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11/06/2019 | FRANCE | N°17BX02964

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 11 juin 2019, 17BX02964


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée le 13 mai 2015, la société Energies des Collines d'Ariège a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 14 mars 2015 par lequel le préfet de l'Ariège a refusé de lui accorder un permis de construire en vue de l'édification d'un parc de six éoliennes E1 à E6 et deux structures de livraison sur le territoire de la commune de Gudas.

Par un jugement n° 1502265 du 5 juillet 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

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rocédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 30 août 2017, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée le 13 mai 2015, la société Energies des Collines d'Ariège a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 14 mars 2015 par lequel le préfet de l'Ariège a refusé de lui accorder un permis de construire en vue de l'édification d'un parc de six éoliennes E1 à E6 et deux structures de livraison sur le territoire de la commune de Gudas.

Par un jugement n° 1502265 du 5 juillet 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 30 août 2017, le 23 mars 2018 et le 16 octobre 2018, la société Energies des Collines d'Ariège représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 juillet 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Ariège lui refusant un permis de construire du 14 mars 2015 précité ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ariège de lui délivrer le permis de construire sollicité, ou à défaut, de se prononcer à nouveau sur la demande de permis de construire, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'intérêt des lieux avoisinants ne permet pas de refuser le permis de construire sollicité en application de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme dès lors que le site d'implantation des éoliennes, bien que pourvu d'un caractère naturel, a été précisément identifié comme compatible avec un tel projet au terme d'un travail d'identification approfondi d'une nouvelle zone de développement de l'éolien (ZDE) en concertation avec les collectivités concernées et les services de l'Etat ;

- le caractère naturel des lieux environnants ne peut à lui seul justifier le refus de délivrance du permis de construire sollicité dès lors que le secteur ne présente aucun intérêt particulier esthétique ou historique et ne comporte pas de site d'accueil touristique et n'est pas davantage situé dans un parc naturel régional ; aucune covisibilité n'existe entre le projet et les sites classés de la butte du Castella, de la cathédrale de Saint Antonin de Pamiers et de l'église de Vals ;

- l'impact du projet éolien sur les villages avoisinants ne saurait justifier le refus du préfet dès lors qu'ainsi qu'il a été dit le site ne présente aucun intérêt paysager significatif ; l'atteinte ne peut par ailleurs être regardée comme disproportionnée compte tenu de l'impact visuel peu significatif sur les villages de Dalou et de Gudas ; le projet est d'ailleurs soutenu par les élus locaux ;

- l'impact du projet sur les grands paysages de la chaîne des Pyrénées notamment depuis l'aérodrome de Pamiers est sans incidence dès lors qu'il ne s'agit pas d'un site touristique et l'impact du projet depuis la RD 119 en direction de Mirepoix est faible.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2018, le ministre de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la construction de six éoliennes d'une hauteur de 150 mètres en bout de pales prévue sur une ligne de crête impacte de façon importante le paysage naturel préservé de l'Ariège ; l'avis défavorable de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites témoigne de la disproportion du projet par rapport aux paysages propres et emblématiques du département ; l'impact sur les sites et points de vue du département est avéré ainsi que le relève le préfet dans son mémoire de première instance auquel il convient de se reporter.

Par une ordonnance du 16 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 20 novembre 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Energies des Collines d'Ariège.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 14 mars 2015, le préfet de l'Ariège a refusé de délivrer à la société Energies des Collines d'Ariège le permis que celle-ci avait sollicité le 18 mars 2014 pour l'implantation de six éoliennes de 150 mètres de hauteur et deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Gudas. La société Energies des Collines d'Ariège fait appel du jugement du 5 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral du 14 mars 2015.

2. Aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, applicable à la date des décisions contestées : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

3. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-21 cité ci-dessus.

