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12/06/2019 | FRANCE | N°17BX00735

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 12 juin 2019, 17BX00735


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CFTC des agents territoriaux a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du département de la Guadeloupe refusant de retirer la décision nommant Mme C...F...comme attachée territoriale.

Par un jugement n° 1500478 du 30 décembre 2016, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté la demande du syndicat.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire, enregistrée le 3 mars 2017, un mémoire ampliatif enregistré le 2 avril 2017 et u

n mémoire en production de pièces, enregistré le 21 janvier 2018, le syndicat CFTC des agents...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CFTC des agents territoriaux a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du département de la Guadeloupe refusant de retirer la décision nommant Mme C...F...comme attachée territoriale.

Par un jugement n° 1500478 du 30 décembre 2016, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté la demande du syndicat.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire, enregistrée le 3 mars 2017, un mémoire ampliatif enregistré le 2 avril 2017 et un mémoire en production de pièces, enregistré le 21 janvier 2018, le syndicat CFTC des agents territoriaux, représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 30 décembre 2016 ;

2°) d'annuler le refus de retrait de la décision de nomination de Mme F... ;

3°) d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement ;

4°) de mettre à la charge du département de la Guadeloupe la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier car il souffre d'un défaut de motivation, en n'indiquant pas en quoi la nomination pour ordre ne serait pas établie ; en outre, il ne vise pas la production d'une note en délibéré ;

- la nomination de MmeF..., qui occupe les mêmes fonctions dans son nouveau poste de catégorie A que dans son ancien poste de catégorie B, est une nomination pour ordre, car elle méconnaît les dispositions de l'article 12 alinéa 3 de la loi du 13 juillet 1983 ; l'intéressée continue d'occuper exactement les mêmes fonctions qu'auparavant ; aucune modification du tableau des emplois ne reclasse cet emploi en catégorie A ;

- la CAP ayant délivré un avis favorable à sa promotion était présidée par son frère, 1er vice-président du département, sans que celui-ci ne s'abstienne ou n'informe de son intérêt particulier dans ce dossier ; l'avis de la CAP est donc irrégulier ; ce faisant, M. D...s'est exposé aux dispositions de l'article 432-12 du code pénal pour assurer la promotion de sa soeur, qui est ainsi entachée d'un détournement de pouvoir ;

- la vacance du poste n'a fait l'objet d'aucune publicité auprès du centre de gestion, en violation des articles 14 et 41 de la loi du 26 janvier 1984 ;

- le tribunal administratif a fait une application inappropriée de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, cette disposition devra également être annulée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2018, le département de la Guadeloupe, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du syndicat CFTC la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le syndicat ne sont pas fondés ; en particulier, il ne s'agit pas d'une nomination pour ordre, car l'emploi n'est pas fictif ; la circonstance que la CAP compétente ait été présidée par le frère de l'intéressée ne suffit pas à caractériser une prise illégale d'intérêt ; si la cour devait évoquer, il reprend ses moyens de première instance ainsi que les fins de non-recevoir déjà opposées au syndicat.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2018, Mme B...F..., représentée par la CSP Le Bret-Desaché, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du syndicat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête du syndicat est irrecevable, car il ne peut se prévaloir d'aucun intérêt à agir et car aucune décision de nomination n'a été prise, son inscription sur la liste d'aptitude aux fonctions d'attaché territorial n'équivalant pas à une nomination ; or, faute de décision de nomination, l'exception d'illégalité d'un acte préparatoire est inopérante ; le syndicat n'a attaqué aucune décision définitive de nomination ;

- sur le fond, les moyens invoqués par le syndicat doivent être rejetés ; il n'y a eu aucune nomination pour ordre, d'autant plus qu'au jour de la saisine du tribunal administratif, elle n'avait été nommée à aucun poste ; aucun détournement de pouvoir n'a été commis.

Par une ordonnance en date du 9 août 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le Syndicat CFTC des agents territoriaux a, le 24 février 2015, formé auprès du président du conseil général de la Guadeloupe un recours gracieux tendant au retrait de la décision de nomination de Mme F...dans les corps des attachés territoriaux. Le 23 juin 2015, il a introduit devant le tribunal administratif de la Guadeloupe un recours tendant à l'annulation de la décision du département refusant de retirer la décision ayant nommé Mme F...dans le corps précité. Le syndicat CFTC fait appel du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 30 décembre 2016, qui a rejeté sa demande.

Sur les fins de non-recevoir opposées au syndicat :

