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25/06/2019 | FRANCE | N°17BX02421

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 25 juin 2019, 17BX02421


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée le 6 juin 2015, M. et Mme C...G...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de constater la péremption de l'arrêté du 21 juin 2010 par lequel le maire de la commune de Le Passage d'Agen a délivré un permis de construire à M. B... F...en vue de l'édification d'une maison à usage d'habitation ou, à défaut, de l'annuler et d'annuler l'arrêté du 13 février 2015 par lequel le maire de la commune de Le Passage d'Agen a délivré un permis de construire modificatif à M

. F...en vue de la modification du type de toiture et des façades.

Par un jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée le 6 juin 2015, M. et Mme C...G...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de constater la péremption de l'arrêté du 21 juin 2010 par lequel le maire de la commune de Le Passage d'Agen a délivré un permis de construire à M. B... F...en vue de l'édification d'une maison à usage d'habitation ou, à défaut, de l'annuler et d'annuler l'arrêté du 13 février 2015 par lequel le maire de la commune de Le Passage d'Agen a délivré un permis de construire modificatif à M. F...en vue de la modification du type de toiture et des façades.

Par un jugement n° 1502533 du 23 mai 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les arrêtés des 21 juin 2010 et 13 février 2015 du maire de la commune de Le Passage d'Agen délivrant à M. F...respectivement un permis de construire et un permis de construire modificatif.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistré le 21 juillet 2017 et le 2 mars 2018, M. et Mme B...F..., représentés par MeD..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 mai 2017 ;

2°) de rejeter la demande de M. et Mme C...G...; à titre subsidiaire, d'inviter M. et MmeF..., en application de l'article R. 600-5-1 du code de l'urbanisme, à régulariser leur dossier de demande de permis de construire par un permis modificatif dans un délai de deux mois et de sursoir à statuer dans l'attente de cette régularisation ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme G...la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la requête déposée par M. et Mme G...devant le tribunal est irrecevable à défaut de preuve de l'accomplissement des formalités prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme auprès du maire de la commune de Le Passage d'Agen ;

- elle est également irrecevable en application de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : en effet le permis de construire du 21 juin 2010 a été régulièrement affiché dans les jours qui ont suivi, les conclusions dirigées contre cet arrêté sont donc tardives ; le permis de construire modificatif du 13 février 2015 a été régulièrement affiché dans les jours qui ont suivi, dès lors leur requête introduite le 5 juin 2015 est tardive ;

- en outre, les époux G...ne justifient pas d'un intérêt suffisant leur donnant qualité pour agir ;

- sur le fond, le permis de construire initial du 21 juin 2010 n'est pas caduc dès lors que des travaux ont été entrepris dans le délai de deux ans conformément à l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, quand bien même ils n'ont pas été terminés ;

- les dossiers de permis de construire ne sont pas insuffisants au regard de l'article L. 431-2 du code de l'urbanisme ; en particulier, le projet architectural ne comporte pas d'insuffisances au regard des articles R. 431-8 et R. 431-9 du code de l'urbanisme ;

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en considérant que l'absence de plan de masse dans le dossier de demande de permis de construire initial était contraire à l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme ; en outre, alors que le plan de masse était produit par le pétitionnaire, le tribunal n'a pas statué sur ce moyen concernant le permis de construire modificatif ;

- le projet est également conforme à l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme ;

- contrairement à ce qui est soutenu, le dossier de demande de permis de construire initial n'a pas méconnu les dispositions de l'article UA3 du PLU, approuvé le 27 septembre 2006 ;

- le tribunal a considéré à tort que le projet méconnaissait l'article UA12 du PLU précité dès lors que le stationnement se fera sur le terrain litigieux et nullement sur la voie publique.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 septembre 2017 et le 5 avril 2018, M. et Mme C...G..., représentés par MeE..., concluent au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué, le cas échéant, aux fins que la cour constate la péremption de l'arrêté du 21 juin 2010 et en tout état de cause, à la condamnation de M. et Mme F... et de tout succombant, à leur verser la somme de 3 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les formalités prescrites par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ont été accomplies auprès de la commune de Le Passage d'Agen ;

