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02/07/2019 | FRANCE | N°18BX02899

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 02 juillet 2019, 18BX02899


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a prononcé sa remise aux autorités espagnoles.

Par un jugement n° 1700567 du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 juillet et 9 novembre 2018, M.A..., représenté par MeB..., de

mande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 31 mai 2018 ;...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a prononcé sa remise aux autorités espagnoles.

Par un jugement n° 1700567 du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 juillet et 9 novembre 2018, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 31 mai 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 18 novembre 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " commerçant " dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour est entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L.313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il remplit la condition du délai de trois mois pour demander une carte de séjour ; ce délai ne court qu'à compter d'une installation définitive ; or, il s'est installé en France définitivement en septembre 2014 de sorte qu'à la date de sa demande de titre de séjour, il résidait encore en Espagne ; l'article 21 de la convention d'application de l'accord Schengen lui permettait de circuler et de séjourner librement entre les deux pays ;

- il remplit également la condition de la viabilité économique de son activité de transport par route et de fret de proximité ; les éléments postérieurs à la décision attaquée doivent être pris en compte dans la mesure où ils prouvent la viabilité du projet ; la rémunération prévisible n'est pas un critère d'appréciation de la viabilité économique de l'activité ;

- il remplit la condition relative aux moyens de subsistance ; il perçoit des salaires supérieurs au SMIC ;

- enfin, il est pris en charge par la couverture maladie universelle en France ;

- la décision de remise aux autorités espagnoles est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour qui la fonde.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2018, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

M. A...a produit un bordereau de pièces complémentaires, enregistré le 6 juin 2019, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière du 26 novembre 2002 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. D...pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C...A..., ressortissant marocain, né le 1er janvier 1977, est titulaire d'une carte de séjour " longue durée-UE " délivrée par les autorités espagnoles et valable jusqu'en janvier 2019. Le 27 août 2014, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour auprès de la préfecture de la Haute-Vienne pour lui permettre de gérer un commerce. Par un arrêté du 18 novembre 2016, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et a prononcé à l'encontre du requérant sa remise aux autorités espagnoles. M. A...relève appel du jugement du 31 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2016.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-UE définie par les dispositions communautaires applicables en cette matière et accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France et sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée : (...) ; 5° Une carte de séjour temporaire portant la mention de l'activité professionnelle pour laquelle il a obtenu l'autorisation préalable requise, dans les conditions définies, selon le cas, aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 313-10. : Pour l'application du présent article, sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L.351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement (...)/ Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article. ". Aux termes de l'article L. 313-10 du même code : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / (...) 3° Pour l'exercice d'une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur. Elle porte la mention "entrepreneur / profession libérale". (...) ".

3. Il est constant que M. A...est titulaire d'un permis de résidence longue durée - CE délivré par les autorités espagnoles et qu'il a sollicité du préfet de la Haute-Vienne la délivrance d'un titre de séjour portant la mention de l'activité professionnelle mentionné au 5° des dispositions précitées de l'article L. 313-4-1 par un courrier du 27 août 2014, reçu en préfecture le lendemain. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A...s'est installé à Limoges le 31 octobre 2012, date à laquelle il a signé un bail pour un logement situé au 9 avenue du Général Leclerc, et y a établi sa résidence de novembre 2012 à septembre 2013, comme en attestent les quittances de loyer produites. Si le requérant fait valoir qu'il est retourné vivre en Espagne de septembre 2013 à septembre 2014 en produisant à l'appui de ses allégations un contrat de travail d'une durée d'un an signé le 10 septembre 2013, pour un emploi de boucher situé à Barcelone, ainsi que les bulletins de salaire correspondants pour les mois de septembre et octobre 2013, ces éléments ne suffisent pas à établir qu'il aurait résidé dans ce pays pour la période considérée dès lors, d'une part, qu'il ne produit pas les bulletins de paie liés à cet emploi pour les mois de novembre 2013 à septembre 2014, et d'autre part, qu'il a conservé durant toute cette période son logement situé à Limoges à l'adresse dont il se prévaut dans le cadre de sa demande de titre de séjour. De plus, il ressort des pièces du dossier qu'il a souscrit des abonnements auprès d'opérateurs téléphonique et internet français et qu'il s'est acquitté des prestations correspondantes de janvier à juin 2014. Les factures éditées par l'opérateur Free pour cette même période, adressées à M. A...à son domicile de Limoges, démontrent que s'il a passé des appels depuis l'étranger, il a émis majoritairement des appels depuis la France. Dans ces conditions, et quand bien même l'intéressé a pu retourner en Espagne travailler quelques mois, à supposer cette circonstance avérée, il doit être regardé comme ayant sa résidence en France depuis le mois d'octobre 2012. Dès lors, M. A...a présenté sa demande de titre de séjour au-delà du délai de trois mois imparti par les dispositions de l'article L. 313-4-1 précité. Par suite, en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit. Il n'a pas davantage commis d'erreur d'appréciation.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du même code : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / (...) 3° Pour l'exercice d'une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur. Elle porte la mention "entrepreneur / profession libérale". (...) ". Aux termes de l'article R. 313-16-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 3° de l'article L. 313-10, l'étranger qui demande la carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur/ profession libérale " doit présenter à l'appui de sa demande, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les justificatifs permettant d'évaluer, en cas de création, la viabilité économique de son projet. / En cas de participation à une activité ou une entreprise existante, il doit présenter les justificatifs permettant de s'assurer de son effectivité et d'apprécier la capacité de cette activité ou de cette société à lui procurer des ressources au moins équivalentes au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein. / Dans tous les cas, l'étranger doit justifier qu'il respecte la réglementation en vigueur dans le domaine d'activité en cause (...) ". Il résulte de ces dispositions que la délivrance d'une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle à l'étranger qui vient exercer en France une profession commerciale, industrielle ou artisanale est subordonnée, notamment, à la viabilité économique de l'activité envisagée. Lorsque l'étranger est lui-même le créateur de l'activité qu'il vient exercer, il lui appartient de présenter à l'appui de sa demande les justificatifs permettant d'évaluer la viabilité économique de son activité ou entreprise, que celle-ci soit encore au stade de projet ou déjà créée. Lorsqu'il n'est pas le créateur de l'activité qu'il entend exercer, il lui appartient de présenter les justificatifs permettant de s'assurer de son effectivité et d'apprécier la capacité de cette activité ou de cette entreprise à lui procurer des ressources au moins équivalentes au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein.

5. Comme l'ont déjà relevé à bon droit les premiers juges, l'attestation produite par le requérant, établie par son expert-comptable le 21 octobre 2016, indiquant sans précision de durée ou de période que " M. A...C...perçoit une rémunération de 1200 euros net mensuel au sein de la société Bibou Express dont il est l'unique gérant-associé ", ne permet pas d'établir, à elle seule, la viabilité économique de l'entreprise. Quant aux contrats de travail produits avec des salariés de l'entreprise, ils sont postérieurs à la décision contestée. Dans ces conditions, M. A...n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Vienne a commis une erreur de fait et une erreur d'appréciation de ses ressources et de la viabilité de son activité commerciale au regard des dispositions des articles L. 313-10 et R. 313-16-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 4. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision de refus de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Il s'ensuit que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour pour soutenir que la décision de remise aux autorités espagnoles serait privée de base légale.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2016. Par voie de conséquence, les conclusions présentées à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juillet 2019.

Le rapporteur,

Florence Rey-Gabriac

Le président,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 18BX02899


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02899
Date de la décision : 02/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : ZOUNGRANA BENOIT

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-07-02;18bx02899 ?
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