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11/06/2019 | FRANCE | N°17BX01713

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 11 juin 2019, 17BX01713


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Coordination Environnement du Bassin d'Arcachon (CEBA) et l'association Ecocitoyennes du Bassin d'Arcachon ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 27 mai 2014 par lequel le préfet de la Gironde et le préfet des Landes ont autorisé la société Dalkia à procéder à l'épandage des cendres issues de la centrale biomasse de Biganos.

Par un jugement n° 1502567 du 30 mars 2017, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

:

Par une requête et des mémoires, présentés le 31 mai 2017, le 6 juillet 2017 et le 16...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Coordination Environnement du Bassin d'Arcachon (CEBA) et l'association Ecocitoyennes du Bassin d'Arcachon ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 27 mai 2014 par lequel le préfet de la Gironde et le préfet des Landes ont autorisé la société Dalkia à procéder à l'épandage des cendres issues de la centrale biomasse de Biganos.

Par un jugement n° 1502567 du 30 mars 2017, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, présentés le 31 mai 2017, le 6 juillet 2017 et le 16 octobre 2018, l'association Coordination Environnement du Bassin d'Arcachon (CEBA), représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1502567 du tribunal administratif de Bordeaux du 30 mars 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté inter préfectoral du 30 mai 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à la charge de la société Dalkia la somme de 3 500 euros au titre de ces mêmes dispositions.

Elle soutient que :

- elle justifie de son intérêt à agir et de sa qualité pour agir par la production au dossier de ses statuts ;

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'incomplétude de l'étude d'impact dont le caractère succinct a été relevé par l'autorité environnementale ;

- l'avis émis par l'autorité environnementale est irrégulier car cette autorité ne justifie pas d'une autonomie suffisante par rapport au préfet de région, co-auteur de la décision attaquée ; cette absence d'autonomie est contraire à l'article 6 de la directive 2001/42 ;

- les cendres volantes issues de l'installation de combustion concentrent des métaux lourds et autres dioxines et furannes et doivent ainsi être considérées comme des déchets ultimes ; il s'agit en conséquence de polluants organiques persistants pour lesquels il existe une solution alternative à l'épandage qui consiste dans l'enfouissement des cendres ;

- le projet se caractérise par une absence de transparence budgétaire ;

- les TEQ (quantités équivalentes toxiques pour les dioxines) figurant dans le dossier d'enquête publique sont erronées ;

- l'arrêté d'autorisation méconnaît l'article 36 de l'arrêté du 2 février 1998 relatif aux prélèvements à la consommation d'eau ainsi qu'aux émissions de toute nature des installations classées pour la protection de l'environnement en vertu duquel seuls les déchets ou effluents ayant un intérêt pour les sols peuvent être épandus ;

- les crastes (petits cours d'eau) n'ont pas été pris en compte en ce qui concerne la distance d'isolement des épandages ; les parcelles voisines et les sites éloignés ne sont pas protégés ; la contamination de la chaîne alimentaire n'est pas à exclure ; il n'existe pas d'études scientifiques indépendantes permettant de connaître comment les ETM (éléments traces métalliques) se fixent sur les plantes des parcelles recevant l'épandage ; le préfet a été contraint d'adresser, le 2 janvier 2017, à la société Dalkia une mise en demeure de faire cesser l'épandage d'éléments impurs et d'adresser dans les délais un programme prévisionnel et un bilan d'épandage ; c'est donc par une erreur manifeste d'appréciation que le préfet a délivré l'autorisation sollicitée qui fait courir un risque majeur pour la faune, la flore, le milieu aquatique et marin, la filière animale et les personnes ;

- le principe de précaution imposait de faire application des dispositions de l'article L. 541-2-1 du code de l'environnement relatives aux déchets ultimes.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 janvier 2018, le 19 novembre 2018 et le 23 avril 2019, la société Dalkia, représentée par MeA..., conclut, dans le dernier état de ses écritures :

1°) au rejet de la requête ;

2°) subsidiairement, à ce qu'il soit sursis à statuer sur la requête afin de permettre la régularisation de l'autorisation contestée en application des dispositions du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ;

3°) à défaut, à l'annulation de l'autorisation en tant qu'elle autorise l'épandage sur les parcelles situées dans le département de la Gironde et à ce que le préfet soit invité à reprendre l'instruction sur cette partie du projet en application du 1° de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ;