- il ressort des deux procès-verbaux d'huissier des 10 et 16 avril 2015 qu'aucun affichage des permis en litige n'a été effectué avant le 16 avril 2015, date à laquelle le pétitionnaire a procédé à l'affichage du permis initial uniquement ; le délai contentieux n'était donc pas expiré à la date du recours le 5 juin 2015 ;

- la théorie de la connaissance acquise ne peut en l'espèce trouver application dès lors que le courrier envoyé à la mairie le 28 juillet 2010 par les époux G...faisant état d'un permis de construire délivré le 21 juin 2010 affiché sur le terrain le 12 juillet 2010 ne constitue pas un recours préalable obligatoire et ne saurait donc valoir connaissance acquise ; il n'est pas établi que l'affichage sommaire aurait contenu l'ensemble des éléments d'information requis par l'article A 424-1 du code de l'urbanisme ; le délai de recours ouvert aux tiers et la consistance des voies et délais de recours n'ont pas été indiqués aux intéressés ;

- ils justifient d'un intérêt à agir dès lors que la construction projetée viendrait en limite de leur propriété avec une ouverture donnant sur leur propriété au dessus de la haie séparative ainsi qu'une seconde vue autorisée par le permis modificatif par la toiture terrasse ;

- la caducité du permis de construire du 21 juin 2010 est établie compte tenu des travaux engagés à l'été 2010 de trop faible ampleur pour valoir commencement de travaux et aucun travaux n'a été effectué depuis plus d'un an à la date du permis modificatif ; la cour devra dès lors constater la péremption du permis initial et partant l'illégalité du permis modificatif ;

- les permis attaqués méconnaissent les dispositions du 1° et 2° des articles L. 431-2 et R. 431-8 du code de l'urbanisme ; la notice explicative ne mentionne que des indications laconiques et succinctes ;

- de même, ils ont été délivrés en méconnaissance de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme en l'absence de plan de masse dans le dossier de demande de permis initial et alors que le plan de masse compris dans le dossier de permis modificatif est dépourvu de précision sur les mesures de raccordement aux réseaux publics ; en outre, le dossier de permis modificatif ne précise pas sur les plans de façade modifiés la hauteur des bâtiments et les cotes ne sont pas rattachées au système altimétrique du plan de prévention des risques naturels inondations du 5 août 2010 ; le jugement du tribunal devra être confirmé ce sur point ;

- le projet n'est pas conforme aux c) et d) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme ; le voisinage n'y apparait pas ni l'insertion du projet dans le paysage ;

- les permis ont été délivrés en méconnaissance de l'article UA3 du PLU, approuvé le 27 septembre 2006 et de l'article 3.2 du titre 2 du PLUI approuvé le 11 juillet 2013 ; l'avis du SDIS quant aux conditions de desserte du projet n'a pas été requis ;

- les permis ont été délivrés en méconnaissance de l'article UA12 du PLU, approuvé le 27 septembre 2006 et de l'article UA12 du PLUI approuvé le 11 juillet 2013 ; le projet ne comporte aucune place de stationnement en dehors des voies publiques ; le jugement du tribunal devra être confirmé ce sur point ;

- le projet méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme compte tenu des difficultés d'accès à la construction envisagée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2017, la commune de Le Passage d'Agen, représentée par son maire en exercice et par MeH..., indique qu'elle ne souhaite présenter aucune conclusion d'appel tendant à l'infirmation ou à la confirmation du jugement attaqué et que n'étant pas désignée par les parties, elle ne saurait être condamnée en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par lettre du 20 mai 2019, les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que la cour était susceptible de fonder sa décision sur le moyen d'ordre public tiré de ce que le recours dirigé contre le permis de construire du 21 juin 2010 méconnaît le principe de sécurité juridique.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2008-1353 du 19 décembre 2008 prolongeant le délai de validité des permis de construire d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant M. et MmeF....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 21 juin 2010, le maire de la commune de Le Passage d'Agen a délivré à M. B...F...un permis de construire en vue de l'édification d'une maison à usage d'habitation. Puis par arrêté du 13 février 2015, le maire a accordé à l'intéressé, à sa demande, un permis de construire modificatif en vue de la modification du type de toiture et des façades de la construction initiale. M. et Mme G...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, de constater la caducité du permis de construire du 21 juin 2010 ou, à défaut, de procéder à son annulation, et d'autre part, d'annuler l'arrêté portant délivrance du permis de construire modificatif en date du 13 février 2015.

