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06/06/2019 | FRANCE | N°17BX01676

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 06 juin 2019, 17BX01676


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2016 par lequel le président de la région Aquitaine Limousin Poitou-Charentes l'a radiée des cadres pour abandon de poste à compter du 11 juillet 2016, d'enjoindre à la région Nouvelle Aquitaine de la réintégrer et de reconstituer sa carrière et de condamner la région Nouvelle Aquitaine à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction illégale.

Par un juge

ment n° 1601635 du 19 avril 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2016 par lequel le président de la région Aquitaine Limousin Poitou-Charentes l'a radiée des cadres pour abandon de poste à compter du 11 juillet 2016, d'enjoindre à la région Nouvelle Aquitaine de la réintégrer et de reconstituer sa carrière et de condamner la région Nouvelle Aquitaine à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction illégale.

Par un jugement n° 1601635 du 19 avril 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 mai 2017 et 19 novembre 2018, Mme C..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 avril 2017 du tribunal administratif de Pau ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre à la région Nouvelle Aquitaine de la réintégrer et de reconstituer sa carrière ;

4°) de condamner la région Nouvelle Aquitaine à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction illégale ;

5°) de mettre à la charge de la région Nouvelle Aquitaine une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en vertu de l'article 24 du décret du 10 juin 1985, il est indispensable qu'à la suite de l'avis du comité médical, le médecin de prévention donne son accord à une reprise d'activité à temps complet ; or, le dernier avis du médecin de prévention, émis le 5 novembre 2013, était défavorable à une reprise de fonctions, et ce dernier ne s'est pas positionné en faveur d'une reprise avant l'arrêté attaqué ;

- une mise en demeure ne peut être utilement envoyée à un agent qui est en situation d'absence justifiée, telle qu'un congé maladie ;

- la lettre de mise en demeure de rejoindre son poste de travail en date du 24 juin 2016 n'indique pas clairement qu'à défaut, elle sera privée des garanties de la procédure disciplinaire ; sa formulation est équivoque ;

- la mise en demeure lui a laissé un délai insuffisant pour regagner son poste de travail ;

- en vertu de l'article 15 du décret du 30 juillet 1987, il incombait à l'administration de procéder à une contre-visite médicale ; faute pour l'administration d'avoir contesté le bien-fondé du congé de maladie, dont elle était informée, elle ne pouvait pas la considérer comme en situation d'abandon de poste ; la région l'a ainsi délibérément mise dans l'impossibilité de reprendre son travail compte tenu des nombreux éléments médicaux reconnaissant son inaptitude médicale à une telle reprise ; compte tenu des contradictions entre les avis médicaux émis sur son état, et dès lors que son médecin traitant avait prolongé son arrêt de travail, elle ne peut être regardée comme ayant rompu de sa propre initiative le lien qui l'unissait au service ;

- il conviendra à tout le moins d'ordonner une expertise médicale aux fins de déterminer si son état de santé était compatible avec une reprise de fonctions le 11 juillet 2016 ;

- ses conclusions indemnitaires sont recevables ;

- elle a subi un préjudice financier, lié à la perte de traitements qu'elle aurait pu percevoir, ainsi qu'un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2018, la région Nouvelle Aquitaine, représentée par la société Claisse et associés, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme C...d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe que l'administration devrait solliciter l'avis du médecin de prévention postérieurement à l'avis rendu par le comité médical ;

- l'administration n'est pas davantage tenue de faire procéder à une contre-visite lorsque, comme en l'espèce, l'arrêt de travail est remis postérieurement à l'avis du comité médical déclarant l'agent apte à la reprise du service, dès lors que le nouveau certificat médical n'apporte aucun élément nouveau sur l'état de santé de l'agent ;

- la mise en demeure informait Mme C...que, faute d'y déférer, elle serait radiée des cadres sans recourir à la procédure disciplinaire ;

- MmeC..., eu égard aux avis du comité médical et du comité médical supérieur, et dès lors que l'arrêt de travail portant sur la période du 1er au 30 juillet 2016 n'apportait aucun élément nouveau, se trouvait bien en situation d'absence injustifiée ; aucune circonstance ne faisait donc obstacle à l'envoi d'une mise en demeure de reprendre ses fonctions, et elle doit être regardée comme ayant rompu le lien qui l'unissait au service ;

- les conclusions à fin d'injonction et d'annulation devront être rejetées par voie de conséquence du rejet des conclusions à fin d'annulation.

Par ordonnance du 18 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 1er mars 2019 à 12 heures.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant MmeC....

