Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 11 février 2014 par laquelle la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Bordeaux a confirmé la décision du 5 décembre 2013 prononcée par le directeur du centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne en commission de discipline lui infligeant une sanction de quatorze jours de placement en cellule disciplinaire dont sept jours avec sursis.
Par un jugement n° 1401212 du 7 décembre 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 février 2017 et 23 février 2017, M. B..., représenté par Me Renner, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 décembre 2016 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler la décision contestée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la matérialité des faits reprochés n'est pas établie ; s'il a fait part de son mécontentement et de son incompréhension à l'annonce de son changement d'affectation, il conteste avoir provoqué un tapage ; il a coopéré en rassemblant ses affaires ;
- il ne peut être regardé comme ayant refusé de se soumettre à une mesure de sécurité, d'autant plus que la décision de changement d'affectation, dont il a seulement discuté le bien- fondé, était motivée par son déclassement d'emploi pour raisons médicales ;
- la sanction est disproportionnée au regard des faits reprochés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2017, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- les faits reprochés sont établis par le compte-rendu d'incident et le rapport d'enquête ;
- le refus de réintégrer la cellule est de nature à perturber le fonctionnement normal de l'établissement, mettant en péril la sécurité du personnel et des autres personnes détenues ;
- le requérant encourait une sanction allant jusqu'à 14 jours de placement en cellule disciplinaire.
Par ordonnance du 6 décembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 26 janvier 2018 à 12 heures.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,
- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., alors incarcéré au centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne, a fait l'objet le 3 décembre 2013 d'un compte-rendu d'incident indiquant qu'il avait " refusé d'intégrer une cellule ", bloquant ainsi " les mouvements nécessaires à la vie du bâtiment ". Il a été placé le jour même en cellule disciplinaire à titre préventif. Par une décision du 5 décembre 2013, le directeur de l'établissement pénitentiaire en commission de discipline lui a infligé une sanction de quatorze jours de placement en cellule disciplinaire dont sept jours avec sursis. Par une décision du 11 février 2014, la détectrice interrégionale des services pénitentiaires de Bordeaux, estimant que M. B...avait refusé de se soumettre à une mesure de sécurité au sens de l'article R. 57-7-2 5° du code de procédure pénale, a confirmé cette sanction. M. B...fait appel du jugement du 7 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 11 février 2014.
2. Aux termes de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction alors en vigueur : " Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue : (...) 5° De refuser de se soumettre à une mesure de sécurité définie par une disposition législative ou réglementaire, par le règlement intérieur de l'établissement pénitentiaire ou par toute autre instruction de service ; (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, pour confirmer la sanction prise à l'encontre de M. B...par la commission de discipline du centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne, la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Bordeaux a relevé que les faits reprochés à l'intéressé étaient constitutifs d'une faute du deuxième degré, prévue au 5° de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale, consistant à refuser de se soumettre à une mesure de sécurité. Il est cependant constant que le changement d'affectation de M.B..., consécutif à une décision de déclassement d'emploi pour raisons médicales, n'était pas fondé, même partiellement, sur un motif de sécurité. Par ailleurs, si la garde des sceaux, ministre de la justice, fait valoir que M. B... a refusé d'intégrer une nouvelle cellule alors qu'il se trouvait dans la coursive de l'établissement, dont il a ainsi perturbé le fonctionnement normal, il ne ressort ni du rapport d'incident ni d'aucune autre pièce du dossier que ce refus aurait été formulé dans des conditions ou circonstances qui auraient pu mettre en cause la sécurité de l'établissement. Il s'ensuit que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'unique motif de la décision querellée repose sur une erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ladite décision.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Renner, avocate de M.B..., en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de sa renonciation au versement de l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1401212 du tribunal administratif de Poitiers du 7 décembre 2016, ensemble la décision du 11 février 2014 de la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Bordeaux, sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Me Renner, avocate de M.B..., la somme de 1 500 euros, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à la garde des sceaux, ministre de la justice et à Me Renner.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2019 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 6 juin 2019.
Le rapporteur,
Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,
Aymard de MALAFOSSE
Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne à la garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX00460