Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association syndicale autorisée (ASA) du plan d'eau du Thouet et le syndicat intercommunal de relèvement du plan d'eau du Thouet ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 2 mars 2015 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a mis en demeure l'association syndicale autorisée du plan d'eau du Thouet de régulariser la situation administrative de six barrages situés sur les communes de Missé et Taizé.
Par un jugement n° 1501089 du 5 juillet 2017, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du préfet des Deux-Sèvres du 2 mars 2015.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 5 juillet 2017 ;
2°) de rejeter la requête de l'ASA du plan d'eau du Thouet.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; il n'a pas précisé les raisons qui l'ont conduit à écarter la règle de caducité prévue dans l'arrêté à l'autorisation d'exploiter les barrages alors que ce moyen était invoqué dans le mémoire en défense du préfet des Deux-Sèvres du 11 décembre 2015 et dans sa note en délibéré du 23 juin 2017 ;
- en considérant que l'ASA n'était pas tenue de procéder à une demande de renouvellement de son autorisation, les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ; l'arrêté du 20 décembre 1955 a pour objet, d'une part, d'autoriser la construction des barrages et, d'autre part, de réglementer le fonctionnement des retenues d'eau ; son article 18 prévoit la caducité de cette autorisation non seulement en tant qu'elle concerne la phase de réalisation des travaux de construction des barrages mais également en tant qu'elle réglemente la phase d'exploitation des ouvrages et ainsi en tant qu'elle porte règlement d'eau ;
- en rendant nécessaire le dépôt d'un dossier de demande de renouvellement de l'autorisation, la législation limitant la durée de validité de celle-ci permet aux services compétents de l'Etat de procéder au réexamen de l'impact des ouvrages sur la ressource en eau et le milieu aquatique afin que soient, le cas échéant, modifiées les prescriptions destinées à garantir le respect de ces milieux ;
- l'autorisation initiale étant devenue caduque, les ouvrages se trouvaient en situation irrégulière ; le préfet des Deux-Sèvres, qui était d'ailleurs en situation de compétence liée, a légalement, conformément à l'article L. 171-17 du code de l'environnement, mis en demeure l'ASA du plan d'eau du Thouet de régulariser la situation administrative des six barrages en déposant un dossier de demande d'autorisation ou en procédant à la remise en état des sites concernés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2017, l'association syndicale autorisée du plan d'eau du Thouet et le syndicat intercommunal de relèvement du plan d'eau du Thouet conclut au rejet de la requête et à ce que l'Etat soit condamné à verser à chacun des intimés la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 12 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 22 janvier 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- la loi du 21 juin 1865 relative aux associations syndicales ;
- la loi du 8 avril 1898 sur le régime des eaux ;
- le décret du 1er août 1905 portant règlement d'administration publique pour l'exécution de l'article 12 de la loi du 8 avril 1898
- la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Madelaigue ;
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 2 mars 2015, le préfet des Deux-Sèvres a mis en demeure l'association syndicale autorisée (ASA) du plan d'eau du Thouet, propriétaire des six barrages de Ligaine, Auboué, Bourdet, Maranzais, Vionnais et Missé, situés sur les communes de Missé et Taizé, de régulariser sa situation administrative dans un délai de six mois en déposant auprès des services compétents, soit un projet de remise en état des six sites, soit un dossier d'autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement. Le ministre de la transition écologique et solidaire relève appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers qui, à la demande de l'ASA du plan d'eau du Thouet et du syndicat intercommunal du relèvement du plan d'eau du Thouet, a annulé l'arrêté du préfet des Deux-Sèvres du 2 mars 2015.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article L. 214-3 du code de l'environnement : " I.- Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles (...) ". Aux termes du II de l'article L. 214-6 de ce code : " Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d'une législation ou réglementation relative à l'eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre ".
