Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part, la décision du 31 juillet 2015 par laquelle la directrice des ressources humaines de l'agence de distribution du sud-ouest de la société Orange lui a appliqué une retenue sur salaire d'un trentième sur son traitement pour absence de service fait le mardi 14 juillet 2015, d'autre part, la décision du 1er septembre 2015 par laquelle le directeur des ressources humaines de la direction Orange Sud-Ouest lui a infligé la sanction disciplinaire de l'avertissement.
Par un jugement n° 1504379 et 1504380 du 5 avril 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ces deux décisions.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 6 juin 2017 et le 6 novembre 2018, la société Orange SA, représenté par la SCP Delvolvé-Trichet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 avril 2017 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par Mme C...devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de Mme C...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal administratif s'est fondé sur un moyen soulevé d'office sans en avoir informé au préalable les parties aux fins de recueillir leurs observations ; par ailleurs, les conclusions du rapporteur public n'ont pas été mises en ligne dans un délai raisonnable avant l'audience du 15 mars 2017 et étaient incomplètes ;
- le tribunal administratif a jugé à tort que la sanction d'avertissement ainsi que la retenue sur salaire étaient dépourvues de base légale ;
- en l'absence de service fait par M. C..., elle était fondée à opérer une retenue sur son salaire ; par ailleurs, la méconnaissance, par l'intéressée, de son devoir d'obéissance, justifie la sanction appliquée à son encontre ;
- le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de chacune des décisions en litige ne peut être accueilli.
Par un mémoire enregistré le 25 octobre 2017, Mme C...conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la société Orange SA la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les décisions en litige sont entachées d'un vice d'incompétence de leur auteur ;
- elle ne figurait pas sur le planning du service pour la journée du 14 juillet 2015 et n'était donc pas tenue d'aller travailler ce jour-là ; dès lors, ni la retenue sur salaire, ni la sanction ne sont justifiées ;
- l'ordre de venir travailler le 14 juillet était en tout état de cause illégal car fondé sur des dispositions du code du travail, lesquelles, en sa qualité de fonctionnaire, ne lui sont pas applicables.
Par ordonnance du 15 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 21 décembre 2018 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 61-825 du 29 juillet 1961 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Aymard de Malafosse,
- et les conclusions de Mme Déborah Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par deux décisions prises respectivement les 31 juillet 2015 et 1er septembre 2015, Mme C..., cadre de second niveau au sein de la société Orange SA, s'est vu infligé, d'une part une retenue du 1/30ème sur sa rémunération du mois de juillet 2015 et, d'autre part, la sanction disciplinaire de l'avertissement. Par la présente requête, la société Orange SA relève appel du jugement du 15 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé l'annulation de chacune de ces deux décisions.
2. Aux termes de l'article 31-1 de la loi susvisée du 2 juillet 1990 relative au service public de la poste et France Télécom, dans sa rédaction alors applicable : " 1. France Télécom recherche par la négociation et la concertation la conclusion d'accords avec les organisations syndicales, tout particulièrement dans les domaines de l'emploi, de la formation, de l'organisation et des conditions de travail, de l'évolution des métiers et de la durée de travail. / 2. Avant le 31 décembre 1996, le président de France Télécom négociera avec les organisations syndicales représentatives un accord sur l'emploi à France Télécom, portant notamment sur : / - le temps de travail ; / - les conditions de recrutement de personnels fonctionnaires jusqu'au 1er janvier 2002 ; / - la gestion des carrières des personnels fonctionnaires et contractuels ; / - les départs anticipés de personnels ; / - l'emploi des jeunes ; / - l'évolution des métiers ; / - les conditions particulières accordées au personnel pour l'attribution des actions qui lui sont proposées. ".
3. Le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les deux décisions en litige au motif que Mme C...ne pouvait voir sa situation régie ni par l'accord d'entreprise conclu au sein de la société Orange SA, ni par le code du travail, en raison de son statut de fonctionnaire. Or, les dispositions précitées de la loi du 2 juillet 1990 modifiée confient expressément à la société France Télécom le soin de négocier, avec les organisations syndicales, un accord d'entreprise applicable à tous ses personnels, qu'ils soient agents de droit privé ou fonctionnaires, portant notamment sur l'organisation et les conditions de travail ainsi que sur la durée du travail. Par suite, la société Orange SA est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les deux décisions en litige au motif que le statut de fonctionnaire de Mme C...s'opposait par principe à ce que sa situation soit régie par les stipulations de l'accord d'entreprise dénommé " accord pour tous " ainsi que par les dispositions du code du travail.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... en première instance et en appel.
