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22/07/2019 | FRANCE | N°17BX02070,17BX03055

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 22 juillet 2019, 17BX02070,17BX03055


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

I.- Mme C... G...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 27 novembre 2014 par laquelle le président directeur général de la société Orange a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle aurait été victime le 28 septembre 2011, de condamner ladite société à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts " pour déclaration tardive et erronée d'accident de service et refus de reconnaissance d'imputabilité et manque

ment à l'obligation de sécurité ", et de la condamner la société Orange à exécuter ...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

I.- Mme C... G...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 27 novembre 2014 par laquelle le président directeur général de la société Orange a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle aurait été victime le 28 septembre 2011, de condamner ladite société à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts " pour déclaration tardive et erronée d'accident de service et refus de reconnaissance d'imputabilité et manquement à l'obligation de sécurité ", et de la condamner la société Orange à exécuter le jugement sous astreinte .

Par un jugement n° 1500532 du 2 mai 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du président directeur général d'Orange en date du 27 novembre 2014 et rejeté le surplus des conclusions de MmeG....

II.- Mme C... G...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 1er juin 2015 par laquelle le président directeur général de la société Orange a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'épisode dépressif dont elle aurait été victime le 11 septembre 2014et d'enjoindre à la société Orange de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie et d'en tirer les conséquence sur sa rémunération et le remboursement de ses frais médicaux.

Par un jugement n° 1503504 du 10 juillet 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédures devant la cour :

I.- Par une requête, et des mémoires en réplique, enregistrés, sous le n° 17BX02070, les 4 juillet 2017 et 28 mars 2018, la société Orange, représentée par la SCP Delvolvé-Trichet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500532 du tribunal administratif de Bordeaux du 2 mai 2017 ;

2°) de rejeter la demande de Mme G...présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

3°) de mettre à la charge de Mme G...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, les conclusions du rapporteur public ayant été mises en ligne dans un délai insuffisant avant l'audience et étant incomplètes ; en outre, le tribunal n'a pas répondu à tous les moyens exposés en défense et n'a pas mentionné tous les mémoires et pièces produits ;

- la procédure devant la commission de réforme n'a pas été irrégulière au regard de l'article 2 du décret du 4 février 2014 ; Orange a régulièrement convoqué les organisations syndicales, mais la CGT n'a pas mandaté de représentant ; le quorum était atteint, conformément à l'article 19 du décret du 14 mars 1986 et la majorité absolue des membres a assisté à la séance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2018, Mme C...G..., représentée par MeF..., conclut à la jonction avec l'instance n° 17BX03055, au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Orange la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, par la voie de l'appel incident :

1°) à ce qu'il soit enjoint à la société Orange de régulariser ses droits à maintien d'un plein traitement durant les périodes d'arrêt maladie prescrites au titre de l'affection en cause, et de saisir la commission de réforme aux fins d'évaluer la date de consolidation de sa pathologie et le taux d'incapacité éventuel en résultant ;

2°) à ce que la société Orange soit condamnée à lui verser une indemnité de 50 000 euros en réparation des préjudices subis ;

3°) à titre subsidiaire, à ce que soit désigné un expert en psychiatrie avec pour mission de déterminer si les affections déclarées le 28 septembre 2011 et le 11 septembre 2014 sont en lien avec le service ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, à ce que les faits du 28 septembre 2011 imputables au service constituent une maladie professionnelle et à ce qu'il soit fait droit sur ce nouveau fondement aux demandes présentées à titre principal.

Elle fait valoir que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la commission de réforme était irrégulièrement composée ;

- ses conditions de travail sont bien à l'origine des troubles dépressifs dont elle souffre ; avant l'apparition de cette souffrance au travail, elle n'a jamais connu de tels troubles ; cette pathologie ne peut donc être imputée à ses traits de personnalité ; les Dr B... et A...ont établi un lien avec le service, ainsi que l'expert Faivre ;

- il y a lieu de tirer toutes les conséquences de l'annulation, en régularisant rétroactivement ses droits à congés ; il doit également y avoir fixation d'une date de consolidation et d'un taux d'incapacité ;

- le refus de reconnaître l'imputabilité au service lui a causé un préjudice matériel et un stress supplémentaire ; en outre, la société Orange n'a pas exécuté le jugement du 10 décembre 2013 dans le délai imparti, ce qui a eu pour conséquence de différer la reconnaissance de ses droits ;

- à titre subsidiaire, elle demande une expertise de son état psychique ;

- à titre infiniment subsidiaire, elle demande la reconnaissance en maladie professionnelle.