3. Il résulte de l'instruction que le syndicat des communes de Missé, Maulais et Taizé a été autorisé à construire sept barrages sur la rivière le Thouet, par un arrêté du 10 septembre 1951, modifié en dernier lieu par un arrêté du 29 décembre 1955 pris par le préfet des Deux-Sèvres sur le fondement de la loi du 8 avril 1898 et du décret du 1er août 1905 pris pour son application.
4. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 29 décembre 1955 : " sont soumis aux conditions du présent règlement l'usage des 7 barrages que le syndicat... est autorisé à construire sur la rivière pour le relèvement de son plan d'eau au droit des parcelles qu'il énumère pour chacun des barrages. ". L'article 2 prévoit la taille et la position de chaque barrage sur la rivière. L'article 3 prévoit le niveau légal de la retenue de chaque barrage. L'article 4 autorise les sept barrages à poutrelles et non plus en béton, implantés perpendiculairement au cours d'eau. Les articles 6 à 17 sont relatifs aux obligations du permissionnaire notamment en période d'étiage et sont pris pour réguler l'usage de l'eau. L'article 18 de cet arrêté précise : " la présente autorisation est accordée pour une période de 30 ans, soit jusqu'au 1er janvier 1985. Passé ce délai une demande de renouvellement devra, s'il y a lieu, être présentée par le permissionnaire ".
5. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions de l'arrêté du 29 décembre 1955, et en particulier de celles des articles 1er qui autorise à la fois la construction et le maintien d'obstacles au libre écoulement des eaux et 6 à 18 pris pour réguler l'usage de l'eau du permissionnaire, que l'Etat a entendu concéder à l'ASA du plan d'eau du Thouet la construction des ouvrages destinés au relèvement du plan d'eau du Thouet et réglementer le fonctionnement des retenues d'eau, pour une durée de trente ans à l'issue de laquelle une demande de renouvellement de l'autorisation pouvait le cas échéant être présentée. Par suite, et en tout état de cause, l'ASA du plan d'eau du Thouet n'était pas, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, réputée détenir une autorisation au titre du II de l'article L. 214-6 du code de l'environnement.
6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers s'est fondé pour annuler l'arrêté préfectoral sur ce que le droit d'antériorité de l'ASA du plan d'eau du Thouet faisait obstacle à ce que le préfet des Deux-Sèvres mette en demeure l'association syndicale autorisée du plan d'eau du Thouet, propriétaire des six barrages, de régulariser sa situation administrative.
7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'ASA du plan d'eau du Thouet devant le tribunal administratif de Poitiers et devant la Cour.
Sur le bien-fondé de l'arrêté :
8. En premier lieu, l'arrêté contesté du 2 mars 2015 comporte les considérations de droit et de fait qui le fondent. Il vise, en particulier, les dispositions applicables du code de l'environnement, et notamment ses articles L. 171-7, L. 211-1, et L. 214-3. Sont également visées, les observations de l'ASA du plan d'eau de Thouet formulées à la suite de la transmission par le préfet du rapport de manquement administratif en date du 20 janvier 2015. Par ailleurs, l'arrêté contesté retient que l'autorisation en date du 10 septembre 1951 concernant les six barrages de Ligaine, Auboué, Bourdet, Maranzais, Vionnais et Missé a été accordée pour une période de trente ans soit jusqu'au 1er janvier 1982 et que passé ce délai, une demande de renouvellement aurait dû être présentée par le permissionnaire. L'arrêté énonce les considérations de fait ayant conduit à regarder l'ASA du plan d'eau du Thouet comme ne bénéficiant pas des autorisations administratives nécessaires pour ces barrages. Enfin, l'arrêté contesté indique que les ouvrages relèvent de la rubrique 3.1.1.0 visées dans la nomenclature prévue à l'article R. 214-1 du code de l'environnement. Par suite, et en tout état de cause, l'ASA du plan d'eau du Thouet n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 2 mars 2015 du préfet des Deux-Sèvres serait insuffisamment motivé.
