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25/06/2019 | FRANCE | N°17BX00358

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 25 juin 2019, 17BX00358


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bernys, société responsabilité limitée, a demandé le 25 juin 2014 au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution à cet impôt, de retenue à la source ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et en 2008.

Par un jugement n° 1403162 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Proc

dure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er février 2017, le 16 f...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bernys, société responsabilité limitée, a demandé le 25 juin 2014 au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution à cet impôt, de retenue à la source ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et en 2008.

Par un jugement n° 1403162 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er février 2017, le 16 février 2018 et le 28 septembre 2018, la société Bernys, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er décembre 2016 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros hors taxe sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle regrette que l'administration s'oppose à ce qu'un mode alternatif de règlement du litige soit mis en oeuvre ;

- elle n'a pas reçu d'avis de dégrèvement concernant les dégrèvements annoncés par l'administration ;

- elle a versé des honoraires pour des prestations de surveillance, vérification et certification de la pose de charpentes et de couvertures à une société andorrane IEG SL dont le siège est en Andorre ; c'est à tort que l'administration a refusé d'admettre la déduction du coût de ces prestations au motif que la société IEG n'étant pas soumise à l'impôt sur ses bénéfices, ces prestations ne peuvent être considérées comme réelles au sens de l'article 238 A du code général des impôts ; les prestations sont réelles ainsi que le démontrent le contrat d'assistance et de certification signé avec la société IEG ainsi que la fiche de visite de contrôle de chantier produite ; la seule absence de compétence de la société IEG en terme de certifications de Documents Techniques Unifiés (DTU) au sens de la règlementation française est en l'espèce sans incidence dès lors que les prestations à réaliser relèvent des obligations contractuelles liant la société Bernys et la société IEG ; il s'agit de contrôles non obligatoires destinés à vérifier que la prestation correspond à la volonté du client ; les factures accompagnées des comptes rendus manuscrits des vérifications effectuées sur les chantiers démontrent la réalité des prestations réalisées par la société IEG ;

- l'administration doit établir que l'Andorre constitue un état à fiscalité privilégiée ;

- il résulte de ce qui précède que l'administration ne peut davantage regarder comme des revenus distribués imposables à une retenue à la source les versements en litige au bénéfice de la société IEG ;

- l'application de la majoration pour manquement délibéré est injustifiée dès lors que l'administration n'apporte pas la preuve de la mauvaise foi de la société Bernys.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er août 2017, le 18 septembre 2018 et le 19 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements prononcés, et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- la société ayant été placée en liquidation judiciaire, conformément aux dispositions de l'article 1756 du code général des impôts, cette procédure a entraîné la remise des intérêts de retard et de la majoration de 10% dus à la date du jugement d'ouverture, soit 3 755 euros (intérêts de retard sur l'impôt sur le revenu), 4 617 euros (intérêts de retard sur la retenue à la source) et 5 395 euros (majoration de 10%), soit un total de 10 012 euros ; cette remise étant automatique, elle n'a pas donné lieu à avis de dégrèvement ;

- une médiation n'est pas pertinente en l'espèce ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 19 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 20 novembre 2018 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de Me A...représentant la société Bernys.

Considérant ce qui suit :

1. La société Bernys, qui exerce une activité de fabrication, préparation et mise en oeuvre de charpentes, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 à l'issue de laquelle l'administration a notamment remis en cause la déduction de son résultat imposable des honoraires facturés par la société andorrane IEG SL au cours des exercices 2007 et 2008. Ces charges ont été regardées comme des revenus distribués au bénéfice d'une société de droit étranger. Il en est résulté pour la société la notification de cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et de contribution à cet impôt, et l'application d'une retenue à la source prévu par l'article 119 bis 2 du code général des impôts, des intérêts de retard et la pénalité de 40 % pour manquement délibéré. La société Bernys relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer :

2. Si l'administration fiscale soutient qu'en application des dispositions de l'article 1756 du code général des impôts, le placement en liquidation judiciaire de la société Bernys a entraîné la remise automatique des intérêts litigieux, elle ne produit aucun avis de dégrèvement de nature à établir la réalité de cette remise. Par suite, ses conclusions tendant à ce que la cour prononce un non-lieu partiel pour ce motif s'agissant des intérêts précités ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fin de recours à une médiation :

3. Aux termes de l'article L. 213-1 du code de justice administrative : " La médiation régie par le présent chapitre s'entend de tout processus structuré, quelle qu'en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction. ". Aux termes de l'article L. 213-7 de ce code : " Lorsqu'un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel est saisi d'un litige, le président de la formation de jugement peut, après avoir obtenu l'accord des parties, ordonner une médiation pour tenter de parvenir à un accord entre celles-ci ".

4. Il résulte des dispositions du code de justice administrative citées au point 3 qu'une mission de médiation ne peut être ordonnée par le président du tribunal que dans le cas où cette demande est présentée ou soutenue par l'ensemble des parties soucieuses d'obtenir un accord en vue de la résolution amiable de leur différend. Or, la demande de médiation dans le litige en cause a été présentée par la seule société Bernys et l'administration fiscale a indiqué qu'elle s'opposait à ce qu'une médiation soit ordonnée dans cette affaire. Dès lors, la demande de médiation présentée par la société Bernys ne peut qu'être rejetée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article 238 A du code général des impôts : " Les (...) rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en Franceà des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. / Pour l'application du premier alinéa, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus notablement moins élevés qu'en France.(...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle s'en prévaut pour contester la déduction de rémunérations, l'administration doit justifier que le bénéficiaire de ces rémunérations est soumis hors de France à un régime fiscal privilégié par comparaison avec celui auquel il serait soumis s'il les percevait en France. Il appartient au contribuable, dès lors que des rémunérations ont été soumises hors de France à un régime fiscal privilégié, de justifier du principe de la déductibilité des charges comme de la réalité de la prestation et de ce qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.

