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29/05/2019 | FRANCE | N°17BX01488

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 29 mai 2019, 17BX01488


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ferme Eolienne de Saint-Julien l'Ars, société en nom collectif, a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 4 août 2014 par lequel le préfet de la Vienne a rejeté sa demande d'exploiter un parc d'éoliennes au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement.

Par un jugement n° 1402712 du 15 mars 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requ

ête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 11 mai 2017, le 24 novembre 2017 et le 19 dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ferme Eolienne de Saint-Julien l'Ars, société en nom collectif, a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 4 août 2014 par lequel le préfet de la Vienne a rejeté sa demande d'exploiter un parc d'éoliennes au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement.

Par un jugement n° 1402712 du 15 mars 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 11 mai 2017, le 24 novembre 2017 et le 19 décembre 2018, la société Ferme Eolienne de Saint-Julien l'Ars, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 15 mars 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Vienne du 4 août 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer l'autorisation sollicitée dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 500 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de prendre une nouvelle décision dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préfet n'a exprimé aucune appréciation personnelle mais s'est senti lié par l'avis émis par la DREAL sur la demande d'autorisation d'exploiter ;

- ainsi, le site d'implantation du projet ne présente pas de caractère particulier et a été retenu par le schéma régional éolien comme étant favorable à l'implantation d'éoliennes ; les éoliennes éloignées de plus de 9 kilomètres du secteur de Chauvigny permettent d'éviter toute co-visibilité dans le paysage avec des installations trop proches ; à cette distance, 1'éloignement des éoliennes réduit voire occulte totalement leur visibilité ; le site destiné à accueillir le projet est seulement composé de vastes parcelles cultivées et de boisements qui ne confèrent pas au paysage un caractère remarquable ; le paysage destiné à accueillir le projet est de plus grevé par la présence de deux tours de refroidissement de la centrale nucléaire de Civaux et par des lignes électriques ; si le point sensible de l'aire d'étude est la commune de Chauvigny, il a été établi que les monuments classés et inscrits que cette dernière abrite sont distants de plus de 8 kilomètres de la plus proche des machines projetées ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré, dans un second temps, que malgré leur éloignement de huit kilomètres, les éoliennes sont de nature à affecter le cachet du site médiéval de Chauvigny ; en réalité, depuis le bas du bourg, seule 1'extrémité des pales de deux éoliennes est perceptible ; depuis la route départementale n° 951, les éoliennes apparaissent seulement en arrière-plan et de manière totalement excentrée par rapport à la cité médiévale ;

- c'est au prix d'une erreur de droit que les premiers juges ont estimé que le schéma régional éolien était dépourvu de tout effet juridique ;

- les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement n'autorisaient pas le préfet à se fonder sur une soi-disant atteinte portée par le projet à l'attrait touristique de la région pour refuser de délivrer l'autorisation sollicitée ; en tout état de cause, une telle atteinte est inexistante ;

- le projet ne porte nullement atteinte à l'avifaune ; il n'a ainsi pas d'impact sur le maintien du site d'hivernage du Vanneau Huppé et du Pluvier Doré ; il n'entraîne aucune conséquence sur la fonctionnalité de la zone de rassemblement post-nuptial de l'Oedicnème criard.

Par un mémoire en défense, présenté le 19 octobre 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le préfet a porté une appréciation personnelle sur la demande d'autorisation sans se sentir lié par l'avis de la DREAL ;

- l'ensemble historique de Chauvigny est composé de la cité médiévale de Chauvigny qui est implantée dans un paysage de plateaux à l'est de Poitiers et réputée être unique en Europe en englobant dans ses deux kilomètres de remparts cinq châteaux-forts et quatre églises ; la sensibilité historique de ce site a notamment été mise en évidence par l'inspecteur des installations classées pour la protection de l'environnement et par le service territorial de l'architecture dans leurs rapports respectifs sur le projet ;

- l'existence du schéma régional éolien ne prive pas le préfet de son pouvoir d'appréciation pour se prononcer sur un projet d'autorisation d'exploiter un parc d'éoliennes ;

- ni le préfet ni le tribunal n'ont entendu ériger le critère de l'attrait touristique de la région pour se prononcer sur la demande d'autorisation d'exploiter ;

- le moyen tiré de l'atteinte à l'intérêt des lieux avoisinants était suffisant pour fonder le refus en litige ; en tout état de cause, celui-ci portait atteinte à l'avifaune et cette circonstance fondait elle aussi la décision de refus.

Par ordonnance du 19 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 19 décembre 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;

- le code civil ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la société Ferme Eolienne de Saint-Julien l'Ars.

Une note en délibéré présentée pour la société Ferme Eolienne de Saint-Julien l'Ars a été enregistrée le 6 mai 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Le 20 décembre 2012, la société Ferme Eolienne de Saint-Julien l'Ars a déposé en préfecture de la Vienne une demande d'autorisation d'exploiter un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Saint-Julien l'Ars. Cette demande a fait l'objet d'une décision de rejet du 4 août 2014 que la société a contestée devant le tribunal administratif de Poitiers. Elle relève appel du jugement rendu le 15 mars 2017 par lequel le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 août 2014.

