Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Cestas-Réjouit-Environnement (ACRE) et M. C...B...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 12 juillet 2016 par laquelle le conseil municipal de Cestas a approuvé la déclaration de projet emportant mise en compatibilité du plan d'occupation des sols communal en vue de la réalisation d'un projet d'intérêt général sur un terrain situé " La Tour ".
Par un jugement n° 1603879 du 15 février 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires présentés le 13 avril 2018, le 14 novembre 2018 et le 16 janvier 2019, l'association Cestats-Réjouit-Environnement (ACRE) et M. C...B..., représentés par Me E...et MeA..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1603879 du tribunal administratif de Bordeaux du 15 février 2018 ;
2°) d'annuler la délibération du 12 juillet 2016 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Cestas la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent, en ce qui concerne la recevabilité de leur demande, que :
- l'association a intérêt à contester la délibération compte tenu de son objet statutaire et de son champ d'action géographique ;
- M. B...a également intérêt à contester la délibération en sa qualité d'habitant résidant à proximité immédiate du terrain concerné par le projet en litige.
Ils soutiennent, au fond, que :
- les élus n'ont pas été destinataires d'une note explicative de synthèse suffisante avant d'assister à la réunion du 12 juillet 2016 ; le délai de cinq jours francs pour adresser la convocation avant la réunion n'a pas été respecté ; la délibération a donc été adoptée sans que soient respectées les formalités prévues aux articles L. 2121-10, L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ;
- toutes les personnes publiques associées n'ont pas été convoquées conformément au 2° de l'article L. 153-54 du code de l'urbanisme ; il s'agit des personnes publiques associées visées aux articles L. 123-7 et L. 123-9 du code de l'urbanisme ; de plus, le document soumis à l'examen desdites personnes a ultérieurement été modifié sans que ces dernières aient été à nouveau consultées ; cette consultation s'imposait d'autant plus que les modifications étaient conséquentes ;
- la commune se devait de respecter la procédure de concertation dès lors qu'elle l'a mise en oeuvre et quand bien même celle-ci n'était pas obligatoire s'agissant de la mise en compatibilité d'un plan d'occupation des sols ; les modalités de la concertation n'ont pas été définies par la commune, ce qui a privé les tiers d'une garantie et eu une incidence sur le sens de la décision prise ; le bilan de la concertation n'a pas été présenté aux élus avant l'ouverture de l'enquête publique ;
- l'avis du commissaire-enquêteur était assorti de plusieurs réserves et il n'est pas établi que la commune les aurait levées ; dans ces conditions, son avis doit être regardé comme défavorable au projet et il appartenait à la commune de motiver sa délibération, ce qu'elle n'a pas fait ;
- le rapport de présentation du projet est entaché d'insuffisances ; ainsi, les données concernant le logement à Cestas sont imprécises ; les données relatives au projet lui-même sont également imprécises ; la suppression d'un espace boisé classé de près de 11 hectares n'a pas été justifiée ;
- l'évaluation environnementale accompagnant le projet est entachée d'insuffisances ; l'analyse de l'état initial du site est incomplète ; les incidences du projet sur l'environnement, le choix du parti d'aménagement, les mesures compensatoires ne sont pas présentées avec la précision requise ;
- le projet ne présente pas un caractère d'intérêt général ; la commune ne fait pas l'objet d'un constat officiel de carences en matière de logements sociaux ; le site affecté par le projet présente un intérêt environnemental certain ; le projet va entraîner un étalement urbain contraire à l'objectif de gestion économe des espaces mis en avant par la commune dans son rapport de présentation ; la commune dispose par ailleurs de terrains qu'elle aurait pu dédier à des opérations d'urbanisation ; le projet est de nature à faire bénéficier des tiers d'importantes plus-values ce qui remet en cause son intérêt général ;
- le classement en zone IINA du site " La Tour " est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; le terrain concerné n'est pas une " dent creuse " mais un espace boisé de 20 hectares resté à l'état naturel ; il n'entre pas dans la définition de la zone IINA qui n'est possible que lorsque le raccordement immédiat des opérations aux réseaux publics est possible.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 juillet 2018, le 18 décembre 2018 et le 20 février 2019, la commune de Cestas, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants la somme de 7 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la note explicative de synthèse adressée aux conseillers municipaux avant la séance du conseil municipal comportait les informations ayant permis à ces derniers de se prononcer en connaissance de cause ;
