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28/06/2019 | FRANCE | N°17BX02781

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 28 juin 2019, 17BX02781


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Estimant avoir fait l'objet à compter du mois de juin 2012, d'agissements fautifs de la commune, M. E... a demandé devant le tribunal administratif de Pau la condamnation de la commune de Vielle-Saint-Girons à lui verser la somme de 108 143 euros en réparation des préjudices subis, ainsi qu'il soit enjoint à la commune, sous astreinte, de le réintégrer dans des fonctions de technicien principal de 2nde classe.

Par un jugement n° 1600932 du 14 juin 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté la

requête de M. E....

Procédure devant la cour :

Par une requête du 12 août 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Estimant avoir fait l'objet à compter du mois de juin 2012, d'agissements fautifs de la commune, M. E... a demandé devant le tribunal administratif de Pau la condamnation de la commune de Vielle-Saint-Girons à lui verser la somme de 108 143 euros en réparation des préjudices subis, ainsi qu'il soit enjoint à la commune, sous astreinte, de le réintégrer dans des fonctions de technicien principal de 2nde classe.

Par un jugement n° 1600932 du 14 juin 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté la requête de M. E....

Procédure devant la cour :

Par une requête du 12 août 2017, M. A... E... et un mémoire en réplique du 16 mai 2019, M. E... représenté par Me H... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 14 juin 2017;

2°) de condamner la commune de Vielle-Saint-Girons à lui verser la somme de 124 128 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subi du fait des fautes commises dans la gestion de sa carrière, ainsi qu'au titre du harcèlement moral.

3°) d'enjoindre au maire de Vielle-Saint-Girons de le réintégrer dans ses fonctions, si besoin en créant un nouvel emploi de technicien principal de 2ème classe, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) et de mettre à la charge de la commune une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le principe du contradictoire n'a pas été respecté, dans la mesure où une ordonnance de clôture d'instruction au 24 avril 2017 est intervenue le 20 février 2017 ; la commune a produit un mémoire en défense le 24 avril 2017, qui lui a été communiqué le même jour ; si le tribunal l'a invité à produire un mémoire en réplique, la date de la clôture d'instruction n'a pas été repoussée et dès lors faute de réouverture de l'instruction, le principe du contradictoire n'a pas été respecté d'autant que le tribunal a repris à son compte les arguments erronés de la commune dans son mémoire en défense comme celui relatif au rang de classement dans le tableau d'avancement au grade de technicien territorial alors que le classement était alphabétique ;

- par ailleurs, toujours au titre de la régularité du jugement, les premiers juges n'ont pas visé ni examiné le mémoire transmis par M. E... le 26 mai 2017, ce qui est contraire à l'article R. 741-2 du code de justice et entache le jugement d'irrégularité ; ce mémoire apportait des éléments nouveaux dès lors qu'il invoquait une nouvelle faute commise par la commune, du fait de promesses non tenues ; le tribunal a entaché son jugement d'une omission à statuer dès lors qu'il n'a pas statué sur ce moyen ; le jugement est entaché d'une autre irrégularité, tenant à ce que contrairement à ce qu'impose l'article R. 741-2 du code de justice administrative, lors de l'audience à laquelle M. E... était présent, M. B... représentant la commune n'a pas, ainsi qu'en a attesté une personne présente à l'audience, prononcé d'observation contrairement à ce qu'indique le jugement en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- le jugement est également irrégulier dès lors qu'il est entaché d'une erreur de fait en évoquant l'existence d'un blâme alors que cette décision découverte dans la procédure engagée contre la commune, ne lui a jamais été notifiée ; il n'a pas non plus reçu le courrier du 1er février 2013 ouvrant la possibilité de présenter des observations jusqu'au 28 février suivant, le blâme étant intervenu avant l'expiration de ce délai ; les reproches qui lui sont adressés sont injustifiés, dans la mesure où il n'a jamais abandonné son poste, y compris lorsqu'il a subi un harcèlement moral ;

