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11/06/2019 | FRANCE | N°17BX02100

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 11 juin 2019, 17BX02100


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Nadal a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Montagrier à lui verser la somme de 30 926,35 euros au titre du solde du marché de travaux de rénovation et d'extension de la mairie.

Par un jugement n° 1500903 du 2 mai 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné la commune de Montagrier à verser à la société la somme de 30 926,35 euros avec les intérêts au taux légal et les intérêts capitalisés.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, présentés le 5 juillet 2017, le 27 juin 2018 et le 4 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Nadal a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Montagrier à lui verser la somme de 30 926,35 euros au titre du solde du marché de travaux de rénovation et d'extension de la mairie.

Par un jugement n° 1500903 du 2 mai 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné la commune de Montagrier à verser à la société la somme de 30 926,35 euros avec les intérêts au taux légal et les intérêts capitalisés.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, présentés le 5 juillet 2017, le 27 juin 2018 et le 4 avril 2019, la commune de Montagrier, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1500903 du tribunal administratif de Bordeaux du 2 mai 2017 ;

2°) de condamner la société Nadal à lui payer la somme de 31 677,80 euros au titre des pénalités de retard, avec les intérêts au taux légal à compter du 23 août 2012 et les intérêts capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de la société Nadal la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a déchargé la société Nadal des pénalités dont elle était redevable au motif que le délai global d'exécution des lots fixé à l'article B 5 de l'acte d'engagement ne suffit pas à fonder lesdites pénalités ;

- le planning détaillé des travaux n'a pu être présenté car les premières interventions des entreprises ont consisté dans la réalisation de mesures conservatoires pour sécuriser les bâtiments ; ces interventions ont bouleversé l'ordre initial de réalisation des travaux ;

- les comptes-rendus des réunions de chantier ont cependant précisé pour chaque entreprise le délai prévisionnel des travaux dont elles étaient chargées pour leurs lots ; ces entreprises avaient ainsi connaissance de la date limite d'exécution des travaux ; les retards reprochés à la société Nadal étaient avérés et ont porté sur une période de 121 jours ;

- en l'absence de contestation par la société de l'ordre de service de démarrage des travaux, cette dernière ne peut utilement contester le délai d'exécution ;

- si l'absence de notification à l'entreprise du calendrier détaillé d'exécution rend inopposables les délais qui y sont mentionnés, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que le maître d'ouvrage puisse appliquer à son cocontractant des pénalités en lui opposant le délai global d'exécution des travaux du lot considéré tel que prévu au calendrier prévisionnel d'exécution ;

- dans ces conditions, les pénalités pouvaient être appliquées à l'entreprise Nadal et calculées conformément à l'article 4.3.1 du cahier des clauses administratives particulières.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 novembre 2017 et le 3 avril 2019, la société Nadal, société à responsabilité limitée, représentée par MeC..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la condamnation de la commune de Montagrier à lui payer la somme de 30 926,35 euros (23 758,35 euros en remboursement des pénalités de retard et 7 168 euros au titre de la retenue infondée sur le montant du marché initial) assortie des intérêts à compter du 8 septembre 2014 et des intérêts capitalisés ;

3°) et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que la commune soutient que la société n'a pas exécuté ses prestations dans le délai prévu au contrat ; en effet, le marché initial a été modifié par deux avenants qui ont mis à la charge de la société de nouveaux travaux qui n'auraient pu être réalisés dans les délais si les parties au contrat s'étaient tenues à une stricte application de la clause du marché relative à la durée d'exécution du contrat ;

- les retards invoqués par la commune ne sont pas avérés ; aucun calendrier détaillé du marché n'a été établi par le maître d'oeuvre ; les mises en demeure ont été établies après l'expiration du délai initial de réalisation des travaux et confirment que ledit délai a bien été prolongé ; le procès-verbal de réception des travaux qui n'est pas revêtu des signatures requises est dépourvu de force probante ;

- la durée d'exécution des travaux a implicitement mais nécessairement été prolongée par les deux avenants au marché signés par les parties ;