Par une ordonnance en date du 29 octobre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 décembre 2018.

II.- Par une requête et un mémoire en production de pièces, enregistrés le 8 septembre 2017 et le 13 novembre 2018, sous le n° 17BX03055, Mme C...G..., représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'ordonner la jonction de cette instance avec l'instance n° 17BX02070 ou de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue du litige concernant l'imputabilité au service de l'accident du 28 septembre 2011 ;

2°) d'annuler le jugement n° 1503504 du 10 juillet 2017 du tribunal administratif de Bordeaux ;

3°) d'enjoindre à la société Orange de communiquer l'avis de la commission de réforme du 21 mai 2015 ;

4°) d'enjoindre à la société Orange de régulariser ses droits à maintien d'un plein traitement durant les périodes d'arrêt maladie prescrites au titre de l'affection en cause, et de saisir la commission de réforme aux fins d'évaluer la date de consolidation de sa pathologie et le taux d'incapacité éventuel en résultant ;

5°) à titre subsidiaire, d'ordonner la désignation d'un expert en psychiatrie avec pour mission de déterminer si les affections déclarées le 28 septembre 2011 et le 11 septembre 2014 sont en lien avec le service ;

Elle soutient que :

- l'avis de la commission de réforme, sur lequel se fonde la décision du 1er juin 2015, est irrégulier, car ledit avis se prononce sur une pathologie très antérieure, en date du 11 septembre 2011 ;

- l'avis de la commission ne lui a pas été communiqué et n'est pas retranscrit dans la décision attaquée ; faute de production de cet avis, elle ne peut vérifier que la commission a été consultée dans des conditions régulières ;

- ses droits à défense ont été méconnus, car Orange lui a refusé la communication de son dossier personnel et de ses évaluations depuis 2002, ainsi que de son dossier médical ; elle a dû saisir la CADA de ce refus ; or, malgré un avis favorable de cette instance en date du 21 mai 2015, Orange ne lui a pas communiqué lesdits documents ;

- le refus d'imputabilité qu lui a été opposé est entaché d'une erreur d'appréciation ; ce sont ses conditions de travail difficiles, et en particulier la surcharge de travail, qui sont à l'origine de sa pathologie dépressive depuis 2010 ; avant l'apparition de cette souffrance au travail, elle n'avait jamais connu de pathologie psychique ; l'absence de fait soudain n'est pas un motif opérant pour refuser la qualification de maladie professionnelle ; les Dr B...et A...ont conclu à l'existence d'un lien avec le service ;

- il y a lieu de tirer toutes les conséquences de l'annulation, en régularisant rétroactivement ses droits à congés ; il doit également y avoir fixation d'une date de consolidation et d'un taux d'incapacité ;

- à titre très subsidiaire, elle demande une expertise de son état psychique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2019, la société Orange, représentée par la SCP Delvolvé-Trichet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme G...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable, car elle ne contient aucune critique du jugement attaqué ;

- la procédure n'est entachée d'aucune irrégularité ;

- la décision du 1er juin 2015 est fondée.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le décret n° 90-1111 du 12 décembre 1990 ;

- le décret n° 96-1174 du 27 décembre 1996 ;

- le décret n° 2014-107 du 4 février 2014 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...G...a été recrutée en décembre 1973 comme agent d'exploitation du service général des postes et télécommunications, devenu France Télécom puis Orange, où elle est restée fonctionnaire et où elle exerce, depuis 2002, les fonctions de chargée d'approvisionnement sur le site d'Eysines. Le 28 septembre 2011, elle dit avoir été victime d'une " réaction aiguë à un facteur de stress " suivi d'un " épisode dépressif moyen ", qu'elle a déclaré en accident de travail. La décision du 20 août 2012 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident, prise après avis défavorable de la commission de réforme du 7 juin 2012, ayant été annulée pour irrégularité de la procédure par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 31 décembre 2013, le président directeur général d'Orange a, par une nouvelle décision en date du 27 novembre 2014, prise après avis défavorable de la commission de réforme du 6 novembre 2014, réitéré ce refus. Le 11 septembre 2014, elle dit avoir été victime d'un " épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques ", qu'elle a déclaré en accident de travail. Par une décision du 1er juin 2015, prise après avis défavorable de la commission de réforme du 21 mai 2015, le président directeur général de la société Orange a, une nouvelle fois, refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie. Par une requête, enregistrée sous le n° 17BX02070, la société Orange fait appel du jugement n° 1500532 du tribunal administratif de Bordeaux en date du 2 mai 2017, qui a annulé, pour vice de procédure, la décision de refus du 27 novembre 2014. Mme G...fait un appel incident, par lequel elle présente des conclusions en injonction, réitère ses conclusions indemnitaires à hauteur de 50 000 euros et, demande, à titre subsidiaire que soit ordonnée une expertise et, à titre infiniment subsidiaire, que sa pathologie bénéficie de la reconnaissance de maladie professionnelle. Par une requête, enregistrée sous le n° 17BX03055, Mme G...fait appel du jugement n° 1503504 en date du 10 juillet 2017, par lequel le tribunal administratif a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision de refus précitée du 1er juin 2015, ainsi que ses conclusions à fin d'expertise et en injonction. Ces deux requêtes présentant des questions identiques à juger et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu, comme le demande d'ailleurs MmeG..., de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie (...) / Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite (...) ".

