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06/06/2019 | FRANCE | N°17BX03665,17BX03693

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 06 juin 2019, 17BX03665,17BX03693


Vu la procédure suivante :

L'association communale de chasse agréée (ACCA) de Blasimon et la société Macifilia ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Blasimon et la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL) à les relever indemnes des condamnations qui pourraient être prononcées contre elles au titre de l'action engagée par M. C... I...et ses parents devant le juge judiciaire en vue de la réparation des dommages subis par M. C...I...du fait de la chute dont il a été victime le 1er janvier 2012, et de surseoir à s

tatuer dans l'attente du jugement du tribunal de grande instance de Bo...

Vu la procédure suivante :

L'association communale de chasse agréée (ACCA) de Blasimon et la société Macifilia ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Blasimon et la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL) à les relever indemnes des condamnations qui pourraient être prononcées contre elles au titre de l'action engagée par M. C... I...et ses parents devant le juge judiciaire en vue de la réparation des dommages subis par M. C...I...du fait de la chute dont il a été victime le 1er janvier 2012, et de surseoir à statuer dans l'attente du jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux.

Par un jugement n° 1505765 du 26 septembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a refusé d'admettre l'intervention à l'instance des parents de M. C...I..., a rejeté les demandes de l'ACCA de Blasimon et de son assureur, et a rejeté les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde tendant à la condamnation de la commune de Blasimon à rembourser ses débours et au versement de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Procédure devant la cour :

I. - Sous le n° 17BX03693, par une requête enregistrée le 28 novembre 2017, M. C... I..., Mme H...I...et M. B...I...représentés par MeJ..., ont demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 septembre 2017 ;

2°) à titre principal, de surseoir à statuer dans l'attente du jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux ;

3°) subsidiairement, de condamner solidairement la commune de Blasimon et la SMACL à verser à M. C...I...une somme totale de 1 834 513,90 euros en réparation des préjudices subis à la suite de sa chute ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Blasimon et de la SMACL une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête devant le tribunal administratif n'était pas une intervention mais tendait à voir condamner la commune de Blasimon à réparer leurs préjudices ;

- le jugement était bien susceptible de préjudicier à leurs droits dès lors qu'il tranchait au fond la question de la responsabilité de la commune ;

- le dommage subi par Hervé I...était imputable à un défaut d'entretien normal de la rampe de sortie des artistes résultant de la configuration des lieux, de l'absence d'éclairage et de l'absence de signalisation du danger ;

- l'accès à la plate-forme sur laquelle a eu lieu l'accident n'était pas interdit ;

- le muret de la salle des fêtes n'est pas conforme aux dispositions de l'arrêté du 15 janvier 2007 portant application du décret n° 2006-1658 du 21 décembre 2006 relatif aux prescriptions techniques pour l'accessibilité de la voirie et des espaces publics, ni à la circulaire n° 2007-53 DGUHC du 30 novembre 2007 relative à l'accessibilité des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des bâtiments d'habitation ni aux dispositions de l'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation, ni à la norme NF P01-012 du juillet 1988 relative à la dimension des garde-corps ;

- le défaut d'entretien normal est révélé par la circonstance que la commune a ensuite délimité l'emprise du muret par des barrières métalliques ;

- il y a un lien de causalité entre le dommage et le muret ;

- contrairement à ce qui ressort des énonciations du jugement attaqué, Hervé I...ne pouvait être considéré comme mal voyant dès lors qu'il bénéficiait d'une correction adaptée par le port de lunettes ; de même " le léger handicap mental " dont le jugement attaqué fait état ne l'empêchait pas de se mouvoir normalement sans accompagnement ; c'est donc à tort que le tribunal a retenu la seule imputabilité à la victime ;

