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11/06/2019 | FRANCE | N°17BX02965

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 11 juin 2019, 17BX02965


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée le 20 mai 2015, la société Energies des Collines d'Ariège a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 20 mars 2015 par lequel le préfet de l'Ariège a rejeté sa demande d'autorisation d'exploiter un parc éolien en tant seulement qu'il concerne les éoliennes numérotées E1 à E6 situées sur le territoire de la commune de Gudas, de lui accorder l'autorisation d'exploiter les éoliennes E1 à E6 en application de la législation sur les installations

classées pour la protection de l'environnement et d'assortir cette autorisation de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée le 20 mai 2015, la société Energies des Collines d'Ariège a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 20 mars 2015 par lequel le préfet de l'Ariège a rejeté sa demande d'autorisation d'exploiter un parc éolien en tant seulement qu'il concerne les éoliennes numérotées E1 à E6 situées sur le territoire de la commune de Gudas, de lui accorder l'autorisation d'exploiter les éoliennes E1 à E6 en application de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement et d'assortir cette autorisation des prescriptions nécessaires à la préservation des intérêts mentionnés à l'article L 511-1 du code de l'environnement, ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Ariège de fixer lesdites prescriptions dans un délai d'un mois à compter de la date de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1502379 du 5 juillet 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 30 août 2017, le 23 mars 2018 et le 6 novembre 2018, la société Energies des Collines d'Ariège, représentée par Me B... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 juillet 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Ariège du 20 mars 2015 en tant qu'il porte sur le refus d'autorisation d'exploiter les éoliennes E1 et E6 sur la commune de Gudas ;

3°) de lui accorder l'autorisation d'exploiter les éoliennes E1 à E6 en application de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement et d'assortir cette autorisation des prescriptions nécessaires à la préservation des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Ariège de fixer lesdites prescriptions dans un délai d'un mois à compter de la date de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'intérêt des lieux avoisinants ne permet pas de refuser le permis de construire sollicité en application de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme dès lors que le site d'implantation des éoliennes, bien que pourvu d'un caractère naturel, a été précisément identifié comme compatible avec un tel projet au terme d'un travail d'identification approfondi d'une nouvelle zone de développement de l'éolien (ZDE) en concertation avec les collectivités concernées et les services de l'Etat ;

- le caractère naturel des lieux environnants ne peut à lui seul justifier le refus de délivrance du permis de construire sollicité dès lors que le secteur ne présente aucun intérêt particulier esthétique ou historique et ne comporte pas de site d'accueil touristique et n'est pas davantage situé dans un parc naturel régional ; aucune covisibilité n'existe entre le projet et les sites classés de la butte du Castella de la cathédrale de Saint Antonin de Pamiers et de l'église de Vals ;

- l'impact du projet éolien sur les villages avoisinants ne saurait justifier le refus du préfet dès lors qu'ainsi qu'il a été dit le site ne présente aucun intérêt paysager significatif ; l'atteinte ne peut par ailleurs être regardée comme disproportionnée compte tenu de l'impact visuel peu significatif sur les villages de Dalou et de Gudas ; le projet est d'ailleurs soutenu par les locaux ;

- l'impact du projet sur les grands paysages sur la chaîne des Pyrénées notamment depuis l'aérodrome de Pamiers et depuis la RD 119 en direction de Mirepoix est faible.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la construction de six éoliennes d'une hauteur de 150 mètres en bout de pales prévu sur une ligne de crête impacte de façon importante le paysage naturel préservé de l'Ariège ; l'avis défavorable de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites témoigne de la disproportion du projet par rapport aux paysages propres et emblématiques du département ; l'impact sur les sites et points de vue du département est avéré ainsi que le relève le préfet dans son mémoire de première instance auquel il convient de se reporter.

Par une ordonnance du 6 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 10 décembre 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la société Energies des collines d'Ariège.

Une note en délibéré présentée pour la société Energies des collines d'Ariège a été enregistrée le 21 mai 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 20 mars 2015, le préfet de l'Ariège a refusé de délivrer à la société Energies des collines d'Ariège une autorisation d'exploiter deux parcs éoliens situés sur le territoire des communes de Gudas et de Malléon, numérotés respectivement E1 à E6 et E7 à E11. La société Energies des Collines d'Ariège fait appel du jugement du 5 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l' de cet arrêté préfectoral du 20 mars 2015 en tant qu'il concerne les éoliennes E1 à E6.