3. Mme G...étant demeurée sous statut de fonctionnaire d'Etat, les dispositions précitées lui sont applicables. En revanche, elle ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, applicables aux seuls fonctionnaires territoriaux.

Sur l'instance n° 17BX02070 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement :

4. Aux termes de l'article 2 du décret du 4 février 2014 relatif à la création du comité médical national et de la commission de réforme nationale de la société anonyme Orange : " Il est institué au sein de la société anonyme Orange une commission de réforme nationale qui exerce les fonctions des commissions de réforme prévues à l'article 10 du décret du 14 mars 1986 susvisé. Cette commission est composée de : / 1° Deux représentants d'Orange, dont le président, désignés par le président du conseil d'administration d'Orange ; / 2° Deux représentants du personnel de France Télécom appartenant au même grade ou, à défaut, au même corps que l'intéressé, désignés par les représentants du personnel, titulaires et suppléants, de la commission administrative paritaire dont relève le fonctionnaire ; / 3° Les membres du comité médical prévu à l'article 5 du décret du 14 mars 1986 susvisé. ". Aux termes de l'article 26 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " (...) les commissions de réforme (...) sont obligatoirement consultées dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 34 (2°), 2° alinéa, de la loi du 11 janvier 1984 susvisée (...) ". Aux termes de l'article 19 du même décret : " La commission de réforme ne peut délibérer valablement que si la majorité absolue des membres en exercice assiste à la séance ; un praticien de médecine générale ou le spécialiste compétent pour l'affection considérée doit participer à la délibération. / Les avis sont émis à la majorité des membres présents.(...) ".

5. Il ressort des mentions du procès-verbal de la séance du 6 novembre 2014 que la commission de réforme était composée conformément aux dispositions précitées de l'article 2 du décret du 4 février 2014. La circonstance qu'un seul représentant du personnel ait été présent au lieu des deux prévus par cet article est sans incidence sur la régularité de la procédure, dès lors que le quorum prévu à l'article 19 du décret du 14 mars 1986, auquel renvoie le décret du 4 février 2014 et qui régit les points de procédure non prévus par ce dernier, était atteint et que deux médecins généralistes ont siégé. En outre, la société Orange établit avoir régulièrement convoqué les organisations syndicales. Cependant, le syndicat CGT n'a pas mandaté de représentant à cette séance. Dans ces conditions, la société Orange est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu l'irrégularité de la composition de la commission de réforme pour annuler la décision du 27 novembre 2014 et à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

6. Toutefois, il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par MmeG....

Sur la demande présentée par MmeG... :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

7. En premier lieu, la décision en litige vise l'avis de la commission de réforme, puis en cite la teneur et se l'approprie, en mentionnant que la société Orange fonde son refus sur l'absence de fait accidentel précis et avéré. Par suite, la décision de refus du 27 novembre 2014 est suffisamment motivée au regard des exigences des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979, désormais codifiés aux articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

8. En deuxième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait que la décision relative à l'imputabilité au service d'un accident soit précédée de l'établissement d'un rapport de l'autorité hiérarchique ou du préventeur du CHSCT.

9. En troisième lieu, si Mme G...fait valoir que la déclaration d'accident de service du 18 janvier 2012 était incomplète, ce moyen est inopérant à l'encontre de la décision en litige, dès lors qu'à la suite de l'annulation contentieuse de la décision de refus du 20 août 2012, une nouvelle déclaration a été effectuée le 21 juillet 2014. Si elle fait valoir que cette seconde déclaration comportait des mentions erronées en ce qu'elle indique que l'accident s'est produit à 17 h, soit en dehors de ses horaires de travail, alors qu'elle soutient qu'il s'est produit à 11 h 30, cette circonstance est sans incidence, dès lors que ni l'horaire ni les circonstances de l' " accident ", qui n'a pas eu de témoins, ne sont avérés.

