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29/05/2019 | FRANCE | N°17BX00834

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 29 mai 2019, 17BX00834


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'études et de travaux anticorrosion (SETA), société à responsabilité limitée, a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2014 par lequel le préfet de la Charente-Maritime lui a imposé la réalisation d'un plan de gestion et la dépollution du site qu'elle a exploité boulevard Wladimir Morch à La Rochelle.

Par un jugement n° 1400893 du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

:

Par une requête et un mémoire en production de pièces, enregistrés le 14 mars 2017 et le 25...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'études et de travaux anticorrosion (SETA), société à responsabilité limitée, a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2014 par lequel le préfet de la Charente-Maritime lui a imposé la réalisation d'un plan de gestion et la dépollution du site qu'elle a exploité boulevard Wladimir Morch à La Rochelle.

Par un jugement n° 1400893 du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en production de pièces, enregistrés le 14 mars 2017 et le 25 janvier 2018, la société d'études et de travaux anticorrosion (SETA), représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 janvier 2017;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2014 du préfet de la Charente-Maritime ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- la compétence du signataire de cet arrêté n'est pas établie ;

- cet arrêté est entaché d'un détournement de pouvoir ;

- cet arrêté se fonde sur un rapport qui n'a pas été établi contradictoirement et qui a été utilisé comme valant expertise à son encontre ;

- l'éventuelle dépollution du site relève de la responsabilité du Grand Port Maritime de La Rochelle, nouveau propriétaire du terrain, qui s'était engagé à supporter tous les inconvénients pouvant résulter des exploitations antérieures ;

- la présence d'hydrocarbures ne résulte pas de l'activité de la société Seta qui a mis fin à ses activités et a procédé aux travaux de dépollution sans que la préfecture ne fasse d'observations ;

- l'usage du site a été modifié après l'achat du terrain par le Grand Port Maritime de La Rochelle qui a voulu utiliser le terrain pour faire du remblai et qui cherche à nier ses obligations contractuelles.

Par un mémoire, enregistré le 17 mai 2017, le Grand Port Maritime de La Rochelle (GPMLR), représenté par MeB..., demande à la cour d'admettre son intervention et de rejeter la demande de la société SETA.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société SETA ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 6 avril 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Madelaigue ;

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société SETA, et de MeB..., représentant le Grand Port Maritime de La Rochelle.

Considérant ce qui suit :

1. La société SETA exploitait, depuis 1976, une activité de sablage et de peinture industrielle navale et de bâtiment sur une parcelle cadastrée HB 120, située boulevard Wladimir Morch sur le territoire de la commune de La Rochelle, pour laquelle elle s'était vu délivrer le 14 février 1984 un récépissé de déclaration au titre de la législation sur les ICPE. La société SETA a cédé sa parcelle au Grand Port Maritime de La Rochelle (GPMLR) le 29 juin 2011. A l'occasion de travaux de terrassement sur cette parcelle, le GPMLR a constaté la présence de remblais contenant des déchets, des fûts et une contamination en hydrocarbures. Le 14 mai 2013, l'inspection des installations classées a confirmé l'existence, établie par un diagnostic de pollution des sols réalisé par la société IFC Environnement le 12 octobre 2011, d'une pollution aux hydrocarbures et dans une moindre mesure en métaux et métalloïdes, supérieure aux valeurs naturelles sur le site. La société SETA relève appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2014 par lequel le préfet de la Charente-Maritime lui a imposé la réalisation d'un plan de gestion et des mesures de dépollution du site qu'elle exploitait à La Rochelle sur le fondement des articles L. 512-12 et R. 512-66-2 du code de l'environnement.

Sur l'intervention du GPMLR :

2. Dans le présent litige, la société SETA a sollicité l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2014 par lequel le préfet de la Charente-Maritime lui a imposé la réalisation d'un plan de gestion et la dépollution du site qu'elle a cédé à GPMLR. Ainsi, l'arrêt à intervenir est susceptible de préjudicier aux droits du GPMLR. Par suite, il y a lieu d'admettre son intervention.

Sur la légalité de l'arrêté du 24 janvier 2014 :

3. Au soutien de ses moyens relatifs au défaut de compétence du signataire de l'arrêté attaqué, à la violation du principe du contradictoire et des droits de la défense et au détournement de pouvoir, la société SETA ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas la réponse apportée par le tribunal administratif. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