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., adjoint technique territorial des établissements d'enseignement, a occupé à compter du 1er septembre 2011 les fonctions d'agent d'entretien au lycée Saint Cricq à Pau. A la suite d'une opération chirurgicale pratiquée le 14 novembre 2011, elle a été placée en congé de maladie ordinaire puis, à compter du 18 janvier 2013, placée en disponibilité d'office pour raison de santé, dans l'attente de l'avis du comité médical départemental. Le 6 février 2013, le comité médical des Pyrénées Atlantiques a émis un avis favorable à une reprise de fonctions à temps plein, sans aménagement de poste. A l'issue des consultations des 7 mars 2013 et 5 novembre 2013, le médecin de prévention a estimé que l'intéressé était temporairement inapte à une reprise de fonctions. Le 5 mars 2014, le comité médical des Pyrénées Atlantiques a émis un nouvel avis favorable à une reprise de fonctions à temps plein, sans aménagement de poste. Mme C...ne s'est ensuite pas rendue aux rendez-vous fixés les 22 avril 2014 et 6 mai 2014 par le médecin de prévention. Par un rapport d'expertise établi le 20 novembre 2014, le docteurE..., médecin agréé, a considéré que l'intéressée était inapte de façon absolue et définitive à l'exercice de ses fonctions. A la suite de ce rapport d'expertise, le comité médical départemental a de nouveau été saisi. Avant de rendre un avis, ladite instance a décidé de recourir à une expertise médicale. Mme C...ne s'est pas présentée aux rendez-vous fixés les 25 mars 2015, 1er septembre 2015 et 3 septembre 2015 par des médecins agréés aux fins d'expertise médicale. Lors de sa séance du 6 janvier 2016, le comité médical a décidé d'ajourner l'examen du dossier de MmeC..., faute de disposer d'une expertise médicale. L'intéressée n'a pas davantage déféré à la convocation du 9 février 2016 aux fins d'expertise médicale par un médecin agréé. Lors de sa séance du 2 mars 2016, le comité médical départemental a émis un avis favorable à sa reprise de fonctions à temps complet sans aménagement de poste. Par courrier du 23 mars 2016, le président de la région Aquitaine Limousin Poitou-Charentes a mis Mme C...en demeure de reprendre ses fonctions le 11 avril 2016 sous peine de radiation des cadres, mise en demeure à laquelle l'intéressée n'a pas déféré. Saisi par MmeC..., le comité médical supérieur, par un avis du 15 juin 2016, a confirmé l'avis du comité médical départemental quant à l'aptitude de Mme C...à une reprise de fonctions. Par courrier du 24 juin 2016, la région a informé Mme C...de la teneur de cet avis et l'a mise en demeure de reprendre ses fonctions à partir du 11 juillet 2016. Mme C...n'a pas repris ses fonctions à cette date et a transmis à la région une prolongation d'arrêt de travail pour la période du 1er au 31 juillet 2016. Par un arrêté du 22 juillet 2016, le président de la région Aquitaine Limousin Poitou-Charentes l'a radiée des cadres pour abandon de poste à compter du 11 juillet 2016. Mme C...fait appel du jugement du 19 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté, à ce qu'il soit enjoint à la région Nouvelle Aquitaine de la réintégrer et de reconstituer sa carrière et à la condamnation de la région Nouvelle Aquitaine à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de ses préjudices.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 22 juillet 2016 :

2. Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.

3. En premier lieu, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, il ne résulte pas des dispositions, invoquées par la requérante, de l'article 24 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale, ni au demeurant d'aucun autre texte ou principe, que la reprise de fonctions de MmeC..., reprise pour laquelle le comité médical départemental et le comité médical supérieur avaient émis des avis favorables, était en outre subordonnée à l'accord d'un médecin de prévention.

4. En deuxième lieu, le courrier du 24 juin 2016, reçu par Mme C...le 25 juin 2016, la mettant en demeure de reprendre ses fonctions le 11 juillet suivant, précise qu'à défaut d'une telle reprise, il sera procédé à sa radiation des cadres pour abandon de poste " sans recourir à la procédure disciplinaire ". Contrairement à ce qui est soutenu en appel, ce courrier, dont la formulation est dépourvue de toute ambigüité, a informé la requérante de ce que sa radiation pourrait être mise en oeuvre sans qu'elle bénéficie des garanties de la procédure disciplinaire.

5. En troisième lieu, la mise en demeure de reprendre ses fonctions le 11 juillet 2016 a été notifiée à Mme C...le 25 juin 2016. La requérante a ainsi bénéficié, contrairement à ce qu'elle soutient, d'un délai approprié pour reprendre ses fonctions.

6. Enfin, il ressort des pièces du dossier que Mme C...n'a pas déféré à la mise en demeure de reprendre ses fonctions le 11 juillet 2016 mais a produit un avis de prolongation d'arrêt de travail portant sur la période allant du 1er au 31 juillet 2016. La requérante fait valoir qu'elle ne pouvait, en l'absence de contestation du bien-fondé de cet avis de prolongation de son arrêt de travail par son employeur selon la procédure prévue par l'article 15 du décret du 30 juillet 1987 relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, être regardée comme se trouvant en situation d'absence irrégulière à la date à laquelle elle a été radiée des cadres. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, tant le comité médical départemental que le comité médical supérieur ont constaté l'aptitude de Mme C...à reprendre son travail à temps plein par des avis émis, en dernier lieu, les 2 mars 2016 et 15 juin 2016. Or, et ainsi que l'a relevé le tribunal, la requérante ne soutient pas que l'avis de prolongation de l'arrêt de travail dont elle se prévaut apportait des éléments nouveaux sur son état de santé par rapport aux constatations sur la base desquelles ont été rendus ces avis. Dans ces conditions, la région n'était pas tenue de procéder à une contre-visite. MmeC..., qui ne peut utilement se prévaloir d'élément médicaux établis en 2013 et 2014, antérieurement à ces avis, s'est donc placée en situation irrégulière en s'abstenant de reprendre ses fonctions le 11 juillet 2016, rompant ainsi le lien qui l'unissait à la région.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

7. Eu égard à ce qui a été exposé ci-dessus, Mme C...ne démontrant pas que l'arrêté du 22 juillet 2016 en litige serait entaché d'une illégalité fautive, elle ne peut en conséquence prétendre à la réparation du préjudice que lui aurait causé cette décision.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme C...ne peuvent, par suite, être accueillies.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. La région Nouvelle Aquitaine n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de Mme C...tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C...une somme quelconque à verser à la région Nouvelle Aquitaine sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la région Nouvelle Aquitaine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et à la région Nouvelle Aquitaine.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 juin 2019.

Le rapporteur,

Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,

Aymard de MALAFOSSE

Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 17BX01676


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01676
Date de la décision : 06/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-04 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Abandon de poste.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : CABINET CLAISSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-06;17bx01676 ?
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