6. A la suite de la vérification de la comptabilité de la société Bernys, l'administration, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 238 A du code général des impôts, a exclu des charges déductibles et réintégré dans les bénéfices imposables de la société, des honoraires versés à la société IEG établie en principauté d'Andorre, au motif que la réalité et le caractère normal des opérations rémunérées par ces honoraires n'étaient pas établis.

7. D'une part, il résulte de l'instruction que les opérations de contrôle et les impositions en litige portent sur les années 2007 et 2008 au titre desquelles l'Andorre ne prévoyait aucune imposition directe pour les personnes morales établies en Andorre. Ainsi, alors que la société IEG, constituée sous la forme de société à responsabilité limitée (SL) de droit andorran, n'était pas soumise au titre des années en litige à l'impôt sur les bénéfices, la condition prévue par l'article 238 A du code général des impôts relative au caractère " notablement " moins élevée de l'imposition en Andorre par rapport à l'imposition en France est remplie. Par suite, l'administration a pu à bon droit considérer l'Andorre comme un territoire à fiscalité privilégiée au sens des dispositions précitées.

8. D'autre part, la société Bernys soutient que les honoraires en litige ont rémunéré les prestations de vérification réalisées sur plus de 140 chantiers par la société IEG et contractuellement définies et ont permis à son gérant de " gagner du temps ". Toutefois, alors que le contrat d'assistance signé le 11 décembre 2006 entre la société Bernys et la société IEG prévoit notamment la réalisation de mission de " vérification de la conformité de la pose de la charpente en rapport avec les textes en vigueur (législation française, normes, DTU, recommandations techniques) ", et précise que le prestataire de services s'engage à rédiger un rapport complet, la société Bernys se borne à produire des bordereaux de visite joints aux factures, très lacunaires et imprécis quant aux contrôles effectués. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que la société andorrane IEG a pour objet social " la gestion l'investissement et l'immobilier " et qu'elle ne possède aucune habilitation à délivrer des certifications dans le domaine de la charpente et de la construction au regard des normes DTU. La société Bernys, faisant valoir que son prestataire n'a procédé effectivement à aucune des certifications DTU prévue au contrat mais qu'il devait effectuer seulement une " pré réception " des chantiers qu'il visitait, produit pour la première fois en appel des feuillets uniques, manuscrits, intitulés " relevé de visite " lesquels permettent de regarder les prestations réalisées comme réelles. Toutefois, et alors que ces pré-contrôles ne correspondent pas aux missions contractuelles qui lui étaient fixées, la société Bernys ne démontre pas que la rémunération à hauteur de 890 euros par chantier visité de la société andorrane serait proportionnée au contenu réel de sa mission. Dans ces conditions, et alors qu'aucun lien direct n'est établi entre la baisse du chiffre d'affaires de la société Bernys et l'arrêt de sa collaboration avec la société andorrane IEG, la société Bernys, quand bien même elle établit que les honoraires versées à son prestataires sont la contrepartie d'opérations de pré-contrôles effectivement réalisées, n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère non exagéré de ces honoraires. L'administration a dès lors pu à bon droit refuser d'admettre ces honoraires en charges déductibles.

9. Aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes du 2 de l'article 119 bis du même code, dans sa version applicable en l'espèce : " (...) Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. (...) ". Aux termes de l'article 187 du code précité : " 1. Le taux de la retenue à la source prévue à l'article 119 bis est fixé à : (...) -25 % pour tous les autres revenus ".

10. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 que les montants en cause n'ont pas été admis à juste titre, comme charges déductibles par l'administration. Dans ces conditions, en application des dispositions du c) de l'article 109 du code général des impôts, ces sommes constituent des revenus distribués à une société dont le siège se situe à l'étranger. Par suite, c'est par une exacte application des dispositions de l'article 119 bis du code général des impôts que la société Bernys a été soumise à une retenue à la source au taux prévu par l'article 187 du même code.

Sur les majorations pour manquement délibéré :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : /(...) / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".

12. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 que la société Bernys produit différents documents et notamment les bordereaux de visite et les relevés de visites effectués par son prestataire sur les chantiers, de nature à établir que la société andorrane IEG a effectué à tout le moins des pré-contrôles sur les chantiers visités. Dès lors, quand bien même ces prestations étaient rémunérés de manière excessive par la requérante, l'administration, en se bornant à relever l'absence de caractère probant des documents fournis par la société Bernys pour justifier des prestations exécutées et l'insuffisance des informations délivrées par le gérant de la société Bernys sur sa relation commerciale avec son prestataire, n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'intention de la société Bernys d'éluder l'impôt. Par suite, la société Bernys est fondée à demander la décharge de la pénalité pour manquement délibéré.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Bernys est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande de décharge de la majoration pour manquement délibéré.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser à la société Bernys au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La société Bernys est déchargée de la pénalité pour manquement délibéré dont ont été assortis les suppléments d'impôt auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et en 2008.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse est annulé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la société Bernys une somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Bernys et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera délivrée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 25 juin 2019.

Le rapporteur,

Caroline Gaillard

Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 17BX00358


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00358
Date de la décision : 25/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SCP BMG AVOCATS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-25;17bx00358 ?
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