Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 11 juin 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de la 4ème section de la Haute-Garonne a autorisé la société Coaxel Toulousaine à procéder à son licenciement, et la décision implicite de rejet par le ministre du travail du 7 décembre 2014, de son recours hiérarchique dirigé contre la décision du 11 juin 2014 de l'inspecteur du travail.
Par un jugement n°s 1403907 et 1500597 du 9 mars 2017, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 11 juin 2014 de l'inspecteur du travail et la décision implicite du 7 décembre 2014 de rejet par le ministre du travail du recours hiérarchique de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 mai 2017, la société Rexel France venant aux droits de la société Coaxel Toulousaine, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 mars 2017 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'autoriser le licenciement de M.A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en ce qui concerne la légalité externe, c'est à tort que le tribunal administratif a annulé pour insuffisance de motivation la décision du 11 juin 2014 de l'inspecteur du travail et la décision implicite du ministre du travail rejetant le recours hiérarchique ; le motif économique de la réorganisation opérée par la société Coaxel est réel et établi ; tous les éléments ont été présentés à ce titre, à l'inspection du travail, afin de lui permettre de rendre sa décision d'autorisation de licenciement ; l'ensemble des éléments ont été transmis tant aux représentants du personnel qu'au salarié indiquant que la poursuite de l'activité exposait la société à un dépôt de bilan ; la DIRECCTE avait connaissance de la situation économique désastreuse de la société depuis au moins l'année 2012 ; l'inspection du travail, en autorisant le licenciement après enquête contradictoire dûment menée a parfaitement vérifié et reconnu la licéité, la réalité et le fondement du motif économique ; la décision de l'inspecteur du travail du 11 juin 2014, qui se base sur l'intégralité des éléments qui ont été transmis par la société, se trouve suffisamment motivée ;
- en ce qui concerne la légalité interne, la société a respecté l'intégralité de ses obligations dans le cadre de la procédure, tant dans la consultation du comité d'entreprise que dans ses obligations relatives au reclassement ;
- trois réunions du comité d'entreprise ont eu lieu, une première réunion du comité d'entreprise a eu lieu le 20 décembre 2012, une deuxième réunion d'information/consultation a débuté le 10 janvier 2013 et s'est achevée le 18 avril 2013, et une troisième réunion a débuté le 6 mai 2013, s'étant achevée le 21 mai 2013, à l'issue de plusieurs séances qui se sont tenues ; ces réunions ont donc permis à la direction de la société et aux partenaires sociaux de se mettre d'accord pour procéder à une réorganisation de l'entreprise dans les conditions et avec toutes les mesures d'accompagnement qui ont été négociées en concertation avec les représentants du personnel ; le plan de sauvegarde de l'emploi est par ailleurs suffisant ; si M. A... prétendait que les critères d'ordre des licenciements n'auraient pas été respectés, ils ont été présentés aux représentants du personnel, qui les ont approuvés, ces critères ayant ensuite été strictement appliqués ;
- il ne peut être considéré que le plan de sauvegarde de l'emploi aurait été insuffisant ;
- les critères d'ordre des licenciements, entérinés par le comité d'entreprise, ont été respectés ;
- en ce qui concerne l'obligation de reclassement, elle a été respectée, et la recherche de reclassement a été loyale et sérieuse ; en effet si une première demande d'autorisation de licenciement présentée à l'inspection du travail, a été refusée au motif que les propositions de reclassement n'étaient pas suffisantes, la société a initié une nouvelle procédure en le convoquant à un nouvel entretien pour examiner les possibilités de reclassement ; il était notamment prévu des mesures de reclassement interne et d'accompagnement des licenciements ; les mesures prévues étaient des mesures temporaires pendant une période d'adaptation, et des mesures définitives, après la période d'adaptation ; des propositions de reclassement en identifiant de façon préalable les postes susceptibles de lui convenir et tenant compte de son métier d'origine, ont été adressées à M.A..., lequel les a refusées ; l'intégralité des postes disponibles et compatibles a été portée à la connaissance de M. A...à plusieurs reprises ; cette liste qui a été mise à jour huit fois entre le mois de juin et octobre 2013, puis de nouveau en janvier 2014, présentait l'intitulé des postes, leur qualification, leur rémunération fixe et variable, et le lieu d'emploi ; M. A...ne s'est positionné sur aucun des postes de reclassement proposés, qu'il s'agisse des postes proposés dans les courriers de reclassement, ou des postes ressortant de la liste globale des postes disponibles et compatibles ; la transmission de la liste globale n'a pas remplacé la proposition d'une offre de reclassement individuelle et personnalisée, précise et écrite, puisque deux courriers de proposition de reclassement ont été adressés à M. A...les 26 juin 2013 et 23 janvier 2014 ; il a donc été procédé à une procédure de reclassement parfaitement conforme, individualisée, loyale et sincère, comme en témoigne la décision de l'inspecteur du travail ; par ailleurs, l'obligation de formation et d'adaptation du collaborateur ne peut pas être remise en cause, puisque M. A...avait intégré la société récemment, dans le courant de l'année 2010 ; par ailleurs, la demande d'autorisation de licenciement ne présente aucun lien avec le mandat de délégué du personnel qu'avait détenu M.A..., qui ne bénéficiait à la date de la demande, que d'une protection résiduelle, à la suite de l'organisation des élections dans l'entreprise en janvier 2014 ; la demande d'autorisation de licenciement est seulement fondée sur les difficultés économiques et la nécessaire réorganisation de la société, pour sauvegarder sa compétitivité et n'a aucun lien avec le mandat, sachant par ailleurs, que la société dispose d'institutions représentatives du personnel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2018, M. C...A..., représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête de la société Rexel et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Rexel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, la décision du 11 juin 2014 de l'inspecteur du travail d'autorisation de licenciement est insuffisamment motivée, au sens de l'article R. 2421-5 du code du travail dès lors que ne figure dans cette décision aucune indication permettant de considérer que les motifs économiques invoqués par la société sont réels, la suppression du poste du salarié n'étant par ailleurs pas visée ;