- le préjudice de Hervé I...se monte à 826,70 euros au titre des frais de soins quotidiens non remboursés par l'assurance maladie, et 12 684,13 euros au titre de l'appareillage médical, 5 258,36 euros au titre de frais divers, 8 724,93 euros au titre du capital représentatif des soins futurs non remboursés par l'assurance maladie, 541 525,97 au titre du capital représentatif de la quote-part du coût des appareillages médicaux non remboursés par l'assurance maladie, 25 173,14 euros au titre des dépenses d'aménagement de son domicile, 24 400 euros pour l'achat d'un véhicule adapté et 45 425,05 euros de capital représentatif à ce titre, 614 600 euros au titre des arrérages pour l'aide à domicile du 27 septembre 2013 jusqu'au 30 janvier 2017 et 12 115 euros de rente mensuelle après cette date à ce même titre, 16 800 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total, 50 000 euros au titre des souffrances endurées, 435 600 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 30 000 euros au titre du préjudice esthétique, 50 000 euros au titre du préjudice sexuel, 50 000 euros au titre du préjudice " d'établissement " et 50 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

- le préjudice moral de M. et Mme I...doit être évalué à 50 000 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés le 11 décembre 2018, le 17 janvier 2019, le 11 mars 2019 et le 22 mars 2019, la SMACL et la commune de Blasimon, représentées par Me F... concluent à titre principal au rejet de la requête, subsidiairement à ce que la cour sursoie à statuer, limite la part de responsabilité de la commune de Blasimon dans le dommage à 20%, ramène les indemnisations demandées par les requérants à de plus justes proportions, et en tout état de cause à ce que soit mise à la charge de l'ACCA de Blasimon et de la société Macifilia une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la requête de première instance de l'ACCA de Blasimon et de la société Macifilia était irrecevable faute de mentionner leur domicile ;

- la requête de la société Macifilia était également irrecevable au motif que sa dénomination exacte et son siège social n'étaient pas mentionnés ;

- l'ACCA de Blasimon et la société Macifilia n'ont pas établi avoir été régulièrement autorisées à ester en justice en première instance ;

- l'ACCA de Blasimon et la société Macifilia n'établissent pas être régulièrement autorisées à ester en justice en appel ;

- l'ACCA de Blasimon et la société Macifilia étaient dépourvues d'intérêt à agir en première instance en l'absence de condamnation judiciaire ;

- la société Macifilia n'est pas subrogée dans les droits de l'ACCA de Blasimon dès lors que l'assureur n'est fondé à se prévaloir de la subrogation légale dans les droits de son assuré, que si l'indemnité a été versée en exécution d'un contrat d'assurance ;

- l'intervention des consorts I...en première instance était irrecevable dès lors que la requête au soutien de laquelle ils intervenaient était elle-même irrecevable ;

- c'est à bon droit que le tribunal a relevé que les consort I...ne justifiaient pas d'un droit auquel serait susceptible de préjudicier le jugement à rendre sur la requête de l'ACCA et de son assureur ; dès lors que l'intervention des consorts I...ne pouvait être admise en première instance, leur appel est également irrecevable ;

- les parents de Hervé I...sont sans intérêt pour intervenir en son nom après son décès ;

- dès lors que les fins de non recevoir sont fondées, une intervention volontaire de l'ACCA de Blasimon et la société Macifilia sera irrecevable ;

- les conclusions de la CPAM fondées sur la responsabilité sans faute sont présentées pour la première fois en appel et sont à ce titre irrecevables ;

- la preuve du lien de causalité entre la chute de la victime et l'ouvrage public incriminé ne peut être considérée comme rapportée ;

- contrairement à ce qu'écrivent les consortsI..., la zone de l'accident était normalement éclairée ; aucune anomalie n'a été signalée dans les deux rapports de la SOCOTEC ; la commission de sécurité a donné deux avis favorables les 24 mars 2011 et 24 mars 2014 ; cette zone n'était pas destinée à la circulation du public ;

- la norme NF P 012 relative aux dimensions des garde-corps dans les établissements recevant du public et leurs abords n'est pas applicable lorsque la hauteur de chute est inférieure à 1 mètre, alors qu'en l'espèce au lieu de la chute le dénivelé était de l'ordre de 40 cm ;

