagement du 12 décembre 2003, les travaux d'infrastructures et de revêtement des sols constituant le lot n° 1 ont été confiés à un groupement constitué des sociétés Novello, mandataire, et Malet. Les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 23 septembre 2005, avec effet au 11 mai 2005. Au début de l'année 2007, une fissure est apparue dans le pavage de la partie haute du cours, au droit du Grand Théâtre. Un expert a été désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux et a remis son rapport le 7 janvier 2011, complété le 5 novembre 2013 à la suite d'une aggravation du phénomène de fissuration. Au vu de ces rapports d'expertise, Bordeaux Métropole a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande de condamnation solidaire des constructeurs et maîtres d'oeuvre à lui verser la somme de 67 140 euros en réparation du désordre affectant le pavage. Par un jugement du 18 avril 2017, dont l'établissement public intercommunal relève appel, le tribunal a rejeté cette demande.

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la garantie décennale des constructeurs :

2. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même si ces dommages ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans.

3. Pour rechercher la responsabilité décennale des constructeurs, Bordeaux Métropole se réfère aux conclusions du rapport d'expertise du 5 novembre 2013, qui relève que les fissures peuvent atteindre 4 centimètres de largeur, et que si elles n'affectent pas la solidité de l'ouvrage, elles sont incompatibles avec une circulation piétonne sécurisée et affectent l'esthétique du site remarquable dans lequel s'intègre l'aménagement considéré. La collectivité requérante en tire que les désordres sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal. Il résulte toutefois de l'instruction que le dommage, qui consiste en réalité en un écartement modéré, sur une vingtaine de mètres, entre les dallages posés de part et d'autre de la ligne médiane de l'espace piétonnier du cours, n'entrave aucunement la marche des piétons ni la circulation des vélos ou poussettes, en l'absence de toute aspérité. Il ne résulte d'ailleurs pas de l'instruction que Bordeaux Métropole, à défaut d'avoir entrepris des travaux de reprise, aurait mis en place un quelconque dispositif de contournement de la zone ou de signalisation d'un danger. Si par ailleurs le site concerné, par son intérêt patrimonial et touristique, justifie des aménagements urbains de qualité, le désordre, par son caractère circonscrit et sa faible visibilité, n'affecte pas l'esthétique du lieu dans une mesure telle qu'il rendrait l'ouvrage objet du marché impropre à sa destination. Enfin, la collectivité requérante ne fait pas état devant la cour d'une aggravation du désordre depuis novembre 2013, et rien ne permet donc de considérer que les espacements des dalles présenteraient à ce jour un caractère évolutif. Dans ces conditions, ledit désordre n'engage pas la responsabilité décennale des constructeurs.

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle de la maîtrise d'oeuvre :

4. D'une part, la réception des travaux à l'origine des désordres ayant été prononcée sans réserve avec effet au 11 mai 2005, ainsi qu'il a été dit, elle a mis fin aux rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et les participants à l'opération de construction en ce qui concerne la réalisation de ces travaux. Bordeaux Métropole ne peut donc utilement invoquer les fautes qu'auraient pu commettre les maîtres d'oeuvre dans l'exécution de leurs missions et notamment dans la validation, le contrôle et le suivi des travaux.

5. D'autre part, la responsabilité des maîtres d'oeuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves. Il importe peu, à cet égard, que les vices en cause aient ou non présenté un caractère apparent lors de la réception des travaux, dès lors que le maître d'oeuvre en avait eu connaissance en cours de chantier.

6. En l'occurrence, il résulte des mentions des rapports d'expertise que le désordre avait pour cause déterminante l'absence de réalisation par le titulaire du lot n° 1 d'un solin en béton le long des jardinières, sous le pavement, qui aurait permis de caler les dalles et d'éviter qu'elles glissent sous l'effet des poussées structurelles. Ainsi que l'a relevé le tribunal, il ne résulte pas de l'instruction que l'absence de réalisation d'un solin le long des bordures des jardinières était apparent à la réception des travaux, ni que la maîtrise d'oeuvre ait eu connaissance de cette absence en cours de réalisation du chantier et se serait abstenue en connaissance de cause d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur ce point. Ainsi, il ressort de la note d'expertise faisant suite à la réunion du 9 avril 2013 que ce sont des sondages qui ont révélé que les dalles, au droit des jardinières, n'étaient pas épaulées par le renfort d'un solin en béton au pied de celles-ci, mais posées directement sur des graves. Par suite, et à supposer même qu'un meilleur suivi du chantier ait permis aux maîtres d'oeuvre de déceler le vice en cours d'exécution du chantier, leur responsabilité ne peut être recherchée à raison d'un manquement à leur devoir de conseil.

7. Il résulte de ce qui précède que Bordeaux Métropole n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête.

Sur les dépens :

8. Dans les circonstances de l'espèce, les frais des expertises, taxés et liquidés à la somme totale de 22 772,44 euros par des ordonnances du président du tribunal administratif de Bordeaux des 11 janvier 2011 et 6 novembre 2013, sont maintenus à la charge définitive de Bordeaux Métropole.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Bordeaux Métropole la somme globale de 1 500 euros à verser aux sociétés Colas Sud-ouest, Seura, Aartill, Arcadis Esg et à M. B...E...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Bordeaux Métropole est rejetée.

Article 2 : Bordeaux Métropole versera la somme globale de 1 500 euros aux sociétés Colas Sud-ouest, Seura, Aartill, Arcadis Esg et à M. B...E...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Bordeaux Métropole, à la société Colas Sud-ouest, à la société Seura, à la société Aartill, à la société Arcadis ESG, à M. B...E...et à M. I... C....

Délibéré après l'audience du 20 juin 2019, à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 25 juillet 2019.

Le rapporteur,

Laurent POUGET

Le président,

Aymard de MALAFOSSE

Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 17BX01902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX01902
Date de la décision : 25/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : CABINET CABANES NEVEU ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-07-25;17bx01902 ?
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