Sur la légalité de la décision en litige :

2. Pour refuser l'autorisation d'exploitation sollicitée, le préfet de la Vienne s'est fondé, d'une part, sur l'atteinte que le projet porte aux paysages environnants et, d'autre part, sur ses incidences négatives sur l'avifaune.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. (...) ".

4. Pour statuer sur une demande d'autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement, le préfet est en droit de s'assurer que le projet ne méconnaît pas, notamment, l'exigence de conservation des sites et des monuments prévue par l'article L. 511-1 précité du code de l'environnement.

5. Il résulte de l'instruction que les cinq éoliennes projetées doivent être implantées au sein de l'unité paysagère des Terres de Brandes, laquelle se caractérise par un relief assez plat où de vastes parcelles cultivées alternent avec des éléments boisés nombreux et disséminés. Cet ensemble paysager, qui est affecté par la présence d'une centrale nucléaire flanquée de deux tours de refroidissement, de lignes électriques aériennes et d'un réseau routier, ne revêt par lui-même aucun caractère particulier hormis la présence du village de Chauvigny, lequel abrite un ensemble médiéval composé du château d'Harcourt et du château baronnial (ou des Evêques de Poitiers), des églises Saint-Pierre et Notre-Dame et du donjon de Gouzon, édifices protégés au titre de la législation sur les monuments historiques.

6. Il résulte de l'instruction que les éoliennes projetées, d'une hauteur de 149 mètres en bout de pales, seront perceptibles depuis l'ensemble médiéval de Chauvigny, lequel est positionné sur un éperon rocheux dominant la vallée de la Vienne. Toutefois, il n'est pas établi au dossier que les éoliennes, en dépit de leur hauteur, présenteraient une visibilité significative depuis le village de Chauvigny dont elles sont séparées par huit kilomètres de distance. En particulier, les divers photomontages versés au dossier ne font pas apparaître, compte tenu de leur éloignement, que les éoliennes produiraient un effet d'attraction du regard depuis l'ensemble médiéval de Chauvigny et que leur présence aurait pour conséquence de transformer les caractéristiques essentielles de celui-ci ou des paysages alentour, lesquels sont déjà altérés, comme il a déjà été dit, par la présence d'éléments d'anthropisation. Dans ces conditions, l'atteinte causée par le projet en litige aux paysages environnants doit être regardée comme limitée et ne justifie pas la mise en oeuvre de la protection instituée par les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

7. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a jugé que le préfet de la Vienne avait pu légalement rejeter la demande d'autorisation d'exploiter en se fondant sur les articles L. 511-1 et L. 512-2 du code de l'environnement.

8. Toutefois, en second lieu, le préfet a également rejeté la demande dont il était saisi compte tenu des impacts négatifs du projet sur les sites d'hivernage du Vanneau Huppé, du Pluvier Doré et de l'Oedicnème Criard, espèces protégées au titre de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 dite " directive oiseaux ".

9. Il résulte de l'instruction que le site prévu pour l'implantation du parc éolien est utilisé comme lieu d'hivernage par le Vanneau Huppé et le Pluvier Doré dont les effectifs présents sont évalués, respectivement, à 200 et 50 environ. A cet égard, moins de 90 mètres seulement séparent les stations d'hivernage de ces oiseaux des éoliennes E1 et E2, soit une distance sensiblement inférieure aux 260 mètres préconisée par les études faisant actuellement autorité afin d'éviter le dérangement important de ces espèces. De plus, l'implantation des éoliennes en deux rangées accroît le risque de collisions pour les oiseaux, notamment en cas d'envol rapide consécutif à un dérangement. Il résulte également de l'instruction que des oedicnèmes criards, en moindre nombre certes, nidifient aux abords immédiats du parc éolien projeté et que l'éolienne E3 doit être implantée à 90 mètres seulement de la zone de rassemblement post-nuptial de cette espèce. Ces éléments d'appréciation, qui permettent de faire regarder comme non assuré le maintien d'un site d'hivernage fonctionnel pour les oiseaux considérés, ne sont pas infirmés par l'étude faune/flore produite par la société pétitionnaire qui qualifie même de " assez fort " ou " fort " l'enjeu que présente la préservation du site pour les oiseaux en cause. La société ne produit par ailleurs aucun autre élément permettant d'estimer que l'autorisation sollicitée aurait dû être délivrée en l'absence d'impact fort de son projet sur les oiseaux protégés. Dans ces conditions, et alors même que le pétitionnaire s'est engagé à réaliser les travaux de construction en dehors des périodes de nidification, le préfet a pu légalement prendre le refus en litige en faisant application des articles L. 511-1 et L. 512-1 du code de l'environnement.

10. Il résulte de l'instruction que le préfet de la Vienne aurait pris la même décision de refus en se fondant sur le seul motif tiré de l'application des articles L. 511-1 et L. 512-1 du code de l'environnement qui suffit à justifier légalement cette décision de refus.

11. Il résulte de ce qui précède que la société Ferme Eolienne de Saint-Julien l'Ars n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 17BX01488 présentée par la société Ferme Eolienne de Saint-Julien l'Ars est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ferme Eolienne de Saint-Julien l'Ars et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 mai 2019.

Le rapporteur,

Frédéric FaïckLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX01488


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01488
Date de la décision : 29/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique - Actes affectant le régime juridique des installations - Première mise en service.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CABINET LPA-CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-05-29;17bx01488 ?
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