- le jugement est également entaché d'irrégularité, dès lors qu'il indique à tort en réponse à son moyen tiré du refus de le nommer au grade de technicien territorial que son rang de classement dans le tableau d'avancement au grade de technicien territorial ne permettait pas cette nomination, alors que le classement était alphabétique ;

- en ce qui concerne la responsabilité de la commune à raison du blocage de sa carrière, du fait de son absence de promotion au grade de technicien territorial, en dépit des promesses qui lui avaient été faites, le tribunal administratif n'a pas tenu compte du fait que dès lors que le processus d'avancement est lancé, l'autorité territoriale doit prononcer cet avancement parmi les fonctionnaires inscrits sur le tableau d'avancement ;

- par ailleurs, les premiers juges n'ont pas tenu compte du fait qu'un fonctionnaire doit bénéficier d'une affectation, sous peine d'engager la responsabilité de la personne publique ; en l'espèce, il n'est pas contesté qu'il était responsable des services techniques, poste qui n'est ouvert qu'aux agents de la catégorie B ; c'est le maire qui a fait les démarches auprès du centre de gestion des Landes, pour qu'il soit inscrit par la CAP sur la liste d'aptitude pour l'accès au cadre d'emplois des techniciens territoriaux, par la voie de la promotion interne ; la CAP compétente pour les fonctionnaires de catégorie B l'a inscrit sur la liste d'aptitude à compter du 1er juillet 2012 ; cette liste de quatre noms est alphabétique et non hiérarchique et concerne des agents exerçant dans différentes collectivités ; il a demandé à plusieurs reprises, les 7 juillet, 7 septembre, 28 septembre, et le 20 octobre 2012 au maire de Vielle-Saint-Girons sa nomination au grade de technicien territorial, mais n'a jamais obtenu de réponse ;

- si par délibération du 14 août 2014, le conseil municipal a refusé la création d'un poste de technicien territorial, en se fondant sur le " transfert croissant des compétences communales à l'intercommunalité ", aucun débat ne s'est instauré à cet égard, et en réalité cette délibération constitue une mesure ad hominem ne répondant pas à l'intérêt du service ; en réalité son poste n'avait pas été supprimé et pouvait être occupé par un technicien ; le fait pour le maire de ne pas citer nommément les agents communaux concernés par les délibérations du conseil municipal illustre la mauvaise foi de l'exécutif dans la mesure où les comptes-rendus des conseils municipaux mentionnent systématiquement le nom des agents concernés par une promotion ; le maire s'est soustrait au vote lorsqu'il s'est agi de proposer son avancement alors que c'est lui-même qui a saisi le centre de gestion en vue de cette nomination ; la commune a donc commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité ;

- la CAP n'a pas été consultée préalablement à la réduction drastique de ses attributions ; il a en effet été subitement déchargé de certaines responsabilités en mai 2014, ce qui a contribué à la dégradation de son état de santé ; il était responsable des services techniques et devait nécessairement participer à une série de réunions techniques ou de coordination ; or, du jour au lendemain, la directrice des services techniques lui a demandé de ne plus s'y rendre ; l'éviction notamment de la réunion relative à l'entretien et à la protection du littoral est édifiante dès lors qu'il est le seul agent de la commune certifié concernant le plan de lutte contre les pollutions marines (POLMAR) ;

- la directrice générale des services a remis en cause le paiement de factures déjà visées ou des prestations à postériori ce qui a eu pour effet de remettre en cause sa probité alors qu'il avait noué des relations de confiance avec les différents partenaires de la commune ;

- il lui est par ailleurs reproché d'avoir reçu un agent placé sous sa responsabilité et s'est inquiété de savoir si le véhicule qu'il utilisait pour ses déplacements professionnels était ou non assuré ;

- la commune qui ne s'est jamais pas souciée du respect de la législation sur les horaires de travail lui a reproché de faire trop d'heures de travail, tout en lui reprochant également le fait de ne pas avoir fini son travail ;

- des instructions peu claires, accompagnées de réprimandes lui ont été formulées sur des post-it, concernant des opérations habituelles n'ayant jamais soulevé de difficultés ;