2. En premier lieu, le syndicat CFTC des agents territoriaux de la Guadeloupe a notamment pour objet, selon l'article 7 de ses statuts, la défense des intérêts professionnels des agents employés par les collectivités territoriales et leurs établissements publics, dont les agents de catégorie A. Cet objet lui donne qualité pour attaquer par la voie du recours pour excès de pouvoir toute mesure individuelle de nature à préjudicier aux intérêts de cette catégorie d'agents qui peuvent, notamment, postuler en vue d'occuper des emplois de collaborateurs de cabinet au sein des collectivités territoriales. Par suite, le moyen, soulevé par MmeF..., tiré d'un défaut d'intérêt à agir du syndicat ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, Mme F...soutient que la demande du syndicat requérant serait irrecevable faute de l'intervention d'une décision de nomination à la date à laquelle le Syndicat a formé son recours gracieux, le 24 février 2015, tendant à l'annulation de la décision implicite du département refusant de retirer la décision nommant l'intéressée en qualité d'attachée territoriale. Cependant, il ressort des pièces du dossier et en particulier dudit recours gracieux que si, à cette date, aucune décision de nomination de Mme F...sur un poste de catégorie A d'attachée territoriale n'avait formellement été édictée, une décision implicite en ce sens devait néanmoins être regardée comme révélée par la circonstance que l'intéressée occupait dans les faits un tel poste. En effet, si la nomination d'un fonctionnaire territorial dans un emploi vacant ne peut résulter, sauf circonstances exceptionnelles, que d'une décision expresse prise par l'autorité territoriale, ce qui implique que l'agent qui a occupé dans les faits un poste ne puisse se prévaloir d'une situation illégale qui résulterait d'une nomination implicite, cela n'exclut pas que les tiers qui subissent les retombées défavorables d'une telle nomination implicite illégale puissent la contester, sauf à priver ces tiers, en l'absence de décision expresse, de tout recours contre les nominations de fait. Par suite, l'arrêté du 18 mars portant " détachement pour stage de Mme F...par voie de promotion interne en qualité d'attaché territorial ", et ce de manière rétroactive, au 1er janvier 2014, doit être regardé comme ayant été pris pour régulariser la situation de celle-ci. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir soulevée ne peut qu'être écartée comme manquant en fait.

4. En dernier lieu, si le département de la Guadeloupe fait valoir qu'il appartenait au requérant de saisir la commission d'accès aux documents administratifs aux fins d'obtenir la communication de l'arrêté dont il demande l'annulation, toutefois, il résulte de ce qui vient d'être dit que le présent litige ne concerne pas la communication de documents administratifs mais est relatif à la légalité d'une décision portant changement de corps.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :

5. Aux termes de l'article 41 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa version applicable : " Lorsqu'un emploi permanent est créé ou devient vacant, l'autorité territoriale en informe le centre de gestion compétent qui assure la publicité de cette création ou de cette vacance, à l'exception des emplois susceptibles d'être pourvus exclusivement par voie d'avancement de grade (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme F...appartenait, avant sa nomination dans le cadre d'emplois des attachés territoriaux par l'arrêté du président du conseil général du 19 mars 2015, au cadre d'emploi des assistants territoriaux socio-éducatifs. Il s'agit de corps différents, régis par des statuts particuliers distincts. Sa nomination ne correspondant ainsi pas à un changement ou un avancement de grade, mais à un changement de corps, le moyen tiré d'une violation de l'article 41 de la loi du 26 janvier 1984 peut, contrairement à ce qu'ont relevé les premiers juges, être utilement invoqué.

7. Or si l'arrêté du 19 mars 2015 vise " la déclaration de vacance d'emploi ", le département s'est borné, en première instance à alléguer qu'une déclaration de vacance d'un emploi d'attaché territorial " lié aux fonctions de chef de service départemental, a bien été transmise au centre de gestion de la fonction publique territoriale ". Alors que le moyen, tiré de la méconnaissance de l'article 41 est réitéré en appel par le syndicat, le département, qui ne répond d'ailleurs pas au moyen, n'établit, pas plus qu'en première instance, que cette mesure de publicité aurait été effectuée. Dans ces conditions, le syndicat CFTC est fondé à soutenir que la procédure de nomination de Mme F...est entachée d'irrégularité au regard des mesures de publicité prévues par l'article 41 de la loi du 26 janvier 1984 et, pour ce seul motif, à demander l'annulation de l'arrêté du 19 mars 2015.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement, que le syndicat CFTC des agents territoriaux est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin de sursis :

9. Aux termes de l'article R. 811-17-1 du code de justice administrative : " A peine d'irrecevabilité, les conclusions (...) tendant au sursis de l'exécution de la décision de première instance attaquée doivent être présentées par requête distincte du recours en appel et accompagnées d'une copie du recours ".

10. Le présent arrêt statue sur les conclusions en annulation du jugement du 30 décembre 2016 du tribunal administratif de la Guadeloupe, présentée par le syndicat CFTC des agents territoriaux. Dès lors, ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce même jugement sont devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Guadeloupe la somme de 2 000 euros au profit du syndicat. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de ce dernier, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que demandent le département et Mme F... sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du syndicat CFTC des agents territoriaux tendant au sursis à exécution du jugement du 30 décembre 2016 du tribunal administratif de la Guadeloupe.

Article 2 : Le jugement n° 1500478 du tribunal administratif de la Guadeloupe du 30 décembre 2016 est annulé, ainsi que la décision par laquelle le président du conseil général de la Guadeloupe a implicitement refusé de retirer sa décision de nomination de Mme F...sur l'emploi d'attaché territorial à la direction de l'insertion et de la cohésion sociale du département de la Guadeloupe.

Article 3 : Le département de la Guadeloupe versera la somme de 2 000 euros au syndicat CFTC des agents territoriaux au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat CFTC des agents territoriaux, au département de la Guadeloupe et à Mme B...F....

Délibéré après l'audience du 13 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juin 2019.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

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N° 17BX00735


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00735
Date de la décision : 12/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-03-03 Fonctionnaires et agents publics. Entrée en service. Nominations.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-12;17bx00735 ?
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