- aucun planning n'a été communiqué à la société pour son lot contrairement à ce que prévoit les articles 4.1.2 et 4.3.1. du cahier des clauses administratives particulières ;

- les retards invoqués sont dus à une faute du maître de l'ouvrage et du maître d'oeuvre qui n'ont prévu aucun calendrier ni programme d'exécution fiable ; en tout état de cause, les pénalités sont manifestement excessives ;

- la retenue pratiquée sur le montant du marché initial est infondée dès lors que l'article 11.2.1 du cahier des clauses administratives générales interdit, s'agissant d'un marché conclu à un prix global et forfaitaire, au maître de l'ouvrage de procéder à une retenue au motif que certaines des prestations prévues dans la décomposition du prix n'ont pas été réalisées.

Par ordonnance du 5 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 5 avril 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la commune de Montagrier, et de Me C..., représentant la SARL Nadal.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement signé le 24 janvier 2012, la commune de Montagrier a confié à la société Nadal le lot n° 1 " démolition - gros oeuvre - ravalement - VRD " du marché de rénovation et d'extension de la mairie. Par une délibération du 19 septembre 2013, le conseil municipal de Montagrier a fixé à 31 677,80 euros les pénalités de retard prévues au marché avant d'appliquer à ce montant un abattement de 25 % ramenant à 23 758,35 euros la somme mise à la charge de la société. Par ailleurs, la commune de Montagrier a procédé à une retenue de 7 168 euros sur le montant initial du marché au motif que les métrés de façades traités par la société étaient inférieurs à ceux mentionnés dans son offre. La société Nadal a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Montagrier à lui payer la somme globale de 30 926,35 euros incluant les pénalités de retard et la retenue pratiquée sur son marché. Par jugement rendu le 2 mai 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a intégralement fait droit aux demandes de la société Nadal et a rejeté les conclusions reconventionnelles de la commune tendant au paiement par son cocontractant de la somme de 31 677,80 euros au titre des pénalités de retard. La commune de Montagrier relève appel de ce jugement.

Sur l'appel de la commune de Montagrier :

En ce qui concerne la retenue effectuée par la commune sur le montant du marché initial :

2. Dans ses écritures d'appel, la commune de Montagrier ne conteste pas les motifs par lesquels le tribunal a jugé que les stipulations de l'article 11.2.1 du cahier des clauses administratives générales faisaient obstacle à ce qu'il soit procédé à une retenue sur le prix fixé au marché. Par suite, la commune n'est pas fondée à demander la condamnation de la société Nadal à lui payer la somme de 7 168 euros au titre de ladite retenue.

En ce qui concerne les pénalités de retard :

3. Aux termes de l'article B 5 de l'acte d'engagement signé par la commune et la société Nadal le 24 janvier 2012 : " - Durée d'exécution du marché public (...) : La durée d'exécution du marché public (...) est de 6 (six) mois, non compris le délai de neutralisation de 2 (deux) semaines pour congés annuels d'été et non compris le délai de préparation qui est fixé à 7 (sept) jours, à compter de : la date de notification de l'ordre de service (...) ". Aux termes de l'article 4.1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable au marché en litige : " 4.1. Délais d'exécution des travaux. Le délai global de l'ensemble des lots est fixé à l'article B5 de l'Acte d'Engagement. Le délai imparti englobe le repliement du matériel et le nettoyage des lieux. Les délais d'exécution propres à chacun des lots s'insèrent dans ce délai d'ensemble. (...) 4.1.2. - Calendrier détaillé d'exécution : Le calendrier détaillé d'exécution est élaboré par le Maître d'oeuvre après consultation des entrepreneurs titulaires des différents lots. Le calendrier détaillé d'exécution distingue les différents ouvrages dont la construction fait l'objet des travaux. Il indique en outre, pour chacun des lots : La durée et la date probable de départ du délai d'exécution qui lui est propre ; La durée et la date probable de départ des délais particuliers correspondants aux interventions successives de l'entrepreneur sur le chantier. Après acceptation par les entrepreneurs, le calendrier détaillé d'exécution est soumis par le Maître d'oeuvre à l'approbation de la maîtrise d'ouvrage. Le délai d'exécution propre à chacun des lots commence à courir à la date d'effet de l'ordre de service prescrivant de commencer l'exécution des travaux lui incombant. (...) ". Aux termes de l'article 4.3.1 du CCAP : " Pénalités pour retard. Les dispositions suivantes sont appliquées lot par lot, en cas de retard dans l'exécution des travaux, comparativement au calendrier détaillé d'exécution élaboré et éventuellement modifié comme indiqué à l'article 4.1.2. ci-avant. • A - Retard sur le délai d'exécution propre au lot concerné : Il est fait application de la pénalité journalière calendaire indiquée au Cl ci-après. • B - Retard sur les délais particuliers correspondant aux interventions successives, autres que la dernière, de chaque entrepreneur sur le chantier (...) ".