4°) et à ce qu'il soit mis à la charge de l'association requérante la somme de 7 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de l'association est irrecevable pour défaut de qualité pour agir en appel car il n'est pas établi que son conseil d'administration a pris une délibération autorisant la saisine de la cour d'administrative d'appel ;

- la demande de première instance est irrecevable car l'association requérante ne justifie pas d'un intérêt à agir à l'encontre de l'autorisation en litige ;

- le moyen tiré de l'absence d'autonomie de l'autorité environnementale est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée dès lors que la consultation de cet organisme ne s'imposait pas, l'épandage de cendres n'étant pas soumis à étude d'impact faute d'être mentionné dans l'annexe à l'article R. 122-2 du code de l'environnement ; en tout état de cause, l'autorité environnementale était indépendante par rapport à l'autorité décisionnaire qui est composée de deux autorités distinctes, le préfet de la Gironde et le préfet des Landes ; de plus, les services du préfet de région qui a évalué l'étude d'impact et ceux du préfet du département qui a instruit la demande d'autorisation constituent deux entités administratives distinctes ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'étude d'impact était complète en ce qui concerne le suivi des sols en fin d'épandage, l'étude des dangers, le suivi des teneurs des cendres et des sols en furannes, dioxines, sélénium et arsenic ;

- le dossier soumis à enquête publique comportait tous les éléments d'information concernant la teneur en dioxine et furanne des cendres à épandre ;

- au regard des dispositions des articles 52 et 53 de l'arrêté du 26 août 2013, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que les cendres volantes issues de la centrale biomasse pouvaient être épandues au même titre que les cendres sous foyer ;

- l'arrêté en litige n'a pas méconnu l'article 36 de l'arrêté du 2 février 1998 dès lors que les cendres dont il autorise l'épandage présentent un intérêt avéré pour l'environnement ; pour ce motif, ces cendres ne sauraient être qualifiées de déchets ultimes au sens de l'article L. 541-2-1 du code de l'environnement devant être éliminées dans les installations de stockage de déchets ;

- les fossés d'écoulement des eaux (crastes) ont été pris en compte par l'arrêté d'autorisation qui impose une distance d'épandage de 10 mètres au minimum ; l'arrêté comprend d'autres mesures destinées à éviter l'envol de particules fines dans l'air ; les seuils prévus pour l'épandage tels que fixés par l'arrêté ministériel du 2 février 1998 sont respectés, si bien que le risque de bioaccumulation des éléments traces métalliques est à exclure ; le principe de précaution n'a dès lors pas été méconnu ;

- la règlementation relative à l'épuration des fumées n'est pas applicable à une installation régie par la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, si bien que son invocation est inopérante ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de la convention de Stockholm, qui est dépourvue d'effet direct en droit interne, est inopérant ;

- il en va de même du moyen tiré de l'absence de " transparence budgétaire ".

Par des mémoires en défense, présentés le 15 octobre 2018 et le 20 novembre 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que l'inventaire des pièces joint à la requête d'appel ne répertorie pas le jugement du tribunal qui constitue l'acte attaqué par l'association ;

- le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale doit être écarté comme infondé ou, subsidiairement, par application de la jurisprudence " Danthony " ; si la cour retenait le moyen, elle pourrait surseoir à statuer pour permettre la régularisation de ce vice ;

- les prescriptions dont est assorti l'arrêté d'autorisation en litige sont précises et assurent la protection de l'environnement ; c'est précisément en vue d'assurer leur respect que le préfet a édicté la mise en demeure du 2 janvier 2017 ; au demeurant, la campagne d'épandage 2016/2017 a permis à l'administration de constater que la société avait régularisé sa situation ;

Par ordonnance du 22 mars 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 avril 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte de l'environnement ;

- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 2 février 1998 relatif aux prélèvements et à la consommation d'eau ainsi qu'aux émissions de toute nature des installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation ;