En ce qui concerne la légalité de la décision du 31 juillet 2015 :
5. Aux termes de l'article 4 de la loi du 29 juillet 1961 portant loi de finances rectificative pour 1961, modifiée par la loi du 22 juillet 1977 : " (...) L'absence de service fait, pendant une fraction quelconque de la journée, donne lieu à une retenue dont le montant est égal à la fraction du traitement frappée d'indivisibilité (...) / Il n'y a pas service fait : /1° Lorsque l'agent s'abstient d'effectuer tout ou partie de ses heures de service ; /2° Lorsque l'agent, bien qu'effectuant ses heures de service, n'exécute pas tout ou partie des obligations de service qui s'attachent à sa fonction telles qu'elles sont définies dans leur nature et leurs modalités par l'autorité compétente dans le cadre des lois et règlements. ". Aux termes de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Tout fonctionnaire (...) doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. ".
6. La retenue sur traitement prévue par l'article 4 précité de la loi du 29 juillet 1961 peut être décidée aussi bien en l'absence de service fait que dans le cas où un agent public n'exécute pas certaines obligations de son service. En revanche, lorsque les obligations de service ont été intégralement accomplies et en l'absence de dispositions statutaires prévoyant des sujétions particulières, le refus d'exécuter des obligations supplémentaires, s'il expose à des sanctions disciplinaires, ne saurait entraîner de retenue sur traitement.
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme C...relève du régime " Horaires accueil Clients " (ou HAC), avec un horaire hebdomadaire de travail de 35 heures. Selon " l'accord pour tous " portant sur l'organisation du travail, la réduction et l'aménagement du temps de travail, conclu le 2 février 2000 entre le président de France Télécom et les organisations syndicales, applicables à MmeC..., " ce régime s'applique aux salariés exerçant leurs fonctions dans des activités en contact direct avec la clientèle, ou participant directement au processus client, et travaillant dans des horaires adaptés à la clientèle ". La société Orange SA soutient par ailleurs, ce que ne conteste pas l'intéressée, que ledit régime prévoit le travail le samedi et les jours fériés, l'accord du 2 février 2000 stipulant que les managers élaborent des tableaux de service " permettant de couvrir l'ensemble des plages horaires nécessaires à l'amélioration du service client ou de la production du service ".
8. Mme C...soutient que la matérialité de faits n'est pas établie et, notamment, que le tableau de service afférent à la semaine du 13 au 19 juillet 2015 ne prévoyait pas qu'elle travaille le 14 juillet. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, par mail du 6 juillet 2015, la responsable de la boutique dans laquelle travaillait l'intéressée a adressé au personnel, et notamment à cette dernière, un dernier rappel sollicitant des volontaires pour les journées des 14 juillet et 15 août 2015, et rappelant qu'à défaut, une désignation d'office interviendrait parmi les personnes présentes prévues au planning. Par mail du 10 juillet 2015, cette même responsable a fixé la liste des personnes inscrites au planning pour ces deux journées, Mme C...figurant au nombre des quatre personnes désignées pour être présentes la journée du 14 juillet. Par suite, le moyen ne peut être accueilli.
9. Si Mme C...soutient également que l'accord d'entreprise du 2 février 2000 ne lui est pas applicable, compte tenu de son statut de fonctionnaire, il résulte de ce qui a été dit précédemment que ce moyen ne peut être accueilli.