10. En quatrième lieu, s'il ressort des pièces du dossier que la commission de réforme, lors de la séance du 6 novembre 2014 au cours de laquelle le cas de Mme G...a été examinée, ne comprenait aucun spécialiste, et plus précisément, s'agissant de son cas, aucun psychiatre, la présence d'un spécialiste lors d'une réunion de ladite commission n'est prescrite à peine d'irrégularité de la procédure que si cette présence est nécessaire à l'appréciation par cette instance des éléments médicaux qui lui sont soumis. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que cette instance disposait de l'ensemble des documents médicaux que Mme G...avait produits à l'appui de sa demande et du dossier médical de l'intéressé, au titre desquels figuraient notamment les rapports d'expertise de deux psychiatres, celui du Dr B...en date du 20 février 2012 et celui du Dr A...en date du 26 septembre 2012. Ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, la commission a pu s'estimer suffisamment informée, et régulièrement statuer sans s'adjoindre le concours d'un médecin spécialiste.

11. En cinquième lieu, comme cela vient d'être dit, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission de réforme ait été insuffisamment informée des circonstances de l'accident ou qu'elle ait été insuffisamment éclairée.

12. En sixième lieu, la circonstance, à la supposer établie, que la déclaration de l'accident dont a fait état MmeG..., qui en a au demeurant elle-même fait état avec retard, aurait été transmise tardivement au service des ressources humaines, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

13. En dernier lieu, MmeG..., par un courrier adressé au directeur régional d'Orange et daté du 20 janvier 2012 a exposé que " malgré que mon poste de travail ne soit pas encore aménagé, j'ai été sollicitée pour un surplus de travail dû à l'absence d'une collègue. Le mépris pour ma douleur m'a fait " péter un plomb " et j'ai décompressé chez mon médecin ". Le certificat initial d'arrêt de travail établi le 28 septembre 2011 par le Dr E..., psychiatre, mentionne une " réaction aiguë à un facteur de stress " et un " épisode dépressif moyen ". Mme G...fait valoir que la consigne qui lui a été donnée le 28 septembre 2011 d'effectuer une tâche informatique qui revenait normalement à une de ses collègues, absente, a provoqué chez elle un stress aigu, qui constitue l'accident dont elle demande la reconnaissance de l'imputabilité au service. Cependant, et alors que la tâche supplémentaire qui lui a ainsi été demandée ponctuellement, à savoir une préparation de commande, faisait partie de ses missions habituelles, il ressort des pièces du dossier et des propres déclarations de l'intéressée qu'elle a été prise en charge pour un syndrome anxio-dépressif à compter d'octobre 2010, syndrome qui s'est ainsi installé dans la durée et ne s'est pas constitué brutalement le 28 septembre 2011. En effet, comme le relève le rapport d'expertise du DrD..., qui s'il a été établi le 29 janvier 2015, se prononce sur l'imputabilité des deux accidents de service que Mme G...a déclarés, d'une part, l'accident du travail invoqué n'est absolument pas documenté dans ses circonstances et sa nature, si bien qu'il est difficile d'y voir, compte-tenu des antécédents de l'état de santé psychique de l'intéressée et de sa personnalité très émotive, un " fait accidentel ", et, d'autre part, aucun document médical n'atteste de ce qu'elle aurait, à la suite de l'incident relaté du 28 septembre 2011, subi un état de stress post-traumatique lié à la consigne de travail qu'elle incrimine. Au demeurant, si Mme G...fait valoir, en se fondant sur les expertises des DrB..., Bégarié et Faivre, que ses conditions de travail, à savoir la surcharge de travail et l'insuffisance de l'aménagement de son poste de travail au regard de la pathologie oculaire et de la tendinite chronique dont elle est affectée, sont en lien direct et certain avec ses troubles dépressifs depuis 2010, ces circonstances son inopérantes dans le cadre d'une procédure de déclaration d'accident de travail. Dans ces conditions, la consistance d'un fait accidentel survenu le 28 septembre 2011 n'étant pas avérée, en refusant de reconnaître l'imputabilité au service dudit accident, le président directeur général de la société Orange n'a commis ni erreur de droit ni erreur d'appréciation.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

14. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation de la décision du 27 novembre 2014 présentées par MmeG.... Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

15. Il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme G...n'est pas fondée à rechercher la responsabilité fautive de la société Orange à raison de l'illégalité de la décision du 27 novembre 2014. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que cette société aurait traité sa demande dans un délai anormalement long ou qu'elle aurait manqué à l'obligation de protection de la santé de son agent. Par suite, ses conclusions indemnitaires ne peuvent être accueillies.