4. Pour refuser le permis de construire sollicité par la société Energies des Collines d'Ariège, le préfet de l'Ariège a considéré que le projet était de nature à porter atteinte au paysage de la vallée de l'Ariège, qu'à l'échelle du paysage proche, ces éoliennes seraient visibles en de nombreux points, vision amplifiée par le choix du type d'éoliennes d'une hauteur de 150 mètres dont l'effet écrasant serait très contraignant, et engendrerait des covisibilités avec les éléments du paysage et le village, sans commune mesure avec les impacts observés pour des implantations d'éoliennes en plaine. Il a également estimé qu'à l'échelle du grand paysage, ce groupement d'éoliennes serait visible de très loin depuis la RD 119 en direction de Mirepoix, depuis les approches de Foix sur la RN 20, que ces éoliennes installées en avant-plan de la chaîne pyrénéenne, dégraderaient la présentation générale de celle-ci en modifiant la perception globale du vaste paysage ariégeois, notamment depuis l'axe nord-sud, principale entrée dans le département et qu'ainsi, la perception du parc éolien, à l'entrée de zones patrimoniales majeures pour le département pourrait à terme constituer un problème " d'ergonomie touristique ", par le fait même que ces installations ne correspondent pas à l'attente du visiteur du département qui recherche la découverte d'un territoire rural et montagnard de qualité et préservé, ainsi que la visite de sites et de monuments patrimoniaux reconnus. Il a encore relevé qu'en outre les éoliennes seraient visibles depuis de nombreux points de vue et notamment des sites et monuments classés tels que le château de Montségur, la butte du Castella, la cathédrale Saint Antonin de Pamiers, l'église rupestre de Vals, et le col de Py dans le Plantaurel et qu'ainsi, ce projet est disproportionné par rapport à l'échelle du territoire, qu'il soit proche ou lointain, et aurait un impact négatif sur le patrimoine et les paysages.

5. Il résulte des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme que le caractère emblématique d'un paysage dans un secteur géographique donné ainsi que son attrait culturel et historique sont au nombre des éléments que doit prendre en compte l'autorité compétente pour apprécier le caractère et l'intérêt des lieux avoisinants au sens de ces dispositions. Par suite, en prenant en considération la cohérence et l'importance de la vallée de l'Ariège dans l'histoire du département, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit.

6. Le projet de la société Energies des Collines d'Ariège est composé de six éoliennes d'une hauteur en bout de pales de 150 mètres et de deux postes de livraison au lieu-dit Bois de Soubira sur le territoire de la commune de Gudas dans l'entité paysagère dite " du pays de Mirepoix ". Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'étude réalisée à la demande de la direction régionale des affaires culturelles, que si le site d'implantation de ce projet est compris dans une zone délimitée par le schéma régional éolien comme favorable à l'éolien, la vallée de l'Ariège est identifiée comme un paysage naturel et culturel composé de petites montages couvertes de boisements et de pâturages, marqué par la présence des contreforts du massif pyrénéen préservé, et constitue ainsi une entité emblématique de l'Ariège et de grande qualité ainsi que de différents sites et monuments classés. L'Altas des paysages d'Ariège-Pyrénées caractérise d'ailleurs ce paysage original nommé " Prépyrénées Plantaurel " comme fondé sur une charpente naturelle scandée par des cluses, de combes et des crêtes boisées. En outre, l'architecte des Bâtiments de France a également relevé dans son avis du 2 février 2015 que la vallée à proximité de Gudas, de forte identité rurale, se caractérise par une absence de mitage ou d'extension périurbaine faisant de ce lieu un site naturel de qualité indéniable.

7. Il ressort des pièces du dossier que le projet de parc éolien litigieux situé au dessus de la ligne de crête des Pyrénées induit un impact paysager négatif important sur le paysage lointain de la chaîne des Pyrénées notamment depuis la RD 119 et le col de Py dans le Plantaurel. Il serait en outre visible depuis de nombreux lieux et notamment depuis les sites classés ou inscrits de la butte du Castella, de la cathédrale Saint-Antonin de Pamiers et de l'église rupestre de Vals. Par ailleurs, eu égard à la hauteur de 150 mètres des six éoliennes projetées, sur le flanc de la vallée qui surplombe la commune de Gudas, le projet largement visible depuis ce village, pourtant situé à 800 mètres, créerait un effet écrasant et dominant sur les espaces situés en contrebas. Le même constat qui résulte des photomontages concerne deux éoliennes qui surplombent la commune de Dalou, située à environ de 2 kilomètres et dénaturent ainsi le caractère du village. Dans ces conditions et quand bien même le projet ne sera que peu visible depuis le château de Montségur, le préfet de l'Ariège, en estimant que le projet ne pouvait être autorisé du fait de l'atteinte qui serait portée au paysage et aux monuments du secteur concerné, n'a pas méconnu les dispositions précitées, ainsi que l'ont estimé les premiers juges après avoir effectué une visite des lieux dont le procès-verbal corrobore l'atteinte qui serait portée au site.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Energies des Collines d'Ariège n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 14 mars 2015. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions en injonction et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Energies des Collines d'Ariège est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Energie des Collines d'Ariège et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Une copie en sera adressée au préfet de l'Ariège.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 11 juin 2019.

Le rapporteur,

Caroline Gaillard

Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 17BX02964


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02964
Date de la décision : 11/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CABINET LPA-CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-11;17bx02964 ?
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