- Hervé I...connaissait les lieux ; il n'aurait pas dû se trouver là et emprunter une sortie réservée aux artistes alors qu'il était venu en qualité de spectateur ; il appartenait à M. B... I..., son père, en sa qualité de curateur de la victime, de lui interdire l'accès à ce passage ; les conditions de transport de la victime après sa chute ont probablement concouru à la réalisation du dommage ; l'ensemble de ces éléments caractérisent une faute de la victime excluant tout droit à indemnisation, et subsidiairement limitant la responsabilité de la commune à un cinquième des conséquences dommageables ;

- contrairement aux affirmations de la CPAM, Hervé I...avait la qualité d'usager de l'ouvrage public ;

- les conclusions de la CPAM fondées sur la responsabilité sans faute sont nouvelles en appel et donc irrecevables ;

- les dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales sont inapplicables en l'espèce dès lors que le lieu de la chute ne constitue pas une voie publique ; l'arrêté du 1er août 2006 pour l'accessibilité aux personnes handicapées laissait jusqu'au 1er janvier 2015 pour adapter le taux d'éclairement d'un espace extérieur ouvert au public ;

- l'évaluation des préjudices d'Hervé I...est exagérée et les justificatifs sont insuffisants ;

- la CPAM ne justifie pas que les débours dont elle demande le remboursement sont liés aux conséquences de l'accident dont a été victime HervéI... ;

- les frais futurs dont la CPAM demande l'indemnisation devront être justifiés ;

- la CPAM ne produit aucune pièce justifiant du montant de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

- les demandes de M. et Mme I...en leur qualité de victimes par ricochet sont également excessives.

Par des mémoires enregistrés le 11 décembre 2018, le 15 janvier et le 22 janvier 2019 et le 6 mars 2019, la CPAM de la Gironde, représentée par MeD..., demande, dans le dernier état de ses écritures, que :

1°) la commune de Blasimon et la SMACL soient condamnées solidairement à lui verser une somme de 536 294,06 euros au titre de ses débours ;

2°) la commune de Blasimon et la SMACL soient condamnées solidairement à lui verser une somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, en application des articles 9 et 10 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 ;

3°) ces sommes soient assorties des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

4°) une somme de 800 euros soit mise à la charge solidaire de la commune de Blasimon et la SMACL au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de la commune est engagée en raison du défaut d'entretien normal de l'ouvrage public à l'origine de la chute d'HervéI... ; comme l'a démontré l'enquête diligentée par la gendarmerie de Langon, l'éclairage extérieur de la salle des fêtes était défectueux depuis 2 à 3 ans, ce que la commune de Blasimon ne pouvait ignorer et le danger n'était pas signalé ;

- la responsabilité sans faute de la commune est également engagée dès lors que Hervé I...était spectateur et a seulement prêté son aide aux musiciens qui rangeaient leur matériel ;

- Hervé I...n'a pas commis de faute susceptible d'exonérer la commune de sa responsabilité ; elle ne saurait en tout état de cause entraîner une exonération totale de la commune ;

- elle établit suffisamment le lien entre les frais dont elle demande le remboursement et le dommage par la production d'une attestation d'imputabilité émanant du médecin-conseil de l'échelon local du service médical ;

- l'indemnité forfaitaire de gestion est de droit ;

- ses conclusions tendant à la condamnation de la commune et de son assureur sur le fondement de la responsabilité sans faute sont recevables dès lors que l'appelant qui était défendeur devant le tribunal administratif peut invoquer en appel, dans le délai d'appel, les moyens soulevés en première instance ainsi que des moyens nouveaux, y compris des moyens reposant sur des causes juridiques différentes ;

- elle arrête ses débours à la somme de 536 294,06 euros ; elle évalue les frais futurs à échoir après le 4 novembre 2018 à la somme de 757 709,05 euros.