- il s'est vu retirer ses fonctions de responsable du service technique d'une manière humiliante, le 27 mai 2014, lors d'une réunion dans la salle du conseil municipal, sous la présidence du maire, et en présence de deux adjoints, d'un conseiller municipal et de 19 des 20 agents de la commune ; il lui a été ordonné par un des adjoints de rendre son téléphone portable professionnel, son chargeur, de remettre les clés, et il lui a été interdit " au nom de la loi ", l'accès aux ateliers communaux ; il a été déchargé de toute responsabilité, alors qu'il exerçait précédemment des attributions relevant des fonctions de technicien ; ce changement d'affectation devait être soumis à la CAP ;

- alors que le conseil municipal s'est prononcé le 12 mars 2010 sur les formations des agents des services techniques, il lui a été refusé des formations sans argument précis à cet égard ; la responsabilité de la commune doit être engagée à cet égard ;

- la commune a commis une faute en n'organisant pas un entretien individuel de notation depuis 2009, contrairement à ce qu'impose l'article 17 de la loi du 13 juillet 1983 ; c'est à tort que le tribunal a considéré sur le fondement du décret du 14 mars 1986 que la notation n'était pas prévue pour les agents appartenant au cadre d'emploi des agents de maîtrise territoriaux ; la commune a donc commis une faute du fait de l'absence de notation au titre des années 2009 à 2014 ;

- les mesures de retrait de ses fonctions dont il a été victime, ont constitué une sanction disciplinaire déguisée ;

- il a été victime de harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ; si la jurisprudence Montaut considère que le comportement de l'agent peut être pris en compte, cet arrêt estime qu'une fois les faits de harcèlement moral établis, l'administration ne peut pas invoquer le comportement de l'agent pour s'exonérer même partiellement, de sa responsabilité ; la commune a commis des fautes notamment en le convoquant devant le conseil municipal et l'ensemble des agents de la commune le 27 mai 2014 ; un de ses collègues, M. G... a témoigné du malaise qu'il a ressenti lors de cette réunion, notamment lorsque le maire a violé l'intimité d'un courrier que M. E... lui avait adressé et qui concernait un litige personnel ; le seul agent qui a émis des reproches à l'encontre de M. E... est M. F..., dont l'évaluation avait été critique du fait de l'accident fautif commis par M. F... avec un véhicule de service ; c'est publiquement que le 4ème adjoint qui n'était pas chargé des services techniques a prononcé le retrait de ses fonctions de responsable du service technique ; le fait d'être pris à partie devant ses collègues et subordonnés pour se voir reprocher une série de griefs a constitué une humiliante flagrantes, qui a précédé ses problèmes de santé ; les premiers juges auraient dû prendre en compte sa difficulté à obtenir des témoignages, alors que certains collègues qui ont osé s'exprimer lors de cette réunion se sont trouvés dans une situation délicate voire ont été remerciés ; il a néanmoins reçu des attestations de soutien de la part de trois de ses collègues ; il lui était par ailleurs attribué des missions au contenu incompréhensible ou à réaliser dans des délais intenables ; il a fait l'objet d'une mise au placard progressive ainsi qu'une réduction de ses responsabilités, un blocage de sa carrière du fait d'une absence de promotion au grade de technicien territorial, ses droits à congés ont été bafoués, il a fait l'objet d'une surveillance tatillonne, il n'a pas bénéficié d'évaluations ; il a été victime de dénigrement, d'une dénonciation calomnieuse pour de prétendus manquements professionnels, d'une mise en cause par la collectivité de sa probité, devant des partenaires de la commune, d'une absence de prise en compte de son état de santé ; c'est la multiplication de décisions défavorables et humiliantes qui ont entrainé la dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé ;