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. " Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. Le demandeur fournit une étude de dangers qui précise les risques auxquels l'installation peut exposer, directement ou indirectement, les intérêts visés à l'article L. 511-1 en cas d'accident, que la cause soit interne ou externe à l'installation. (...) Elle définit et justifie les mesures propres à réduire la probabilité et les effets de ces accidents (...) ".

3. Pour refuser l'autorisation sollicitée par la société Energies des Collines d'Ariège, le préfet de l'Ariège a considéré que l'implantation et l'exploitation des éoliennes projetées modifient notablement tant le proche paysage que le grand paysage, qu'en outre, le projet, visible depuis l'entrée Nord du département (autoroute A66 et RN 20), modifie notablement la perception du paysage naturel que constitue la chaîne des Pyrénées et demeure visible depuis de nombreux monuments historiques ou sites et notamment le château de Montségur, l'église de Vals, la cathédrale de Pamiers et la Butte du Castella et qu'il est de nature à porter atteinte aux sites.

4. Le projet de la société Energies des Collines d'Ariège est composé de six éoliennes d'une hauteur en bout de pales de 150 mètres et de deux postes de livraison au lieu-dit Bois de Soubira sur le territoire de la commune de Gudas dans l'entité paysagère dite " du pays de Mirepoix ". Il résulte de l'instruction et notamment de l'étude réalisée à la demande de la direction régionale des affaires culturelles, que si le site d'implantation de ce projet est compris dans une zone délimitée par le schéma régional éolien comme favorable à l'éolien, la vallée de l'Ariège est identifiée comme un paysage naturel et culturel emblématique et bien préservé. Il résulte de l'instruction que ce paysage est notamment marqué par la présence des contreforts du massif pyrénéen qui constituent un paysage naturel emblématique de l'Ariège et de grande qualité ainsi que de différents sites et monuments classés. L'Altas des paysages d'Ariège-Pyrénées caractérise d'ailleurs ce paysage original nommé " Prépyrénées Plantaurel " comme fondé sur une charpente naturelle scandée par des cluses, de combes et des crêtes boisées En outre, l'architecte des Bâtiments de France a également relevé dans son avis du 2 février 2015 que la vallée à proximité de Gudas, de forte identité rurale, se caractérise par une absence de mitage ou d'extension périurbaine faisant de ce lieu un site naturel de qualité indéniable.

5. Il résulte de l'instruction que le projet de parc éolien litigieux situé au dessus de la ligne de crête des Pyrénées induit un impact paysager négatif important sur le paysage lointain de la chaîne des Pyrénées notamment depuis la RD 119 et le col de Py dans le Plantaurel. Il serait en outre visible depuis de nombreux lieux et notamment depuis les sites classés ou inscrits de la butte du Castella, de la cathédrale Saint-Antonin de Pamiers et de l'église rupestre de Vals. Par ailleurs, eu égard à la hauteur de 150 mètres des six éoliennes projetées, sur le flanc de la vallée qui surplombe la commune de Gudas, le projet largement visible depuis ce village, pourtant situé à 800 mètres, créerait un effet écrasant et dominant sur les espaces situés en contrebas. Le même constat qui résulte des photomontages concerne deux éoliennes qui surplombent la commune de Dalou, située à environ de 2 kilomètres. Il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que l'atteinte qui serait ainsi portée au site pourrait être palliée par des mesures spécifiques prescrites par le préfet. Dans ces conditions et quand bien même le projet ne sera que peu visible depuis le château de Montségur, le préfet de l'Ariège, en estimant que le projet ne pouvait être autorisé du fait de l'atteinte qui serait portée au paysage et aux monuments du secteur concerné, n'a pas méconnu les dispositions précitées, ainsi que l'ont estimé les premiers juges après avoir effectué une visite des lieux dont le procès-verbal corrobore l'atteinte qui serait portée au site.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Energies des Collines d'Ariège n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 20 mars 2015. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions tendant à la délivrance de l'autorisation sollicitée, ses conclusions en injonction et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Energies des Collines d'Ariège est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Energie des Collines d'Ariège et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire. Une copie en sera adressée au préfet de l'Ariège.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 11 juin 2019.

Le rapporteur,

Caroline Gaillard

Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 17BX02965


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02965
Date de la décision : 11/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CABINET LPA-CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-11;17bx02965 ?
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