Par des mémoires enregistrés le 15 janvier 2019 et le 4 avril 2019, l'ACCA de Blasimon et la société Macifilia, représentées par la SCP Deffieux - Garraud - Jules, demandent à titre principal à ce que la cour sursoie à statuer dans l'attente du jugement au fond du tribunal de grande instance de Bordeaux, subsidiairement, à l'annulation du jugement n° 1505765 du 26 septembre 2017 du tribunal administratif de Bordeaux et à ce que la commune de Blasimon et la SMACL soient solidairement condamnées à indemniser l'entier préjudice d'Hervé I...et à les relever indemnes de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre elles, et en tout état de cause à ce que soit mise à la charge de la commune de Blasimon et de la SMACL, solidairement, une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la mention des nom et domicile des parties a pour seul objet de permettre leur identification ainsi que la transmission des pièces et n'est pas prescrite à peine d'irrecevabilité de la requête ; en l'espèce, il ne peut y avoir d'ambiguïté sur l'identité de la commune de Blasimon dès lors qu'elle est la seule à porter ce nom ;

- la société Macifilia est une société anonyme à conseil d'administration, représentée par son directeur général, et n'a pas à justifier que son représentant légal aurait été autorisé à agir en justice ;

- aux termes du deuxième alinéa de l'article 10 des statuts de l'ACCA, le président est " le représentant légal de l'association en toutes circonstances, notamment en justice et vis-à-vis des tiers " ;

- il est nécessaire que la cour sursoie à statuer dans l'attente de la décision du tribunal de grande instance de Bordeaux ;

- le dommage est imputable à un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public en l'absence de tout dispositif de protection ou de signalement du danger sur le muret longeant la plateforme, et d'éclairage adéquat ; en effet les critères de sécurité posés par la circulaire interministérielle du 30 novembre 2007 relative à l'accessibilité des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des bâtiments d'habitation et la norme NFP 01-12 de juillet 1988 ne sont pas respectés ;

- l'éclairage de la zone contrevient également à l'arrêté du 15 janvier 2007 portant application du décret n° 2006-1658 relatif aux prescriptions techniques pour l'accessibilité de la voirie et des espaces publics ;

- le lien de causalité est établi ;

- la commune a également commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité en ne procédant à aucuns travaux alors qu'elle ne pouvait ignorer le défaut d'éclairage de la plate-forme, en méconnaissance des obligations qui lui incombent en application des dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales.

Par ordonnance du 15 avril 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 3 mai 2019 à 12 heures.

A la suite du décès d'Hervé I...le 24 décembre 2018, ses parents ont déclaré reprendre l'instance en qualité d'héritiers de leur fils, par mémoire du 8 mars 2019, qui maintient par ailleurs leurs autres conclusions et moyens.

II. - Sous le n° 17BX03665, la CPAM de la Gironde demande, par une requête enregistrée le 24 novembre 2017 et des mémoires enregistrés le 11 décembre 2018 , le 15 janvier 2019, le 22 janvier 2019 et le 6 mars 2019, que la commune de Blasimon et la SMACL soient condamnées solidairement à lui verser une somme de 536 294,06 euros au titre des prestations déjà versées, à lui verser une somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion en application des articles 9 et 10 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996, que ces sommes soient assorties des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir, eux-mêmes capitalisés, et à ce que soit mise à leur charge solidaire une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Hervé I...doit pouvoir bénéficier du régime de responsabilité sans faute car il n'était pas usager de l'ouvrage mais tiers au spectacle, ayant seulement assisté les musiciens ;

- le muret qui bordait la plateforme n'était pas conforme aux règles de sécurité puisqu'il aurait dû comporter un garde-corps pour supprimer les risques de chute en hauteur, et la zone n'était pas suffisamment éclairée ; Hervé I...était usager de l'ouvrage et la responsabilité de la commune est donc également engagée sur le fondement du défaut d'entretien normal ;

- elle établit suffisamment le lien entre les frais dont elle demande le remboursement et le dommage par la production d'une attestation d'imputabilité émanant du médecin-conseil de l'échelon local du service médical ;