9. En deuxième lieu, les erreurs dont seraient entachés certains de ses visas sont sans influence sur la légalité de l'arrêté contesté. A supposer que l'arrêté préfectoral du 10 septembre 1951 ait été rapporté du fait de la modification relative au matériau de composition des barrages apporté par l'arrêté du 29 décembre 1955, la construction des barrages a bien été autorisée par l'arrêté préfectoral du 10 septembre 1951.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 214-1 du code l'environnement dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sont soumis aux dispositions des articles L. 214-2 à L. 214-6 les installations ne figurant pas à la nomenclature des installations classées, les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux, la destruction de frayères, de zones de croissance ou d'alimentation de la faune piscicole ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants ". Aux termes de l'article L. 214-2 du même code : " Les installations, ouvrages, travaux et activités visés à l'article L. 214-1 sont définis dans une nomenclature, établie par décret en Conseil d'Etat après avis du Comité national de l'eau, et soumis à autorisation ou à déclaration suivant les dangers qu'ils présentent et la gravité de leurs effets sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques compte tenu notamment de l'existence des zones et périmètres institués pour la protection de l'eau et des milieux aquatiques (...)". Aux termes de l'article L. 214-3 dudit code sont soumis à autorisation de l'autorité administrative : " les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. ", l'arrêté d'autorisation fixant alors les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1, les moyens de surveillance, les modalités des contrôles techniques et les moyens d'intervention en cas d'incident ou d'accident. Selon le même article L. 214-3, sont soumis à déclaration " les installations, ouvrages, travaux et activités qui, n'étant pas susceptibles de présenter de tels dangers, doivent néanmoins respecter les prescriptions édictées en application des articles L. 211-2 et L. 211-3. ". L'article R. 214-1 de ce code définit la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-6.
11. Il résulte de l'instruction et notamment des dispositions de l'arrêté du 29 décembre 1955 cité au point 4 que l'Etat a entendu concéder une autorisation d'exploiter des ouvrages destinés au relèvement du plan d'eau du Thouet. L'implantation des barrages conçus en vue d'augmenter le volume d'eau stocké provisoirement en amont de ces ouvrages afin de permettre l'irrigation des parcelles adjacentes constituent en eux-mêmes un obstacle au libre écoulement des crues au sens de la rubrique 3.1.1.0. de la nomenclature de l'article R. 214-1 précité du code de l'environnement. Ainsi, ils relèvent bien de la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 du code de l'environnement.
12. Il résulte de ce qui précède que l'ASA était tenue de procéder à une demande de renouvellement de son autorisation devenue caduque ainsi qu'il a été dit au point 5.
13. L'ASA du plan d'eau de Thouet ne peut utilement soutenir que le préfet n'aurait pas pu se fonder sur la circonstance que les six barrages sont concernés par la liste jointe en annexe à l'arrêté du 10 juillet 2012 portant sur la liste des cours d'eau classés au titre de l'article L. 214-17 du code de l'environnement pour prendre la mise en demeure en litige qui, simplement évoquée dans le mémoire en défense de l'administration, ne constitue pas le fondement de l'arrêté attaqué.
14. Par suite, le préfet des Deux-Sèvres pouvait légalement en vertu de l'article L. 171-7 du code de l'environnement mettre en demeure l'ASA du plan d'eau de Thouet de procéder à la régularisation de sa situation administrative et de déposer une demande d'autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement.
15. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la transition écologique et solidaire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté préfectoral du 2 mars 2015.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par l'ASA du plan d'eau du Thouet et du syndicat intercommunal du relèvement du plan d'eau du Thouet au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 5 juillet 2017 est annulé.
Article 2 : La demande de l'association syndicale autorisée du plan d'eau du Thouet et du syndicat intercommunal du relèvement du plan d'eau du Thouet tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 2 mars 2015 et leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et solidaire, à l'association syndicale autorisée du plan d'eau du Thouet et au syndicat intercommunal du relèvement du plan d'eau du Thouet.
Copie en sera adressée au préfet des Deux-Sèvres.
Délibéré après l'audience du 11 juin 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 28 juin 2019.
Le rapporteur,
Florence MadelaigueLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX03024