- l'arrêté du 26 août 2013 relatif aux installations de combustion d'une puissance supérieure ou égale à 20 MW soumises à autorisation au titre de la rubrique 2910 et de la rubrique 2931 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de M. Storelli, président de l'association Coordination Environnement du Bassin d'Arcachon.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 26 mai 2010, le préfet de la Gironde, préfet de la région Aquitaine, a autorisé la société Valmy Défense 19, à laquelle s'est ultérieurement substituée la société Dalkia, à exploiter une installation de combustion consommant de la biomasse, relevant de la rubrique n° 2910 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, au lieu-dit " Facture " sur le territoire de la commune de Biganos. L'article 5.2.1 de l'autorisation précisait que les déchets engendrés par le fonctionnement de l'installation, notamment les cendres, seraient traités par valorisation externe ou par enfouissement dans un centre technique. Toutefois, le 17 juin 2011, la société Dalkia a déposé auprès de la préfecture de la Gironde et de la préfecture des Landes une demande d'autorisation d'épandage des cendres sur des parcelles situées dans ces deux départements. Ce projet a fait l'objet d'une enquête publique qui s'est déroulée du 4 mars au 4 avril 2013 et d'un avis favorable du commissaire-enquêteur du 2 mai 2013. Par un arrêté du 27 mai 2014, le préfet de la Gironde et le préfet des Landes ont, en modifiant l'article 5.2.1 de l'autorisation du 26 mai 2010, autorisé la société Dalkia à procéder à l'épandage des cendres volantes et des cendres sous chaudière produites par l'installation. L'association Coordination Environnement du Bassin d'Arcachon (CEBA) et l'association Ecocitoyennes du Bassin d'Arcachon ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 27 mai 2014. L'association CEBA relève appel du jugement rendu le 30 mars 2017 par lequel le tribunal a rejeté cette demande.

Sur la légalité de l'arrêté du 27 mai 2014 :

2. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la teneur en dioxines et furanes des cendres issues de l'installation de combustion a été analysée, dans le cadre de la constitution du dossier de demande d'autorisation, par le laboratoire LCA selon les préconisations de l'Organisation mondiale de la santé. Ces analyses, que la société Dalkia a complétées à la demande de l'Agence régionale de santé, ont montré que ces substances étaient présentes dans les cendres en des quantités inférieures à la réglementation. Il résulte aussi de l'instruction que les cendres produites par l'installation de combustion se prêtent à l'épandage dès lors qu'elles présentent des teneurs en phosphore, potasse, magnésium et calcium, lesquels constituent des éléments indispensables au cycle de vie des végétaux. Dans ces conditions, l'association CEBA n'est pas fondée à soutenir que les cendres constituent des déchets ultimes ne pouvant faire l'objet d'un épandage et que le dossier soumis à l'enquête publique aurait induit en erreur le public en occultant que l'enfouissement de tels déchets aurait été la seule mesure possible pour protéger l'environnement.

3. En deuxième lieu, à l'appui de son moyen tiré de l'insuffisance de l'étude préalable jointe à la demande d'autorisation, l'association CEBA ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation devant les premiers juges. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges au point 2 de leur décision.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " (...) III. - Dans le cas d'un projet relevant des catégories d'opérations soumises à étude d'impact, le dossier présentant le projet, comprenant l'étude d'impact et la demande d'autorisation, est transmis pour avis à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement (...) IV. - La décision de l'autorité compétente qui autorise le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage à réaliser le projet prend en considération l'étude d'impact, l'avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement et le résultat de la consultation du public. (...) ".

5. La directive du 27 juin 2001 comme celle du 13 décembre 2011, concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics ou privés sur l'environnement, ont pour finalité commune de garantir qu'une autorité compétente et objective en matière d'environnement soit en mesure de rendre un avis sur l'évaluation environnementale des plans et programmes ou sur l'étude d'impact des projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences.

6. La directive du 13 décembre 2011 ne fait pas obstacle à ce qu'une même autorité élabore le plan ou programme litigieux et soit chargée de la consultation en matière environnementale et n'imposent pas, en particulier, qu'une autre autorité de consultation au sens de cette disposition soit créée ou désignée, pour autant que, au sein de l'autorité normalement chargée de procéder à la consultation en matière environnementale et désignée comme telle, une séparation fonctionnelle soit organisée de manière à ce qu'une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir les missions confiées aux autorités de consultation par ces dispositions.

7. Il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux a notamment été instruit par le préfet de la Gironde, préfet de la région Nouvelle-Aquitaine, et que l'avis rendu par l'autorité environnementale sur l'étude d'impact jointe à la demande d'autorisation a été préparé par la " Mission Connaissance et Evaluation ", service de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement du logement (DREAL) de la Nouvelle-Aquitaine. L'arrêté du 27 mai 2014 en litige a été co-signé par le préfet de la Gironde, préfet de la région Nouvelle-Aquitaine dont relève la DREAL. Et il ne ressort pas des pièces du dossier que les services de la DREAL ont bénéficié d'une autonomie concrète vis-à-vis du préfet de région au moment de l'élaboration et de l'adoption de son avis sur l'étude d'impact du projet.

8. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, dans son avis, l'autorité environnementale a jugé l'étude d'impact " trop complexe " et imprécise sur la valeur agronomique des produits épandus ainsi que sur les risques sanitaires possibles. L'étude d'impact a également été qualifiée d'incomplète sur les conséquences que l'épandage des cendres est susceptible d'entraîner sur les sites Natura 2000 existants. L'autorité environnementale a ainsi estimé qu'il était indispensable de compléter l'étude d'impact, ce qui a été fait par le pétitionnaire qui a élaboré à cette fin un nouveau document le 30 janvier 2013.

9. Ainsi, les critiques émises par l'autorité environnementale ont conduit le pétitionnaire à compléter et à améliorer son étude d'impact, de sorte que le vice tiré de l'absence d'autonomie de ce service n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, nui à l'information du public. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le vice aurait exercé une influence sur le sens de la décision contestée. Dans ces conditions, le moyen soulevé doit être écarté.

10. En quatrième lieu, l'arrêté du 24 septembre 2013 est relatif aux installations de combustion relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 2910-B de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement. Dès lors que l'installation exploitée par la société Dalkia relève du régime distinct de l'autorisation, l'association CEBA ne peut utilement invoquer à l'appui de sa contestation de l'arrêté du 26 mai 2010 les dispositions de l'article 77 de l'arrêté du 24 septembre 2013 en vertu desquelles seules les cendres sous foyer, à l'exclusion des cendres volantes, peuvent être épandues. Il résulte au contraire des dispositions de l'article 53 de l'arrêté du 26 août 2013, relatif aux installations de combustion soumises à autorisation, applicables en l'espèce, que l'épandage des cendres volantes n'est pas interdit.

11. En cinquième lieu, la réglementation applicable aux résidus de l'épuration des fumées est régie par l'arrêté du 25 janvier 1991, lequel ne s'applique pas à une installation de combustion relevant de la rubrique n° 2910 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement. Par suite, le moyen tiré de ce que, en méconnaissance de la réglementation sur l'épuration des fumées, l'arrêté du 27 mai 2014 permettrait le mélange des résidus de l'épuration des fumées avec les résidus urbains est inopérant.

12. En sixième lieu, à l'appui de ses moyens tirés de la méconnaissance de la Convention de Stockholm, relative aux polluants organiques persistants, et du principe de " transparence budgétaire ", l'association CEBA ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation devant les premiers juges. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges aux points 12 et 13 de leur décision.

13. En septième lieu, aux termes de l'article 36 de l'arrêté ministériel du 2 février 1998 : " On entend par "épandage" toute application de déchets ou effluents sur ou dans les sols agricoles. Seuls les déchets ou les effluents ayant un intérêt pour les sols ou pour la nutrition des cultures peuvent être épandus. La nature, les caractéristiques et les quantités de déchets ou d'effluents destinés à l'épandage sont telles que leur manipulation et leur application ne portent pas atteinte, directe ou indirecte, à la santé de l'homme et des animaux, à la qualité et à l'état phytosanitaire des cultures, à la qualité des sols et des milieux aquatiques, et que les nuisances soient réduites au minimum. ".

14. L'arrêté du 27 mai 2014 en litige autorise la société Dalkia à épandre, sur un ensemble de parcelles d'une superficie totale d'environ 7 hectares, les cendres produites par la combustion de l'installation de biomasse. Deux types de cendres sont concernés par l'épandage, à savoir les cendres sous foyer récupérées en partie basse du circuit des fumées et les cendres volantes récupérées au niveau du système de filtration. Dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, les cendres produites présentent des teneurs en phosphore, potasse, magnésium et calcium, autant d'éléments indispensables au cycle de vie des végétaux, leur épandage présente un intérêt pour les sols ou la nutrition des cultures au sens de l'article 2, précité, de l'arrêté ministériel du 2 février 1998. De plus, les analyses effectuées par un laboratoire indépendant à la demande du pétitionnaire ont montré que les cendres présentent des teneurs en éléments-traces métalliques et en composés-traces métalliques très inférieures aux valeurs limites fixées par l'arrêté du 2 février 1998. Les analyses ont également montré que les cendres présentent de faibles quantités en dioxines et furanes, ce qui garantit leur innocuité pour l'environnement. Dans ces conditions, l'association CEBA n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 27 mai 2014 a méconnu les dispositions, précitées, de l'article 2 de l'arrêté du 2 février 1998. Enfin, et en tout état de cause, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que les cendres produites par l'installation constituent des déchets ultimes que le préfet aurait été tenu d'éliminer au titre de la police, distincte, des déchets.