- l'indemnité forfaitaire de gestion est de droit ;

- ses conclusions tendant à la condamnation de la commune et de son assureur sur le fondement de la responsabilité sans faute sont recevables dès lors que l'appelant qui était défendeur devant le tribunal administratif peut invoquer en appel, dans le délai d'appel, les moyens soulevés en première instance ainsi que des moyens nouveaux, y compris des moyens reposant sur des causes juridiques différentes ;

- Hervé I...n'a pas commis de faute susceptible d'exonérer la commune de sa responsabilité ; elle ne saurait en tout état de cause entraîner une exonération totale de la commune ;

- elle arrête ses débours à la somme définitive de 536 294,06 euros.

Par des mémoires enregistrés le 11 décembre 2018, le 17 janvier 2019, le 11 mars 2019, le 22 mars 2019 et le 3 mai 2019, la commune de Blasimon et la SMACL concluent au rejet de la requête, subsidiairement, à ce que la cour sursoie à statuer, limite la part de responsabilité de la commune de Blasimon dans le dommage à 20%, ramène les demandes des requérants à de plus justes proportions, et en tout état de cause à ce que soit mise à la charge de l'ACCA de Blasimon et de la société Macifilia une somme de 6 000 euros au bénéfice de chacune d'entre elles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la requête de première instance de l'ACCA de Blasimon et de la société Macifilia était irrecevable faute de mentionner leur domicile ;

- la requête de la société Macifilia était également irrecevable au motif que sa dénomination exacte et son siège social n'étaient pas mentionnés ;

- l'ACCA de Blasimon et la société Macifilia n'ont pas établi avoir été régulièrement autorisées à ester en justice en première instance ;

- l'ACCA de Blasimon et la société Macifilia n'établissent pas être régulièrement autorisées à ester en justice en appel ;

- l'ACCA de Blasimon et la société Macifilia étaient dépourvues d'intérêt à agir en première instance ;

- la société Macifilia n'est pas subrogée dans les droits de l'ACCA dès lors que l'assureur n'est fondé à se prévaloir de la subrogation légale dans les droits de son assuré, que si l'indemnité a été versée en exécution d'un contrat d'assurance ;

- l'intervention des consorts I...en première instance était irrecevable dès lors que la requête au soutien de laquelle ils intervenaient était elle-même irrecevable ;

- dès lors que l'intervention des consorts I...ne pouvait être admise en première instance, leur appel est également irrecevable ;

- une éventuelle intervention de l'ACCA de Blasimon et la société Macifilia serait irrecevable ;

- les conclusions de la CPAM fondées sur la responsabilité sans faute sont présentées pour la première fois en appel et sont à ce titre irrecevables ;

- la preuve du lien de causalité entre la chute de la victime et l'ouvrage public incriminé ne peut être considérée comme rapportée ;

- contrairement à ce qu'écrivent les consortsI..., la zone de l'accident était normalement éclairée ;

- la norme NF P 012 relative aux dimensions des garde-corps dans les établissements recevant du public et leurs abords n'est pas applicable lorsque la hauteur de chute est inférieure à 1 mètre ;

- Hervé I...connaissait les lieux ; il n'aurait pas dû se trouver là et emprunter une sotie réservée aux artistes alors qu'il était venu en qualité de spectateur ;

- il appartenait à M. B...I..., en sa qualité de curateur de la victime, de lui interdire l'accès à ce passage ; les conditions de transport de la victime après sa chute ont probablement concouru à la réalisation du dommage ; l'ensemble de ces éléments caractérisent une faute de la victime ;

- contrairement aux affirmations de la CPAM, Hervé I...avait la qualité d'usager de l'ouvrage public ;

- les conclusions de la CPAM fondées sur la responsabilité sans faute sont nouvelles en appel et donc irrecevables ;

- les dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales sont inapplicables en l'espèce dès lors que le lieu de la chute ne constitue pas une voie publique ;

- l'évaluation des préjudices de Hervé I...est exagérée ;

- la CPAM ne justifie pas que les débours dont elle demande le remboursement sont liés aux conséquences de l'accident dont a été victime Hervé I... ;

- les frais futurs dont la CPAM demande l'indemnisation devront être justifiés ;

- la CPAM ne produit aucune pièce justifiant du montant de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

- les demandes de M. et Mme I...en leur qualité de victimes par ricochet sont également excessives.