4. Si l'article B 5 de l'acte d'engagement signé entre les parties contractantes stipule que la durée d'exécution du marché est de six mois à compter de la notification à l'entrepreneur de l'ordre de service de démarrage des travaux, il résulte des stipulations précitées du CCAP, d'une part, qu'un tel délai présente un caractère global dans lequel doivent s'insérer des délais d'exécution propres à chacun des lots prévus au marché et, d'autre part, que ces délais particuliers sont à définir dans un calendrier détaillé d'exécution à élaborer par le maître d'oeuvre pour chacun des lots en cause. Il en résulte que seul l'établissement d'un calendrier détaillé d'exécution propre à chaque lot est de nature à faire déclencher le délai de réalisation des travaux confiés aux entrepreneurs. Quant aux pénalités, elles s'appliquent, ainsi qu'il résulte également des stipulations du CCAP, lot par lot en fonction du retard de l'entrepreneur constaté au regard des prévisions contenues dans les calendriers détaillés d'exécution. Enfin, il n'existe entre l'article B 5 de l'acte d'engagement et les articles 4.1 et 4.3.1 du CCAP aucune contradiction devant conduire à faire prévaloir les stipulations dudit article B 5 selon la hiérarchie des pièces contractuelles fixée à l'article 2 du CCAP applicable au marché en litige.

3. Dans ces conditions, la commune de Montagrier n'aurait été fondée, le cas échéant, à appliquer les pénalités litigieuses qu'en présence d'un calendrier détaillé d'exécution dûment établi et notifié à la société Nadal dans le cadre du lot n° 1 qui lui a été confié. Dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'un tel calendrier n'a pas été établi, c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné la commune de Montagrier à reverser à la société Nadal la somme de 30 926,35 euros au titre des pénalités de retard calculée après déduction de l'abattement de 25 % décidé par le conseil municipal de Montagrier dans sa délibération du 19 septembre 2013.

4. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la commune de Montagrier tendant à ce que la cour mette à la charge de la société la somme de 31 677,80 euros, représentant le montant initial des pénalités, doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées par la société Nadal :

5. Dans son jugement du 2 mai 2017, confirmé sur ce point par le présent arrêt, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit aux conclusions de la société tendant à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 7 168 euros au titre de la retenue indûment pratiquée sur le prix du marché. Par suite, la société Nadal n'est pas fondée à demander en appel la condamnation de la commune à lui verser une nouvelle fois ce montant de 7 168 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de la commune de Montagrier la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Nadal et non compris dans les dépens. En revanche, les conclusions présentées par la commune de Montagrier sur ce même fondement doivent être rejetées dès lors qu'elle est la partie perdante à l'instance d'appel.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 17BX02100 présentée par la commune de Montagrier est rejetée.

Article 2 : La commune de Montagrier versera à la société Nadal la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel présenté par la société Nadal est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montagrier et à la SARL Nadal.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juin 2019.

Le rapporteur,

Frédéric FaïckLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au préfet de la Dordogne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 17BX02100


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02100
Date de la décision : 11/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Pénalités de retard.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CABINET LEXIA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-11;17bx02100 ?
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