- en ce qui concerne les préjudices subis, il a subi un préjudice financier du fait de son absence de promotion au grade de technicien territorial principal de 2ème classe dès le 1er janvier 2010 ; il est fondé à demander à ce titre la somme de 23 040 euros ou à défaut la somme de 6 589 euros du fait de l'absence de promotion au grade de technicien à compter du 1er juillet 2012 ; il a également perdu des primes pour un montant s'élevant à la somme de 6 000 euros ; de même à la suite de son placement en congé de longue maladie, il a perdu sa bonification indiciaire, pour un montant s'élevant à la somme de 1 597,31 euros, une partie de son indemnité d'exercice des missions en préfecture (IEMP) soit une perte pour 2015 de 5 004 euros et pour 2016 de 2 502 euros ; à compter de janvier 2017, du fait de la diminution de son IAT et de son IEMP, il a subi une perte de 5985 euros supplémentaires ; le préjudice financier résultant du défaut d'avancement régulier s'est donc élevé à la somme de 44 128 euros ;

- en ce qui concerne le préjudice résultant des troubles dans les conditions d'existence et le préjudice moral, ces préjudices alors qu'il est toujours en arrêt de travail pour une période indéterminée pour des fautes imputables à la commune, et qu'il est passé depuis juin 2017, à demi-traitement, doivent être évalués à la somme de 80 000 euros ;

- il est donc fondé à demander la condamnation de la commune à lui payer la somme totale de 124 128 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 avril 2019, la commune de Vielle-Saint-Girons représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête de M. E... et à ce que soit mise à sa charge la somme de 2 000 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le mémoire en défense de la commune produit après la clôture d'instruction et communiqué à M. E... le 24 avril 2017, a eu pour effet de rouvrir l'instruction, M. E... ayant disposé d'un délai suffisant jusqu'à l'audience du 31 mai 2017 pour présenter des observations ; ce délai lui a permis de présenter un mémoire produit le 26 mai 2017, seule la commune étant en droit de se plaindre de la circonstance que ce mémoire ne lui a pas été communiqué ; la circonstance que la juridiction n'ait pas visé ni analysé ce mémoire du 26 mai 2017, est sans incidence sur la régularité du jugement dès lors qu'il ne soulève pas de moyen nouveau, le moyen figurant dans ce mémoire relatif à la promesse non tenue de la collectivité figurant déjà dans la requête de M. E... ;

- contrairement à ce que soutient le requérant, les premiers juges ont bien statué sur la question de l'engagement de la responsabilité de la collectivité au titre de promesses non tenues ;

- par ailleurs, si M. E... prétend que le représentant de la commune ayant assisté à l'audience n'aurait pas présenté d'observations, il n'indique pas en quoi cette circonstance lui serait préjudiciable, alors que la jurisprudence du Conseil d'Etat considère que les mentions des jugements font foi jusqu'à preuve contraire ;

- en ce qui concerne le bien-fondé du jugement, tout d'abord, M. E... s'est toujours vu confier des attributions correspondant à son statut d'agent de maitrise principal, sous la supervision de ses responsables hiérarchiques et successivement de trois adjoints au maire qui ont supervisé les services techniques ; M. E... se méprend, lorsqu'il affirme être " compétent pour tous les sujets de domaine technique " et démontre son incapacité à accepter sa qualité de subordonné vis-à-vis du maire ; M. E... a pris des initiatives allant au-delà de son cadre statutaire amenant sa hiérarchie à lui indiquer qu'il n'avait pas à intervenir hors de leur contrôle ; durant l'été 2012, sa manière de servir s'est dégradée et il a mis en cause sa hiérarchie, en n'exécutant pas les ordres de ses supérieurs ; il en a été ainsi concernant l'insuffisance de traitement de l'infection par des puces de la " maison pour tous ", a commandé des panneaux d'exposition inadaptés pour répondre aux besoins, ne répond pas aux demandes d'intervention, a actualisé sans fondement, un marché public, qui était arrivé à son terme, a été à l'origine d'un incident à l'occasion de travaux réalisés dans un EPHAD, s'est ingéré dans des tâches qui ne lui étaient pas dévolues, et a multiplié les absences injustifiées ;