Par des mémoires en défense enregistrés le 15 janvier 2019 et le 4 avril 2019, l'ACCA de Blasimon et la société Macifilia concluent à titre principal à ce que la cour sursoie à statuer dans l'attente du jugement au fond du tribunal de grande instance de Bordeaux, subsidiairement à ce qu'elle annule le jugement n° 1505765 du 26 septembre 2017 du tribunal administratif de Bordeaux, condamne solidairement la commune de Blasimon et la SMACL à indemniser l'entier préjudice de M. C...I...et à les relever de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre, et en tout état de cause à ce que soit mise à la charge de la commune de Blasimon et de la SMACL une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la mention des nom et domicile des parties a pour seul objet de permettre leur identification ainsi que la transmission des pièces ; en l'espèce, il ne peut y avoir d'ambiguïté sur l'identité de la commune de Blasimon dès lors qu'elle est la seule à porter ce nom ;

- la société Macifilia est une société anonyme à conseil d'administration représentée par son directeur général et n'a pas à justifier que son représentant légal aurait été autorisé à agir en justice ;

- aux termes du deuxième alinéa de l'article 10 des statuts de l'ACCA, le président est " le représentant légal de l'association en toutes circonstances, notamment en justice et vis-à-vis des tiers " ;

- il est nécessaire que la cour sursoie à statuer dans l'attente de la décision du tribunal de grande instance de Bordeaux ;

- le dommage est imputable à un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public en l'absence de tout dispositif de protection ou de signalement du danger sur le muret longeant la plateforme et d'éclairage adéquat ; en effet les critères de sécurité posés par la circulaire interministérielle du 30 novembre 2007 relative à l'accessibilité des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des bâtiments d'habitation et la norme NFP 01-12 de juillet 1988 ne sont pas respectés ;

- l'éclairage de la zone contrevient également à l'arrêté du 15 janvier 2007 portant application du décret n° 2006-1658 relatif aux prescriptions techniques pour l'accessibilité de la voirie et des espaces publics ;

- le lien de causalité est établi ;

- la commune a également commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité en ne procédant à aucuns travaux alors qu'elle ne pouvait ignorer le défaut d'éclairage de la plate-forme, en méconnaissance des obligations qui lui incombent en application des dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales.

Par ordonnance du 15 avril 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 3 mai 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le décret n° 2006-1658 du 21 décembre 2006 relatif aux prescriptions techniques pour l'accessibilité de la voirie et des espaces publics ;

- l'arrêté du 15 janvier 2007 portant application du décret n° 2006-1658 du 21 décembre 2006 relatif aux prescriptions techniques pour l'accessibilité de la voirie et des espaces publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. David Terme,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant les ConsortsI..., de MeG..., représentant la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, de MeE..., représentant la commune de Blasimon et la SMACL et de MeK..., représentant la Société Macifilia et l'Association communale de chasse agréée de Blasimon.