10. L'intéressée fait également valoir que la société Orange SA ne pouvait légalement procéder à une retenue de salaire pour absence de service fait dès lors que la période non travaillée correspondait à un travail excédant la durée de son service hebdomadaire normal. Néanmoins, et outre qu'en s'absentant le 14 juillet 2015, alors qu'il lui avait été demandé de travailler, elle s'est soustraite à l'une des obligations de service inhérente à son affectation, ce qui suffit à justifier qu'il ait été procédé à une retenue sur traitement, il résulte de ce qui a été dit plus haut que Mme C...est soumise à un horaire hebdomadaire de 35 heures. Or, et compte tenu de la pause déjeuner d'une heure qui lui est accordée, à défaut d'être présente le 14 juillet, les seules plages horaires prévues les 13, 15, 16 et 17 juillet ne lui permettaient d'atteindre que 31 heures de travail hebdomadaire, soit une durée inférieure à celle de son service hebdomadaire normal. Dans ces conditions, et dès lors qu'elle doit être regardée comme n'ayant pas exécuté ses obligations de service au sens des dispositions de l'article 4 de la loi du 29 juillet 1961, la société Orange SA était tenue de lui appliquer une retenue de salaire d'un montant égal à la fraction du traitement d'indivisibilité, à savoir un trentième.
11. Il résulte de ce qui précède que la société Orange SA avait compétence liée pour procéder à la retenue d'un trentième du traitement de Mme C...en raison de son absence le 14 juillet 2015. Par suite, le moyen, soulevé en appel, tiré de l'incompétence de l'auteur du courrier l'ayant informée de cette retenue est inopérant.
En ce qui concerne la légalité de la décision du 1er septembre 2015 :
12. En premier lieu, la décision n° 616 du 1er septembre 2015 ayant infligé la sanction d'avertissement à Mme C... est signée par M. A... D..., directeur des ressources humaines de la direction Orange Sud-Ouest, qui disposait d'une délégation de signature aux fins, notamment, de signer " toutes sanctions à l'exception de la révocation et de la mise à la retraite d'office prises par le ministre chargé des télécommunications ", accordée par Mme F...B..., directrice des services partagés France, le 1er juillet 2013. Mme B...a pour sa part été notamment " investie des pouvoirs de gestion de l'ensemble des personnels fonctionnaires et contractuels de droit public d'Orange ", avec possibilité de déléguer sa signature en ce domaine, par acte de délégation de pouvoirs de M. Stéphane Richard, président directeur général de la société Orange SA, en date du 1er juillet 2013. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision en litige doit être écarté.
13. En deuxième lieu, la décision du 1er septembre 2015 indique, comme motif de la sanction qu'elle prononce, " absence irrégulière et de manière délibérée le mardi 14 juillet 2015 et ce en tenant des propos déplacés vis-à-vis de sa ligne managériale ". Elle est ainsi suffisamment motivée en fait.
14. En troisième lieu, en vertu de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées aux fonctionnaires de l'Etat sont réparties en quatre groupes. Relèvent du premier groupe les sanctions de l'avertissement et du blâme.
15. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
16. Comme il a été dit, Mme C...s'est abstenue de venir travailler le 14 juillet 2015 alors même qu'elle avait été informée par mail du 10 juillet 2015 qu'elle était inscrite sur le planning des présences pour cette journée, à la suite d'un appel à volontaires demeuré infructueux. En refusant ainsi d'exécuter un ordre et d'effectuer son travail, Mme C...a commis une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire. La sanction d'avertissement, qui est la moins lourde des sanctions du premier groupe, est proportionnée à cette faute.
17. En quatrième lieu, et dès lors que la retenue opérée sur le traitement de Mme C...ne saurait être regardée comme une sanction disciplinaire déguisée, le moyen tiré de ce que l'intéressée aurait été sanctionnée deux fois pour les mêmes faits doit être écarté.
18. Il résulte de tout ce que qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que la société Orange SA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 31 juillet 2015 ayant appliqué à Mme C...une retenue sur traitement pour absence de service fait le mardi 14 juillet 2015 ainsi que la décision du 1er septembre 2015 lui ayant infligé un avertissement.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Orange SA, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme C...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de Mme C...la somme réclamée par la société Orange SA au titre de ces mêmes dispositions.
DECIDE
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1504379 et 1504380 du 5 avril 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées en appel par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Orange SA et à Mme E...C....
Délibéré après l'audience du 20 juin 2019 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 25 juillet 2019.
Le président-assesseur,
Laurent POUGET Le président-rapporteur
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
6
N° 17BX01763