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02/07/2019 | FRANCE | N°18BX02746

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 02 juillet 2019, 18BX02746


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 25 août 2017 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1701054 du 27 avril 2018, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 juillet 2018 et un m

émoire en production de pièces enregistré le 3 mai 2019 M.B..., représenté par MeA..., demande à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 25 août 2017 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1701054 du 27 avril 2018, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 juillet 2018 et un mémoire en production de pièces enregistré le 3 mai 2019 M.B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 27 avril 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Guyane du 25 août 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées au regard des exigences des articles L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration ;

- les mêmes décisions portent une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et procèdent d'une erreur manifeste d'appréciation ; il justifie de sa présence sur le territoire national depuis le mois de mars 2015, établit qu'il réside chez son père avec l'épouse de ce dernier ainsi que ses deux frères et sa soeur, tous de nationalité française, et qu'il poursuit sa scolarité en Guyane ;

- elles méconnaissent également la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;

- il remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que, à l'exception de sa mère restée à Haïti, l'ensemble des membres de sa famille vit en Guyane ;

- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en refusant de régulariser à titre exceptionnel sa situation ; en effet, il avait la possibilité de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, eu égard à sa situation privée et familiale ;

- le préfet a entaché le refus de séjour d'une erreur de droit et d'une erreur de qualification juridique des faits ;

- la décision fixant le pays de renvoi a été prise en violation des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; un retour dans son pays d'origine aurait des conséquences dramatiques pour lui car l'ensemble de ses intérêts se trouve désormais en Guyane.

Il résulte des pièces du dossier que le préfet de la Guyane a été destinataire de la procédure mais n'a pas produit d'observations en défense.

M. B...a produit des mémoires en communication de pièces, enregistrés les 30 octobre et 8 novembre 2018, qui n'ont pas été communiqués.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. D...pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac, premier-conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C...B..., de nationalité haïtienne, né le 5 septembre 1999, déclare être entré en France (Guyane) le 18 mars 2015. Il a sollicité une régularisation de son séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 25 août 2017, le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B...relève appel du jugement du 27 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". L'article L. 211-5 du même code dispose : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. La décision portant refus de séjour vise les textes sur lesquels elle se fonde. Elle énonce également des éléments relatifs à la vie personnelle et familiale de M.B..., en particulier la date de son entrée en France, les conditions de son séjour, la circonstance qu'il est célibataire, sans enfant, conserve des attaches familiales dans son pays d'origine et ne justifie d'aucune considération humanitaire ni d'aucun motif exceptionnel permettant une admission exceptionnelle et la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " au sens des dispositions de l'article L. 313-14 de ce code. Le préfet conclut que la décision en litige ne contrevient pas aux dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, le préfet de la Guyane, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation du requérant, a suffisamment motivé sa décision, en droit comme en fait, au regard des exigences des articles L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration. Par ailleurs, aux termes des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour lorsque, notamment, un refus de délivrance d'un titre de séjour a été opposé à l'étranger. La décision de refus de titre de séjour comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et vise les dispositions du I de l'article L. 511-1 du même code, qui permettent d'assortir le refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français. Ainsi, la mesure d'éloignement est également suffisamment motivée.

4. En deuxième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

5. M. B...soutient que le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouve désormais en Guyane où il réside depuis l'année 2015 avec son père, sa belle-mère ainsi que ses frères de nationalité française et poursuit ses études. Toutefois, s'il séjournait depuis près de deux ans et demi sur le territoire français à la date de l'arrêté attaqué, il a vécu en Haïti durant quinze ans et demi avec sa mère. Il ne démontre d'ailleurs pas être dépourvu d'autres attaches privées ou familiales dans ce pays où il a suivi la majeure partie de sa scolarité. En outre, il n'établit pas avoir noué des liens d'une particulière intensité en France en dehors de sa cellule familiale. Dans ces conditions, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le refus de titre de séjour et la mesure d'éloignement contestés n'ont méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Guyane n'a pas davantage entaché ces décisions d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M.B....

6. En troisième lieu, les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne constituent pas des lignes directrices dont le requérant peut utilement se prévaloir devant les juges.

7. En quatrième lieu, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ".

8. D'une part, le préfet, qui a rejeté la demande de titre de séjour formée sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code précité, a également mentionné dans l'arrêté litigieux que M. B...n'entrait " dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " et ne justifiait d'aucune considération humanitaire ni d'aucun motif exceptionnel de nature à permettre son admission exceptionnelle au séjour au titre de l'article L. 313-14 du même code. D'autre part, en se prévalant des éléments exposés au point 5, le requérant ne fait pas état d'éléments permettant d'estimer que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ni à des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées. Le préfet doit ainsi être regardé comme ayant usé de la faculté dont il dispose de régulariser la situation d'un étranger sur un fondement distinct de celui invoqué par celui-ci.

9. En cinquième lieu, les moyens tiré d'une erreur de droit et d'une erreur de qualification juridique des faits dont serait entaché l'arrêté en litige ne sont pas assortis de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

10. En sixième lieu, pour les mêmes motifs que ceux développés au point 5 ci-dessus, la décision fixant le pays de renvoi n'a méconnu ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral attaqué.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions combinées du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par M. B...au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au ministre des Outre-mer et au préfet de la Guyane.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

M. Paul-André Braud, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 juillet 2019.

Le rapporteur,

Florence Rey-Gabriac Le président,

Marianne POUGET Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

18BX02746


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02746
Date de la décision : 02/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : BALIMA CHRIST ERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-07-02;18bx02746 ?
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