Une note en délibéré présentée pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde par Me D...a été enregistrée le 22 mai 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Le 31 décembre 2011, l'association communale de chasse agréée (ACCA) de Blasimon (Gironde) a organisé un concert à la salle des fêtes de la commune. Vers 4h30 après la fin du concert, HervéI..., fils du chanteur du groupe musical et spectateur de l'animation, a aidé les musiciens à ranger leur matériel en passant par la sortie de scène, qui donnait sur une plateforme donnant accès au parking bordée par un petit muret. Il a alors été victime d'une chute et a été retrouvé en position semi allongée, adossé contre un poteau situé à l'extrémité de la plate-forme, de l'autre côté de ce muret. A la suite de cette chute, il est devenu tétraplégique. Le 2 septembre 2013, Hervé I...et ses parents ont assigné l'association communale de chasse ainsi que son assureur devant le tribunal de grande instance de Bordeaux notamment aux fins de désignation d'un expert. Par une ordonnance de référé du 29 septembre 2014, les opérations d'expertise judiciaire ont été étendues à la commune. Le 17 janvier 2015, l'expert a déposé son rapport. Le 26 mars 2015, M. I...et ses parents ont demandé au tribunal de grande instance de Bordeaux de condamner l'association communale de chasse et son assureur, la société Macifilia, à réparer 1'ensemble des préjudices subis. Par courrier du 23 décembre 2015, les consorts I...ont présenté une demande préalable d'indemnisation à la commune de Blasimon en chiffrant leur préjudice, demande qui a été implicitement rejetée. Après avoir formulé une réclamation préalable par courrier du 31 décembre 2015, l'association communale de chasse agréée et la société Macifilia ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune à les garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre par le tribunal de grande instance dans l'action intentée par les consortsI.... Les consorts I...sont intervenus à cette instance, de même que la caisse primaire d'assurance maladie qui sollicitait pour sa part la condamnation de la commune à lui rembourser les débours exposés pour son affilié. Sous le n° 17BX03693, les consorts I...relèvent appel du jugement du 26 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les demandes de l'ACCA de Blasimon et de son assureur, a refusé d'admettre l'intervention des consorts I...à l'instance et a rejeté les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde. Sous le n° 17BX03665, la CPAM de la Gironde fait appel du même jugement. Le 24 décembre 2018, Hervé I...est décédé, ses parents ayant ensuite déclaré reprendre l'instance.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées n° 17BX03665 et n° 17BX03693 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la responsabilité de la commune de Blasimon, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des demandes :

3. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu sur un ouvrage public de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre l'ouvrage public et le dommage dont il se plaint. Le responsable d'un ouvrage public peut être déchargé de la responsabilité qui pèse sur lui à l'égard des usagers en établissant l'aménagement et l'entretien normal de l'ouvrage, ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à la force majeure.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la sortie de la salle des fêtes empruntée par Hervé I...débouche sur une plate-forme en béton séparée du parking par une distance approximative de 15 mètres et qui présente une largeur de 3 mètres à l'endroit où il a chuté. Si cette plate-forme est bordée, à l'approche du parking, par un muret d'une hauteur d'une vingtaine de centimètres qui la sépare de la cour sur laquelle donne la cuisine de la salle des fêtes, elle ne présente pas par ailleurs de caractéristique la rendant dangereuse.

5. En deuxième lieu, si les requérants soutiennent que la zone de chute était insuffisamment éclairée, il résulte de l'instruction qu'à proximité de cette zone se trouvaient un projecteur de 150 watts placé au dessus de la porte de sortie de la salle des fêtes, le point lumineux du local de rangement des poubelles ainsi qu'un candélabre éclairant la voie publique. Si les consorts I...soutiennent que le projecteur situé au dessus de la sortie de la scène ne fonctionnait pas, la commune produit pour sa part deux avis favorables de la commission de sécurité de Langon émis à la suite de visites effectuées le 20 mars 2011 et le 24 mars 2014, ainsi que les rapports de vérification des installations électriques établis par la société Socotec à la suite de visites effectuées le 22 février 2011 et le 24 février 2012 qui ne mentionnent pas de dysfonctionnement de l'installation électrique sur ce point, et il n'est en outre pas allégué que cet éclairage aurait été actionné au moment des faits. Au demeurant, la seule circonstance que cette zone, qui n'était pas ouverte au public, n'aurait pas été éclairée à 4h30 du matin ne révèle pas un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public.