- la commune établit que les convocations ont été adressées aux élus dans le délai prévu au code général des collectivités territoriales ;
- toutes les personnes publiques associées intéressées au projet ont bien été convoquées par la commune ;
- la modification apportée au dossier après la consultation des personnes publiques associées est mineure ; elle ne concerne que des précisions apportées au projet ; le commissaire-enquêteur n'a pas considéré qu'il y avait eu modification substantielle du dossier ; la collectivité a seulement apporté des précisions aux remarques des personnes publiques associées ;
- le moyen tiré de l'irrégularité de la concertation est irrecevable dès lors qu'il ne peut être utilement soulevé qu'à l'encontre de la délibération du 17 novembre 2014 ayant lancé ladite procédure ; en tout état de cause, la concertation n'était pas obligatoire et la commune ne s'est pas volontairement soumise aux dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ; en tout état de cause, l'absence de définition des modalités de la concertation n'a pas privé les tiers d'une garantie ni eu une incidence sur le sens de la décision prise ; un document intitulé " bilan de la concertation " a été soumis au conseil municipal ;
- l'avis du commissaire-enquêteur était favorable et la commune n'était pas tenue d'indiquer les raisons pour lesquelles elle s'en écartait ; le conseil municipal s'est engagé à respecter les réserves du commissaire-enquêteur ; les exigences de l'article L. 123-16 du code de l'urbanisme ont été mises en oeuvre ;
- le rapport de présentation et l'évaluation environnementale qui accompagnent le projet ne sont pas entachés des insuffisances que décrivent les requérants ;
- le classement en zone IINAa du terrain d'assiette du projet n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; ledit terrain est en effet situé en continuité urbaine et est inscrit dans l'enveloppe urbaine du schéma de cohérence territoriale de l'aire métropolitaine de Bordeaux ; une partie du caractère naturel du site sera conservée ; seule la réalisation des constructions exigera le raccordement des ouvrages aux réseaux publics, cette exigence n'existant pas pour le classement lui-même ;
- le projet présente un caractère d'intérêt général car il existe bien dans la commune une situation de carence en matière de logements sociaux ; le caractère environnemental du site est pris en compte et valorisé par le projet ; celui-ci ne présente pas une densité particulière au point de méconnaître l'objectif consistant à éviter un étalement urbain ; le foncier choisi par la commune permet la mise en oeuvre du projet dans des conditions optimales.
Par ordonnance du 17 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 4 mars 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Faïck,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville , rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant l'association Cestas-Réjouit-Environnement (ACRE) et M.B..., et de MeD..., représentant la commune de Cestas.
Une note en délibéré présentée pour la commune de Cestas a été enregistrée le 30 avril 2019.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 17 novembre 2014, le conseil municipal de la commune de Cestas a décidé d'engager la procédure de déclaration de projet prévue à l'article L. 300-6 du code de l'urbanisme en vue de se prononcer sur l'intérêt général d'une opération d'aménagement prévoyant la réalisation, sur un ensemble foncier dit " La Tour " d'une superficie de 20 hectares, d'environ 80 logements locatifs et d'une soixantaine de logements en construction libre ainsi que la préservation de zones vertes. Ce projet a fait l'objet d'une consultation des personnes publiques associées au cours d'une réunion d'examen conjoint du 14 janvier 2016 puis d'une enquête publique du 18 avril au 20 mai 2016 ayant abouti à un avis favorable du commissaire-enquêteur assorti de réserves et de recommandations. Le 12 juillet 2016, le conseil municipal de Cestas a déclaré d'intérêt général le projet d'aménagement dit " La Tour " et a décidé de rendre son plan d'occupation des sols compatible avec ce projet. L'association Cestas-Réjouit-Environnement (ACRE) et M. B...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 12 juillet 2016. Ils relèvent appel du jugement rendu le 15 février 2018 par lequel le tribunal a rejeté leur demande.