2. Par un jugement du 23 mai 2017, le tribunal a annulé les arrêtés des 21 juin 2010 et 13 février 2015 du maire de la commune de Le Passage d'Agen délivrant à M. F...respectivement un permis de construire et un permis de construire modificatif. M. et Mme F... relèvent appel de ce jugement dont ils demandent l'annulation. Les époux G...reprennent en appel leurs conclusions de première instance tendant au constat de la caducité du permis de construire du 21 juin 2010 et à l'annulation des permis de construire initial et modificatifs. La commune de Le Passage d'Agen ne présente en appel aucune autre conclusion que celles tendant au rejet des conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les fins de non-recevoir communes aux conclusions dirigées contre les deux permis de construire en litige :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permis de construire, d'aménager ou de démolir. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le recours contentieux dirigé contre le permis de construire initial et contre le permis de construire modificatif, enregistré au greffe du tribunal le 6 juin 2015, a été notifié par lettres du 8 juin 2015 reçues les 9 et 10 juin suivant au maire de la commune de Le Passage d'Agen, auteur des arrêtés attaqués ainsi qu'au pétitionnaire, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. et Mme F...tirée de l'absence de respect des formalités prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme doit être écartée.

5. En deuxième lieux aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ". Aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. Cet affichage n'est pas obligatoire pour les déclarations préalables portant sur une coupe ou un abattage d'arbres situés en dehors des secteurs urbanisés. Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable (...) ".

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme F..., que les permis de construire en litige ont été affichés conformément aux dispositions précitées des articles R. 600-2 et R. 424-15 du code de l'urbanisme avant le 16 avril 2015. Si par un courrier du 28 juillet 2010, M. et Mme G...ont fait part au maire des difficultés occasionnées par les travaux entrepris sur la propriété de M. et Mme F... suite à l'obtention de leur permis de construire, cette seule lettre ne permet pas d'établir qu'ils avaient une connaissance acquise de cette autorisation dans toute sa portée, ni davantage des voies et délais de recours. Par ailleurs, la seule attestation produite sans formalisme par laquelle un tiers indique avoir participé à la pose de l'affichage du permis de construire modificatif les 27 janvier et 14 février 2015 ne saurait permettre d'établir la réalité de l'affichage ni, en tout état de cause sa durée. Enfin, les procès-verbaux d'huissiers constatant l'absence d'affichage en date des 10 et 16 avril 2015, à supposer qu'ils traduisent une connaissance acquise, sont en tout état de cause sans incidence sur la demande enregistrée au greffe du tribunal moins de deux mois après, le 6 juin 2015. Par suite, la fin de non-recevoir, tirée de la tardiveté de la requête opposée par M. et MmeF..., doit être écartée.

7. En troisième lieu, ainsi que l'ont indiqué les premiers juges, il ressort des pièces du dossier que le projet initial consiste en la construction d'une maison d'habitation sur les parcelles n° 836 et 837 et que le projet modificatif consiste dans le changement du type de toiture et des façades. M. et Mme G...sont propriétaires de la parcelle cadastrée n° 834, contiguë aux terrains d'assiette du projet en litige, lequel prévoit un passage couvert avec une vaste ouverture avec vue sur leur propriété par-dessus la haie séparative. En outre, les intéressés font valoir que la construction du toit terrasse crée une nouvelle vue directe sur leur propriété. Un tel projet est dès lors de nature à affecter les conditions d'occupation et d'utilisation de la propriété de M. et Mme G.... Dans ces conditions, ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre les arrêtés en litige.

Sur les questions propres aux conclusions dirigées contre le permis de construire modificatif du 13 février 2015 :

8. Aux termes de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue du décret du 5 janvier 2007, applicable en l'espèce que : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. / Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année (...) ". L'article 1er du décret du 19 décembre 2008 prolongeant le délai de validité des permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable a, pour les permis de construire intervenus au plus tard le 31 décembre 2010, porté à trois ans le délai mentionné au premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, du reste ultérieurement allongé de façon pérenne. En vertu de l'article 2 de ce même décret, cette modification s'applique aux autorisations en cours de validité à la date de sa publication, soit le 20 décembre 2008.