15. En huitième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages (...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1.L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. ".

16. L'arrêté du 27 mai 2014 en litige comporte un article 5.2.3 interdisant l'épandage des cendres à moins de 10 mètres des fossés de drainage principaux des crastes. Ces dernières bénéficient ainsi d'une protection contrairement à ce que soutient l'association requérante. Le risque de dispersion des cendres volantes à caractère pulvérulent est également traité à l'article 3.2 de l'arrêté d'autorisation qui impose leur humidification préalable à l'occasion de leur chargement sur site tandis que l'article 5.2.3 de l'arrêté prescrit leur recouvrement par de la terre 48 heures après leur épandage ainsi que le respect de distances d'éloignement par rapport aux puits, sources, cours d'eau, lieux de baignades et habitations.

17. L'arrêté du 27 mai 2014 en litige comporte, par ailleurs, un article 5.2.1 délimitant des périodes et des lieux dédiés à l'épandage afin d'éviter, notamment, l'accumulation dans le sol de substances susceptibles à long terme de dégrader sa structure ou de présenter un risque écotoxique et il n'est pas allégué que ces mesures seraient insuffisantes. Le risque dit de " bioaccumulation " est traité à l'article 5.3 de l'arrêté qui délimite les concentrations maximales en éléments polluants présents dans les cendres admissibles dans le sol. L'article 5.6 de l'arrêté comporte une série de prescriptions imposant à l'exploitant la tenue d'un cahier d'épandage, la réalisation d'un bilan annuel de l'épandage, un suivi de la quantité et de la qualité des cendres et des sols et des analyses annuelles en dioxines et furanes à proximité de trois points de référence à confier à un laboratoire agréé par le ministère de l'environnement. Il ne résulte pas de l'instruction que cet ensemble de prescriptions ne permettrait pas d'assurer un suivi suffisant des conséquences de l'épandage sur l'environnement.

18. Par suite, l'arrêté du 27 mai 2014, qui a au demeurant fait l'objet d'avis favorables de la part de l'inspecteur de l'environnement, du commissaire-enquêteur et des conseils départementaux de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques des départements de la Gironde et des Landes, n'est pas entaché d'erreur d'appréciation.

19. En neuvième lieu, la circonstance que le préfet ait, par un arrêté du 2 janvier 2017, mis en demeure la société Dalkia de respecter les doses autorisées d'épandage et d'effectuer les analyses des sols prévues n'est pas de nature à révéler l'insuffisance des prescriptions dont était assorti l'arrêté d'autorisation du 27 mai 2014 en litige. Il résulte d'ailleurs d'un nouveau rapport établi par l'inspecteur de l'environnement le 7 septembre 2017 que la campagne d'épandage 2016/2017 a respecté le cadre réglementaire défini par la réglementation et notamment l'arrêté interpréfectoral du 27 mai 2014, les analyses effectuées ayant montré que les cendres épandues sont pauvres en éléments-traces métalliques et en dioxines et furanes. Par suite, ces circonstances sont en tout état de cause sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige.

20. En dixième et dernier lieu, il résulte également de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de précaution, consacré par l'article 5 de la Charte de l'environnement, doit être écarté.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Il résulte de tout ce qui précède que l'association CEBA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 27 mai 2014. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de l'association CEBA la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Dalkia et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association Coordination Environnement du Bassin d'Arcachon (CEBA) est rejetée.

Article 2 : L'association Coordination Environnement du Bassin d'Arcachon versera à la société Dalkia la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Coordination Environnement du Bassin d'Arcachon (CEBA), à la société Dalkia et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire. Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juin 2019.

Le rapporteur,

Frédéric FaïckLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

9

N° 17BX01713


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01713
Date de la décision : 11/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02 Nature et environnement. Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : TESSIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-11;17bx01713 ?
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