4. Aux termes de l'article L. 512-12 du code de l'environnement : " Si les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 ne sont pas garantis par l'exécution des prescriptions générales contre les inconvénients inhérents à l'exploitation d'une installation soumise à déclaration, le préfet, éventuellement à la demande des tiers intéressés et après avis de la commission départementale consultative compétente, peut imposer par arrêté toutes prescriptions spéciales nécessaires ". Aux termes de l'article R. 512-66-1 du même code dans sa rédaction alors applicable : " I. - Lorsqu'une installation classée soumise à déclaration est mise à l'arrêt définitif, l'exploitant notifie au préfet la date de cet arrêt un mois au moins avant celui-ci. Il est donné récépissé sans frais de cette notification. / II. - La notification prévue au I indique les mesures prises ou prévues pour assurer, dès l'arrêt de l'exploitation, la mise en sécurité du site. Ces mesures comportent, notamment : / 1° L'évacuation ou l'élimination des produits dangereux et la gestion des déchets présents sur le site ; / 2° Des interdictions ou limitations d'accès au site ; / 3° La suppression des risques d'incendie et d'explosion ; / 4° La surveillance des effets de l'installation sur son environnement. / III. - En outre, l'exploitant doit placer le site de l'installation dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur du site comparable à celui de la dernière période d'exploitation de l'installation. Il en informe par écrit le propriétaire du terrain sur lequel est sise l'installation ainsi que le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme ". Aux termes de l'article R. 512-66-2 du même code : " I. - A tout moment, même après la remise en état du site, le préfet peut imposer à l'exploitant, par arrêté pris dans les formes prévues à l'article L. 512-12, les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / En cas de modification ultérieure de l'usage du site, l'exploitant ne peut se voir imposer de mesures complémentaires induites par ce nouvel usage sauf s'il est lui-même à l'initiative de ce changement d'usage. (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que l'obligation de remettre en état le site d'une installation classée pèse sur l'exploitant ou son ayant droit. Lorsque l'exploitant ou son ayant droit a cédé le site à un tiers, cette cession ne l'exonère de ses obligations que si le cessionnaire s'est substitué à lui en qualité d'exploitant.

6. En premier lieu, pour contester sa qualité d'exploitant et l'obligation de remise en état du site qui s'impose à elle à ce titre, la société SETA soutient qu'au terme de l'acte de vente du 29 juin 2011, le GPMLR aurait accepté de prendre en charge les inconvénients résultant de la pollution du site. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction et n'est d'ailleurs pas soutenu qu'une procédure de changement d'exploitant ait été mise en oeuvre et que GPMLR se soit ainsi substitué à elle en qualité d'exploitant du site. La société SETA ne peut invoquer la vente du terrain du site à GPMLR pour s'exonérer de ses obligations au titre de la législation sur les installations classées. Il ne résulte au demeurant pas de l'instruction que le GPMLR ait exercé une quelconque activité sur le site depuis la date à laquelle il a procédé à son acquisition.

7. En deuxième lieu, la société SETA ne saurait utilement invoquer la circonstance qu'elle ignorait la pollution affectant le site. Alors même qu'elle a déclaré dans l'acte de vente que les travaux de dépollution concernant l'immeuble ont été réalisés, la société SETA, qui ne conteste pas que les prescriptions en cause sont nécessaires à la mise en sécurité du site en application de l'article R. 512-66-1 du code de l'environnement, n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Charente-Maritime lui aurait imposé une prescription déjà exécutée.

8. En troisième lieu, la société requérante soutient qu'elle a eu pour activité des travaux de sablage et de peinture et que la présence d'hydrocarbures ne résulte pas de son activité, mais de la présence à proximité du site d'un abri à gasoil construit en 1942 qui comprenait 6 cuves d'une capacité de 268 m3 chacune. Toutefois, les photographies aériennes annexées à un diagnostic de pollution des sols établi par une société spécialisée le 12 octobre 2011 montrent que cet abri militaire était situé à l'ouest du site. Or, tant le diagnostic que le rapport de l'inspecteur des installations classées dressé le 14 mai 2013 montrent l'existence d'une couche de remblais noirs contenant des déchets et des fûts rouillés dans la partie centrale du site. Ce remblai de 3 mètres sous lequel se situent les terres polluées aux hydrocarbures a été mis en place au début des années 1980, date à laquelle la société requérante exerçait son activité qui impliquait l'usage d'hydrocarbures. Il résulte en outre d'un courrier de la société SETA en date du 16 juin 1983 annexé au diagnostic, que les travaux de remblaiements ont été exécutés par la société SETA elle-même. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant que la présence d'hydrocarbures résulte de son activité.

9. En dernier lieu, la société requérante n'explique pas en quoi la circonstance que l'usage du site aurait été modifié à la suite de l'achat du terrain par le GPMLR serait de nature à l'exonérer de son obligation de dépolluer le site.

10. Il résulte de ce qui précède que la société SETA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention du Grand Port Maritime de La Rochelle est admise.

Article 2 : La requête de la société SETA est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SETA, au ministre de la transition écologique et solidaire et au Grand Port Maritime de La Rochelle. Copie en sera adressée pour information au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 mai 2019.

Le rapporteur,

Florence MadelaigueLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX00834


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00834
Date de la décision : 29/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique - Actes affectant le régime juridique des installations - Mise à l'arrêt.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : BROSSY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-05-29;17bx00834 ?
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