- par un courrier électronique du 17 juillet 2012, la secrétaire générale a relevé qu'il n'avait pas respecté le calendrier qu'il avait lui-même établi, dès lors qu'il n'était pas à son travail le 7 juillet 2012 ; M. E... s'est absenté de son travail pendant plusieurs jours sans y être autorisé dès lors que sa demande de congé n'avait pas été acceptée ; en passant outre à l'interdiction qui lui avait été signifiée, M. E... a commis une faute qui a entrainé l'infliction d'un blâme par arrêté du 21 février 2013 ;

- l'intéressé a fait preuve d'une attitude constante de défiance à l'égard de sa hiérarchie et d'agressivité à l'encontre des agents comme en témoignent différents écrits adressés à la secrétaire générale ou à d'autres agents, ainsi qu'à l'encontre des élus et notamment du maire ; ces écrits mettent en lumière sa propension à dénigrer systématiquement le comportement et les capacités professionnelles d'autres agents dans des termes souvent humiliants ;

- en ce qui concerne le blâme, M. E... en a eu connaissance au plus tard le 11 mai 2015 dès lors qu'il indique dans son courrier du 11 mai 2015, que le maire lui a " notifié un blâme " ; il se trouvait donc en mesure de contester cette décision ;

- pour ce qui est de son classement sur la liste d'aptitude, il était classé en quatrième position et n'a jamais discuté les mérites comparés de sa candidature et de ceux des autres agents inscrits sur ce tableau alors qu'en tout état de cause l'inscription au tableau d'avancement d'un fonctionnaire n'emporte pas un droit pour les intéressés à être nommés dans un grade supérieur notamment lorsque la collectivité n'entend pas créer un emploi correspondant à ce grade ; la commune était donc en droit de ne pas créer un emploi ; s'il soutient qu'il aurait eu droit à ce poste du fait de l'engagement qu'aurait pris le maire à cet égard, l'autorité administrative ne peut prendre un tel engagement, et il n'explique en tout état de cause pas le lien de causalité entre ce prétendu engagement et le préjudice invoqué ; il ne peut être soutenu par le requérant au motif que le maire aurait proposé son nom à la commission, qu'il lui aurait promis cet avancement ;

- en ce qui concerne le grief de M. E..., tenant à l'existence d'une sanction disciplinaire déguisée, le requérant ne démontre pas que les tâches confiées ne seraient pas conformes à son statut et/ou porteraient atteinte à ses droits ; pour ce qui est des différentes réunions dont il prétend avoir été évincé, elles relevaient des attributions d'autres agents ou élus ;

- pour ce qui est de la prétendue réduction injustifiée de responsabilités, le requérant confond concernant les congés des agents ou les prêts de véhicules, les avis qu'il pouvait émettre à cet égard et la délivrance des autorisations, qui n'étaient pas de sa compétence ; faute de réduction de ses responsabilités, la commission administrative paritaire n'avait été à être consultée ;

- en ce qui concerne le droit à la formation, le requérant ne justifie pas du dépôt d'une demande de formation, la pièce 26 de sa requête n'étant qu'une feuille manuscrite dont il n'est pas démontré qu'elle aurait été portée à la connaissance de la commune ;

- pour ce qui est de la notation, ainsi que l'a considéré le tribunal administratif, aucune illégalité fautive ne résulte de l'absence de notation de M. E... depuis 2009 ;

- M. E... n'a pas subi de diminution de sa rémunération, dès lors qu'il a bénéficié à deux reprises d'un avancement d'échelon à l'ancienneté minimale et que sa bonification indiciaire a été suspendue pendant son congé de longue durée, ainsi que le prévoient les textes applicables ; par ailleurs il perçoit le régime indemnitaire afférent à son cadre d'emploi ;

- en ce qui concerne son état de santé, les congés accordés à M. E... l'ont été sur la base des avis de la commission de réforme et du comité médical départemental ;