6. En troisième lieu, si les requérants se prévalent du non respect de la norme NF P01-012 de juillet 1988 relative aux dimensions des garde-corps et aux règles de sécurité relatives aux dimensions des garde-corps et rampes d'escalier, cette norme n'a en tout état de cause pas été rendue obligatoire. De même ils ne peuvent invoquer la circulaire interministérielle n° DGUHC 2007-53, qui n'a pas de caractère réglementaire. Si les requérants se prévalent encore des dispositions de l'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation relatives à l'accessibilité des bâtiments recevant du public aux personnes handicapées, les exigences qu'elles posent n'étaient applicables aux établissements recevant du public dans un cadre bâti existant que dans un délai prévu par l'article L. 111-7-3 ne pouvant excéder dix ans à compter de la publication de loi n° 2005-102 du 11 février 2005 et il ne résulte pas de l'instruction que des dispositions contraignantes aient été rendues applicables en l'espèce à la date de l'accident. Enfin, les articles R. 111-19 et suivants du même code ne peuvent être utilement invoqués dès lors qu'ils étaient applicables " lors de la construction ou de la création par changement de destination, avec ou sans travaux, d'établissements recevant du public et d'installations ouvertes au public ", et qu'il n'est pas établi ni même allégué que la construction de la salle des fêtes aurait été postérieure à l'entrée en vigueur de dispositions, au demeurant non précisées, qui auraient été ici méconnues.

7. En quatrième lieu, les requérants semblent soutenir que le muret sur lequel Hervé I...aurait chuté constitue une " zone de conflit " non conforme aux dispositions du décret du 21 décembre 2006 relatif aux prescriptions techniques pour l'accessibilité de la voirie et des espaces publics ainsi qu'à celles de l'arrêté du 15 janvier 2007 pris pour son application. Toutefois, les caractéristiques de la plate-forme rappelées ci-dessus permettent un cheminement aisé et rectiligne depuis la sortie du bâtiment jusqu'au parking et elle est en tous points suffisamment large pour y circuler sans danger ou devoir franchir ce muret, qui ne se situe pas sur un cheminement et est par ailleurs aisément détectable par toute personne normalement attentive. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que les dispositions de l'arrêté invoquées qui prévoient que " L'installation de l'éclairage et les matériaux mis en oeuvre doivent permettre aux usagers de repérer les zones de cheminement et les zones de conflit " auraient été méconnues.

8. Enfin, la circonstance que la commune de Blasimon ait fait installer, postérieurement à l'accident, des barrières à l'endroit de la chute d'Hervé I...ne suffit pas à établir que l'ouvrage en cause aurait été affecté d'un défaut d'entretien normal.

9. Par ailleurs, il résulte également de l'instruction qu'HervéI..., atteint d'un déficit mental en raison duquel il se trouvait placé sous la curatelle de ses parents, était malvoyant et connaissait bien les lieux, puisqu'il avait déjà accompagné à plusieurs reprises le groupe musical et aidé à ranger leur matériel à ce même endroit. Dès lors, la commune est fondée à soutenir que sa présence à cet endroit en principe non ouvert au public, à 4h30 du matin par temps de pluie, révèle également une faute d'imprudence qui doit être regardée comme seule à l'origine de l'accident.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des requêtes d'appel et les fins de non-recevoir invoquées en défense, que les consorts I...et la CPAM de la Gironde ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leurs demandes. Il y a lieu de rejeter également, pour les mêmes motifs et sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, les conclusions de l'ACCA de Blasimon tendant à ce que la commune de Blasimon soit condamnée à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle dans l'instance judiciaire pendante.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes n° 17BX03693 et n° 17BX03665 sont rejetées.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...I..., à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, à la commune de Blasimon, à la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL), à l'association communale de chasse agréée de Blasimon et à la société Macifilia mutuelle.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. David Terme, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 6 juin 2019.

Le rapporteur,

David TERMELe président,

Catherine GIRAULTLe greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°17BX03665, 17BX03693


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX03665,17BX03693
Date de la décision : 06/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. David TERME
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET BARDET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-06;17bx03665.17bx03693 ?
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