9. Il résulte des dispositions citées ci-dessus que l'interruption des travaux ne rend caduc un permis de construire que si sa durée excède un délai d'un an, commençant à courir après l'expiration du délai de deux ans, porté à trois ans par le décret du 19 décembre 2008, imparti par le premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme.

10. Les époux G...soutiennent que le permis de construire modificatif délivré le 13 février 2015 aux époux F...est dépourvu de base légale compte tenu de la caducité du permis de construire initial du 21 juin 2010. Il ressort des pièces du dossier et notamment des écritures des parties, des différents constats d'huissier, des attestations et des photographies produites que M. et Mme F...ont effectivement débuté les travaux à l'été 2010 par l'édification de murs en parpaings et que dès l'année 2013 les fondations et les murs de la maison à hauteur du rez-de-chaussée ont été réalisés soit dans le délai de trois ans imparti par les dispositions précitées du décret du 19 décembre 2008. Cependant, contrairement à ce que soutiennent les épouxF..., il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les travaux ainsi engagés ont ensuite repris entre à tout le moins l'année 2013 et le 13 février 2015. Au contraire, le procès verbal d'huissier établi le 24 mars 2016 indique que les travaux sont à l'arrêt depuis longtemps et n'ont pas progressé. Dans ces conditions, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme les époux G...sont fondés à soutenir que le permis de construire initial en date du 21 juin 2010 était périmé à la date de la délivrance, le 13 février 2015, du permis modificatif.

11. Par suite, les époux F...ne sont pas fondés à se plaindre, sans qu'aucune mesure de régularisation ne soit envisageable en l'espèce, de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé le permis de construire modificatif précité.

Sur les questions propres aux conclusions dirigées contre le permis de construire initial du 21 juin 2010 :

12. La péremption du permis du 21 juin 2010 ne peut justifier le prononcé d'un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à son annulation, cette préemption étant intervenue, en tout état de cause, avant la saisine du tribunal administratif.

13. Si la demande tendant à l'annulation d'un permis périmé du fait de l'absence d'entreprise des travaux dans son délai de validité est irrecevable pour défaut d'objet, tel n'est pas le cas de la demande tendant à l'annulation d'un permis qui, comme en l'espèce, a commencé à être exécuté, mais qui s'est périmé du fait de l'interruption des travaux.

14. En revanche, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

15. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 28 juillet 2010 adressé à la mairie, les époux G...se sont étonnés de ce que les épouxF..., propriétaires des parcelles en litige, avaient obtenu un permis de construire dont ils précisaient qu'il avait été délivré le 21 juin 2010, visé par la préfecture le 23 juin suivant et affiché sur le terrain le 12 juillet suivant et dont ils précisaient également qu'il avait été accordé " pour l'édification d'une maison d'habitation sur ces parcelles en bordure de la voie publique ". Ils ajoutent s'être rendus à l'hôtel de ville pour s'en plaindre. Dans ces conditions, alors qu'il résulte de ces éléments circonstanciés que les époux G...ont eu connaissance du permis de construire délivré le 21 juin 2010 à tout le moins le 28 juillet suivant et qu'ils ne se prévalent d'aucune circonstance particulière qui les auraient empêchés de former un recours contentieux à l'encontre de ce permis initial dans un délai raisonnable d'un an suivant cette date, le principe de sécurité juridique faisait obstacle à leur saisine, le 6 juin 2015, du tribunal administratif d'un recours dirigé contre ce permis. Par suite, le recours des époux G...contre ce permis est irrecevable.

16. Il résulte de tout ce qui précède que les époux F...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé le permis de construire initial délivré le 21 juin 2010.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des parties une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif Bordeaux est annulé en tant qu'il annule le permis de construire initial en date du 21 juin 2010.

Article 2 : Le surplus des conclusions d'appel présentées par les parties, les conclusions présentées en première instance tendant à l'annulation du permis de construire du 21 juin 2010 et les conclusions de première instance et d'appel des parties tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...F..., M. et Mme C... G...et à la commune de Le Passage d'Agen.

Une copie en sera transmise au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Agen en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 25 juin 2019.

Le rapporteur,

Caroline GaillardLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au préfet de Lot-et-Garonne, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

8

N° 17BX02421


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02421
Date de la décision : 25/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-045 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses. Régimes de déclaration préalable.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : AD LEX AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-25;17bx02421 ?
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