- pour ce qui est du prétendu harcèlement moral invoqué, il ne démontre pas en être victime dès lors qu'il ne démontre pas que ses affections n'auraient pas été conformes à son statut ni en quoi elles auraient été choisies dans l'intention de lui nuire, ni en quoi elles porteraient atteintes à ses droits et à sa dignité, à altérer sa santé physique ou mentale ou à compromettre son avenir professionnel ; la dégradation des conditions de travail de M. E... ne résulte que de son comportement, caractérisé par une agressivité chronique, des erreurs renouvelées et des insubordinations répétées ; les directives et observations adressées à M. E... par ses supérieurs hiérarchiques n'ont pas excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ;

- l'allégation d'une humiliation subie au cours d'une réunion du 27 mai 2014 n'est pas établie, la preuve de la matérialité des faits n'étant pas rapportée par les attestations produites d'anciens collègues ;

- la pathologie dont souffre M. E... n'est pas en lien avec le service, la commission de réforme ayant émis à cet égard un avis défavorable.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;

- le décret n° 88-547 du 6 mai 1988 portant statut particulier du cadre d'emplois des agents de maîtrise territoriaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... I...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de Me H..., représentant M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... E... a été titularisé en avril 1985 dans des fonctions d'agent d'entretien qu'il exerçait en qualité d'agent auxiliaire, à l'office public d'habitations à loyers modérés de la Haute-Vienne. Il a ensuite accédé aux grades d'agent technique territorial puis d'agent technique territorial qualifié, avant d'accéder, le 1er juin 2006, au grade d'agent de maîtrise territorial principal. M. E... a été recruté en cette qualité, à compter du 1er janvier 2009, par la commune de Vielle-Saint-Girons, pour exercer des fonctions " polyvalentes ", et a été nommé responsable du service technique de cette commune. Ayant considéré qu'il avait fait l'objet à compter du mois de juin 2012, d'agissements fautifs de la collectivité tant du fait du harcèlement moral subi que dans la gestion de sa carrière, M. E... a demandé devant le tribunal administratif de Pau la condamnation de la commune de Vielle-Saint-Girons à lui verser la somme de 108 143 euros et d'enjoindre à la commune de le réintégrer, sous astreinte, dans les fonctions de technicien principal de 2nde classe. M. E... relève appel du jugement n° 1600932 du 14 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa requête.

Sur la régularité du jugement :

2. Ainsi que le fait valoir le requérant, le tribunal administratif n'a pas visé le mémoire qu'il avait transmis le 26 mai 2017, ce qui est contraire à l'article R. 741-2 du code de justice et entache le jugement d'irrégularité.

3. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens présentés par M. E... au titre de la régularité du jugement, M. E... est fondé à soutenir que le jugement du 14 juin 2017 du tribunal administratif de Pau est entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation.

4. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de ce que, si M. E... demande à titre principal, l'annulation du jugement pour irrégularité, il présente des conclusions au fond, de traiter le litige par la voie de l'évocation.

Sur le bien-fondé des conclusions indemnitaires :

5. Au soutien de ses conclusions indemnitaires, M. E... invoque à la fois les fautes commises par la commune dans la gestion de sa carrière, les conditions dans lesquelles les mesures prises à son encontre sont intervenues, ainsi que le comportement de la commune à son égard, qui seraient constitutifs de harcèlement moral.

6. En vertu de l'article 6 quinquiès de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / (...). ".

7. Il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement, la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se déterminant au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs du ou des agents auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

8. M. E..., pour soutenir qu'il aurait été victime d'agissements de harcèlement moral de la part de la commune de Vielle-Saint-Girons fait valoir en premier lieu, son absence d'avancement au grade de technicien territorial chef. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que contrairement à ce que M. E... soutient, la commune, par l'intermédiaire de son maire, aurait pris des engagements formels à son égard quant à sa nomination en qualité de technicien territorial chef, la seule circonstance que M. E... ait été inscrit sur la liste d'aptitude pour l'accès à ce grade ne permettant pas de considérer qu'une telle promesse lui ait été consentie, dès lors que l'inscription sur une liste d'aptitude, si elle constitue une condition de nomination, ne donne pas en vertu de l' alinéa 2 de l'article 44 de la loi du 26 janvier 1984 l'assurance de cette nomination.