En ce qui concerne les autres conclusions :

16. Si Mme G...demande, à titre subsidiaire, que sa pathologie psychique soit considérée comme une maladie professionnelle, ce moyen est inopérant à l'encontre de la décision du 27 novembre 2014, qui répond à une demande de reconnaissance d'imputabilité au service d'un accident, procédure distincte de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle et, en tout état de cause, relève d'un litige distinct de celui soulevé par l'appel principal.

17. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une expertise, que la société Orange est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque et le rejet de la demande présentée par MmeG....

Sur l'instance n° 17BX03055 :

18. En premier lieu, la circonstance que l'avis de la commission de réforme du 21 mai 2015 vise un accident du 11 septembre 2011, en lieu et place du 11 septembre 2014, relève de la simple erreur matérielle et est sans incidence sur la régularité dudit avis.

19. En deuxième lieu, la société Orange produit le procès-verbal de la séance du 21 mai 2015 de la commission de réforme, qui établit la régularité de la procédure suivie par cette instance. S'agissant de la teneur dudit avis, la décision en litige le vise et en reproduit la teneur.

20. En troisième lieu, l'absence alléguée de communication à l'intéressée, après avis favorable de la CADA du 21 mai 2015, de son dossier personnel depuis le 1er janvier 2002, de ses entretiens individuels depuis la même date et de son dossier médical, est sans incidence sur la légalité de la décision du 1er juin 2015 se prononçant sur l'imputabilité au service de l'accident survenu le 11 septembre 2014. Au demeurant, par son jugement n° 1503871 du 8 avril 2016, devenu définitif, le tribunal administratif de Bordeaux a refusé de faire droit aux conclusions indemnitaires formulées par Mme G...en raison du préjudice résultant du refus de la société Orange, de lui communiquer les éléments de son dossier personnel à compter de l'année 2002 malgré l'avis favorable de la CADA du 21 mai 2015, dès lors que, dans les circonstances de l'espèce, et notamment en raison de la perte de ces documents, la société Orange ne pouvait être regardée comme ayant opposé un refus abusif de les lui communiquer.

21. En dernier lieu, Mme G...soutient que " l'épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques " constaté médicalement le 11 septembre 2014 est dû au stress causé par ses conditions de travail difficiles, en particulier une surcharge de travail, et par l'absence d'aménagement de son poste de travail pour tenir compte de ses pathologies oculaires et musculo-squelettiques. Toutefois, comme cela a déjà été dit à propos de l'accident déclaré en 2011 et comme le relève le Dr D...dans son expertise en date du 29 janvier 2015, elle n'établit pas, par les documents qu'elle produit qu'un accident psychique spécifique et soudain serait survenu à cette date, alors qu'aucun évènement particulier ou déclencheur n'est documenté à la date du 11 septembre 2014, qu'aucun diagnostic d'état de stress post-traumatique n'a été validé, qu'elle présente une personnalité fortement émotive et sensitive et qu'il est constant qu'elle souffre d'une pathologie dépressive depuis 2010. Dès lors, en l'absence de toute identification d'un " fait accidentel " survenu le 11 septembre 2014, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise la direction de la société Orange en refusant de reconnaître l'imputabilité au service dudit accident doit être écarté.

22. En tout état de cause, comme cela a été dit dans l'instance n° 17BX02070, Mme G... ne peut utilement invoquer une reconnaissance de sa pathologie chronique au titre d'une maladie professionnelle, dès lors qu'il s'agit d'une procédure distincte de celle qu'elle a choisi de mener, relevant de l'accident de service.

23. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme G..., ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.

24. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la société Orange, que Mme G...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

25. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1500532 du tribunal administratif de Bordeaux en date du 2 mai 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme G...devant le tribunal administratif dans l'instance n° 1500532 et ses conclusions d'appel dans l'instance n° 17BX02070 et sa requête présentée dans l'instance n° 17BX03055 sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Orange sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...G...et à la société Orange.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2019 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 juillet 2019.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy VirinLa République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

10

N°s 17BX02070, 17BX03055


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02070,17BX03055
Date de la décision : 22/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie. Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SCP DELVOLVE-TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-07-22;17bx02070.17bx03055 ?
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