Sur la légalité de la délibération du 12 juillet 2016 :
2. Aux termes de l'article L. 300-6 du code de l'urbanisme : " (...) les collectivités territoriales (...) peuvent, après enquête publique (...) se prononcer, par une déclaration de projet, sur l'intérêt général d'une action ou d'une opération d'aménagement au sens du présent livre ou de la réalisation d'un programme de construction. (...) Lorsque l'action, l'opération d'aménagement ou le programme de construction est susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement, les dispositions nécessaires pour mettre en compatibilité les documents d'urbanisme (...) font l'objet d'une évaluation environnementale, au sens de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement. ". Aux termes de l'article L. 153-54 du même code : " Une opération faisant l'objet (...) d'une déclaration de projet, et qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan local d'urbanisme ne peut intervenir que si : 1° L'enquête publique concernant cette opération a porté à la fois sur l'utilité publique ou l'intérêt général de l'opération et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence ; 2° Les dispositions proposées pour assurer la mise en compatibilité du plan ont fait l'objet d'un examen conjoint de l'Etat, de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ou de la commune et des personnes publiques associées mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9 (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis de l'autorité environnementale du 21 mars 2016, que, s'agissant d'un projet dont la conséquence principale est de rendre constructible un site naturel de 20 hectares, l'évaluation environnementale ne comporte pas d'étude précise des enjeux écologiques que présente le secteur concerné. Ainsi, la décision de procéder au déclassement de tout ou partie de 11 hectares d'espaces boisés classés existants n'est pas accompagnée d'un inventaire détaillé des surfaces des différents boisements, d'une évaluation du niveau d'enjeu pour chaque type d'habitat, d'une étude précise sur les espèces présentes permettant de dresser une carte de synthèse afin d'identifier les zones à plus fort enjeu qu'il conviendrait d'éviter. Par ailleurs, l'évaluation environnementale ne justifie pas le classement en espaces boisés classés des terrains entourant le futur projet alors qu'auparavant, ces derniers n'avaient pas été considérés comme méritant un tel classement. Plus fondamentalement, il résulte de l'instruction, et notamment de l'avis de l'autorité environnementale, qu'une erreur méthodologique affecte l'évaluation environnementale, laquelle se rapproche davantage d'une étude d'impact du projet d'aménagement en tant que tel alors qu'elle aurait dû se présenter sous la forme d'une évaluation des incidences sur le plan d'occupation des sols de l'ensemble des modifications décidées.
4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
5. Il ressort des pièces du dossier que, pour tenir compte des remarques formulées au cours de la réunion des personnes publiques associées et des observations, telles que rappelées au point 3, émises sur l'évaluation environnementale par l'autorité environnementale dans son avis du 21 mars 2016, la commune de Cestas a fait établir un document intitulé " addenda au rapport de présentation et évaluation environnementale ". Ce document comporte une série de réponses à ces observations s'appuyant sur des données réparties dans huit annexes que le commissaire-enquêteur a d'ailleurs qualifiées de " substantielles " dans son rapport. Compte tenu de leur importance, ces éléments, qui ont eu pour effet de compléter sur des éléments de fond le dossier de présentation de la mise en compatibilité du plan d'occupation des sols, rendaient nécessaire une nouvelle consultation des personnes publiques associées, laquelle n'a pourtant pas été organisée. S'il appartient à la cour d'apprécier la portée de ce vice de procédure selon le principe rappelé au point 4, il y a lieu de constater que l'absence de consultation des personnes publiques associées sur les compléments apportés au dossier a privé le public de la garantie que constitue l'avis éclairé desdites personnes.
6. Il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux n'a pas fait droit aux conclusions d'annulation présentées par les requérants. Dès lors, ce jugement doit être annulé ainsi que la délibération en litige du 12 juillet 2016.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de la commune de Cestas la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens. Ces mêmes dispositions font obstacle aux conclusions de la commune de Cestas tendant à ce que les requérants soient condamnés à lui verser une somme au titre des frais, non compris dans les dépens, qu'elle a exposés.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1603879 du 15 février 2018 du tribunal administratif de Bordeaux et la délibération du conseil municipal de Cestas du 12 juillet 2016 sont annulés.
Article 2 : La commune de Cestas versera à l'association Cestas-Réjouit-Environnement et M. B... pris ensemble, la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Cestas présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Cestas-Réjouit-Environnement, à M. C... B...et à la commune de Cestas.
Délibéré après l'audience du 30 avril 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 mai 2019.
Le rapporteur,
Frédéric FaïckLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX01510