9. Dans ces conditions, et à supposer même que comme le soutient le requérant, la commune aurait considéré à tort que la liste d'aptitude pour l'accès au grade de technicien territorial chef, qui comportait quatre noms, aurait constitué une liste établie par ordre de mérite, alors qu'en réalité elle constituait une liste établie par ordre alphabétique, l'absence de nomination au grade de technicien territorial chef de M. E... ne peut être regardée comme ayant contrevenu à une promesse faite, ni comme se trouvant révélatrice d'un agissement de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi susvisée du 13 juillet 1983.

10. Par ailleurs, si le requérant soutient que la délibération du 14 août 2014 par laquelle le conseil municipal de Vielle-Saint-Girons a refusé la création d'un poste de technicien territorial, en se fondant sur le " transfert croissant des compétences communales à l'intercommunalité ", serait entachée d'illégalité dès lors que le motif réel de cette délibération serait lié à sa personne et ne répondrait pas à l'intérêt du service, une telle circonstance n'est pas établie par l'instruction et dans ces conditions, l'absence de création de cet emploi ne peut contrairement à ce que soutient le requérant, constituer un agissement de nature à révéler l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

11. En deuxième lieu, M. E... soutient qu'il a subi une réduction de l'ensemble de ses attributions statutaires dans la mesure où il a été soudainement déchargé de certaines responsabilités à compter du mois de juin 2012 et notamment de sa participation à différentes réunions et en particulier de la réunion relative à l'entretien et à la protection du littoral alors qu'il était le seul agent de la commune certifié concernant le plan de lutte contre les pollutions marines (POLMAR). Toutefois, la commune fait valoir en défense que M. E... a toujours, sous l'autorité des adjoints successifs de la commune chargés des services techniques, exercé, ce qui n'est pas contesté par l'intéressé, des attributions correspondant à son statut d'agent de maitrise principal et que les réunions au sujet desquelles il se plaint d'une privation de sa participation, relevaient des attributions d'autres agents ou élus. Il est vrai que les conditions dans lesquelles selon les attestations concordantes, non démenties par la commune, de deux agents présents à la réunion le 27 mai 2014, lors d'une réunion dans la salle du conseil municipal, sous la présidence du maire, et en présence de deux adjoints, d'un conseiller municipal et de 19 des 20 agents de la commune, il a été décidé de façon brutale d'un retrait de ses attributions de directeur des services techniques, sont de nature à faire présumer des agissements de harcèlement moral. Toutefois, il résulte de l'instruction que comme le fait valoir la commune en défense, il doit être opposé à M. E... son propre comportement dès lors que notamment il ne conteste pas la réalité de ses absences injustifiées des 15, 17, 22 et 24 janvier 2013, M. E... ayant pris un congé sans attendre la réponse à sa demande de congé qui a finalement été refusée, ce qui lui a valu un blâme intervenu le 21 février 2013. A cet égard la circonstance invoquée par le requérant selon laquelle ce blâme ne lui aurait pas été notifié se trouve sans incidence sur sa portée dans le présent litige, alors qu'au demeurant l'intéressé en a eu connaissance, dès lors qu'il évoque ce blâme dans un courrier du 11 mai 2015. Est de même sans incidence dans le cadre de la présente instance, la circonstance selon laquelle ce blâme n'aurait pas été précédé d'une procédure contradictoire.

12. En troisième lieu, si le requérant fait valoir que la commune a manqué depuis 2009 à son obligation d'organiser un entretien individuel de notation, le décret précité du 6 mai 1988 portant statut particulier du cadre d'emplois des agents de maîtrise territoriaux auquel M. E... appartient, ne prévoit pas de système de notation ou d'évaluation.

13. Dans ces conditions, l'absence de notation ne saurait traduire l'existence d'un harcèlement moral.

14. En quatrième lieu il ne résulte en tout état de cause pas de l'instruction que des refus auraient été opposés à des demandes de formation présentées par M. E....

15. En cinquième lieu, le requérant soutient que la directrice générale des services en remettant en cause le paiement de factures déjà visées ou des prestations de cocontractants de la collectivité, aurait remis en cause sa probité alors qu'il avait noué des relations de confiance avec les différents partenaires de la commune. Toutefois, les documents produits par M. E..., ne se rapportent qu'à des contrôles de factures relatives à des marchés, de tels contrôles ne pouvant traduire l'existence d'un harcèlement moral.

16. En sixième lieu, le requérant fait valoir qu'il lui a été injustement reproché de s'être inquiété auprès d'un agent placé sous sa responsabilité, de savoir si le véhicule qu'il utilisait pour ses déplacements professionnels était ou non assuré, M. E... ayant demandé à cet agent la production de sa carte grise, ce qui lui a été reproché par la directrice générale des services au motif qu'il avait outrepassé ses attributions. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que le mail qui a été adressé à cet égard à M. E... le 4 octobre 2012, que les reproches qui lui ont été adressés aient été ou non justifiés, ait excédé dans son expression les limites du pouvoir hiérarchique et traduirait un agissement de harcèlement moral.

17. En septième lieu, M. E... soutient qu'il aurait perdu à la suite de son placement en congé de longue maladie, sa bonification indiciaire, pour un montant s'élevant à la somme de 1 597,31 euros, une partie de son indemnité d'exercice des missions en préfecture (IEMP) soit une perte pour 2015 de 5 004 euros et pour 2016 de 2 502 euros et qu'à compter de janvier 2017, du fait de la diminution de son IAT et de son IEMP, il aurait subi une perte de 5 985 euros supplémentaires. Toutefois, la commune soutient sans contestation de M. E..., que la nouvelle bonification indiciaire a été suspendue conformément aux textes applicables du fait du placement de M. E... en congé de longue durée. Si le requérant soutient que son placement en congé de longue durée aurait lui-même pour cause le harcèlement moral qu'il a subi, ce moyen doit être écarté, dès lors que comme il est indiqué dans le présent arrêt, le harcèlement moral invoqué par M. E... n'est pas établi.

18. Il résulte de tout ce qui précède qu'en admettant que certains agissements de la commune du fait de la forme par laquelle M. E... a été déchargé de ses fonctions de responsable des services techniques, constitueraient des éléments laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral, le comportement de M. E... qui s'est manifesté par plusieurs messages électroniques produits au dossier par la commune par lesquels M. E... a adopté vis-à-vis de sa hiérarchie et des élus un ton injurieux et par des absences injustifiées, caractérise un comportement de nature à faire obstacle à la reconnaissance d'un harcèlement moral dont aurait été victime M. E....

19. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction et notamment des éléments susmentionnés que M. E... aurait fait l'objet par différentes mesures prises à son égard, d'une sanction disciplinaire déguisée.

20. Il résulte de ce qui précède que la demande de M. E... tendant à la condamnation de la commune de Vielle-Saint-Girons au titre de fautes commises dans la gestion de sa carrière, ainsi qu'au titre du harcèlement moral doivent être rejetées.

Sur les conclusions en injonction :

21. Compte tenu de ce qui précède et de ce qu'en tout état de cause, les conclusions présentées par M. E... tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de Vielle-Saint-Girons de le réintégrer sous astreinte dans des fonctions de technicien principal de 2nde classe ne sont pas présentées au soutien de conclusions en annulation, ces conclusions ne peuvent être que rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. E... et par la commune de Vielle-Saint-Girons sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1600932 du 14 juin 2017 du tribunal administratif de Pau est annulé.

Article 2 : La demande de M. E... présentée devant le tribunal administratif de Pau et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Vielle-Saint-Girons sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et à la commune de Vielle-Saint-Girons

Délibéré après l'audience du 24 juin 2019, à laquelle siégeaient :

M. D... Larroumec, président,

M. D... I..., président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2019.

Le rapporteur,

Pierre I...Le président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

8

N° 17BX02781


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX02781
Date de la décision : 28/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers. Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SEINGIER

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-28;17bx02781 ?
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