- par ailleurs, ne figure pas dans la décision d'autorisation de licenciement, de mention du contrôle opéré sur la régularité des procédures de licenciement ; les décisions se bornent à se référer au plan de sauvegarde de l'emploi ;
- il n'a pas reçu la convocation à la réunion extraordinaire du comité d'entreprise du 15 avril 2014, de sorte qu'il n'a pu s'y présenter et témoigner de l'absence de recherche loyale, sérieuse, et personnalisée, de reclassement, à son égard ;
- la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise n'a pas été respectée, dès lors que les membres du comité d'entreprise n'ont pas reçu les informations relatives aux raisons économiques, financières et techniques du projet de licenciement et sur les causes des suppressions d'emploi ; le comité d'entreprise n'a pas reçu d'informations relatives au nombre de travailleurs dont le licenciement était envisagé ; le comité d'entreprise a reçu tardivement les documents demandés par l'expert comptable qu'il avait désigné ; la société n'a pas répondu de façon motivée aux suggestions émises par le représentant du personnel ; il n'y a pas eu de consultation valable du CHSCT avant l'avis du comité d'entreprise ;
- la cause économique au licenciement fait défaut, dès lors que la sauvegarde de la compétitivité économique doit s'apprécier au niveau du groupe auquel appartient l'entreprise et à cet égard, la société Coaxel Toulousaine fait partie du groupe Rexel France, actionnaire unique et employant plus de 300 salariés ; il appartient à l'employeur d'apporter les éléments justifiant de la nécessité d'une réorganisation, pour sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité auquel appartient l'entreprise et ces éléments n'ont pas été fournis à l'expert comptable du comité, ni à l'inspecteur du travail ;
- le plan de sauvegarde de l'emploi est insuffisant au regard des moyens du groupe Rexel comme l'a constaté l'expert-comptable du comité d'entreprise, ce qui prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ;
- le PSE comporte une clause illicite en ce qu'il indique que le versement des indemnités qu'il prévoit, est subordonné à l'absence de contentieux notamment sur les licenciements économiques ;
- il n'a pas été procédé à une recherche sérieuse, personnalisée et loyale de reclassement ; en effet alors que la société Coaxel appartient au groupe Rexel, il avait, questionné à cet égard, indiqué le 12 juin 2013, être mobile à la fois en France et à l'étranger ; il a indiqué à son employeur le 3 février 2014, qu'il était prêt à étudier toute proposition ; entre le 3 juin 2013 et le 11 juin 2014, il a reçu seulement trois offres de reclassement ;
- l'inspecteur du travail a considéré dans sa décision d'autorisation du 11 juin 2014 que la proposition de reclassement qui lui avait été faite était sérieuse alors qu'il avait été estimé le contraire le 6 décembre 2013 au sujet de l'offre de Wasquehal ;
- les deux autres offres de reclassement ont été faites le 23 janvier 2014 mais il ne pouvait pas donner suite à ces propositions et était prêt à étudier d'autres propositions, mais aucune autre proposition ne lui a été faite ;
- la société Coaxel n'a interrogé que le DRH Europe du Sud et pas les DRH des autres continents alors que Rexel est présent dans le monde entier, dans 38 pays répartis sur 4 grandes zones géographiques ; dès lors les recherches n'ont jamais été faites sérieusement et loyalement ; il n'a jamais été porté à sa connaissance qu'il existait des postes disponibles à l'étranger et par conséquent jamais aucune offre à l'étranger ne lui a été faite ;
- par ailleurs, la juridiction administrative n'est pas compétente pour autoriser ou non le licenciement d'un salarié protégé.
Par ordonnance du 18 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 19 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Bentolila,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andreo, rapporteur public,
- les observations de MeE..., représentant la société Rexel France.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...A...a été recruté par la société SCT le 1er novembre 2010, cette société étant devenue la société Coaxel Toulousaine à compter du 5 avril 2012. M. A...occupait les fonctions de responsable des achats, sur le site de Toulouse, avec un statut de cadre, et avait un statut de salarié protégé du fait de ses fonctions de délégué titulaire du personnel. La société Coaxel Toulousaine a sollicité de l'inspection du travail le 24 avril 2014 l'autorisation de le licencier pour motif économique. Par une décision du 11 juin 2014, l'inspecteur du travail de la 4ème section de la Haute-Garonne a accordé cette autorisation. M. A... a formé, un recours hiérarchique contre cette décision auprès du ministre du travail lequel l'a implicitement rejeté par une décision du 7 décembre 2014. La société Rexel France venant aux droits de la société Coaxel Toulousaine relève appel du jugement n° 14030907 et 1500597 du 9 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 11 juin 2014 de l'inspecteur du travail et la décision implicite du 7 décembre 2014 de rejet par le ministre du travail du recours hiérarchique de M.A....
2. Aux termes de l'article R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée ".
3. La décision du 11 juin 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a accordé l'autorisation de licenciement de M.A..., si elle vise les articles du code du travail applicables et la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique présentée par l'employeur le 25 avril 2014, ne se réfère à aucun élément factuel précis et circonstancié quant à la réalité du motif économique invoqué pour justifier le licenciement de M.A..., se bornant à citer, au demeurant sans précision à cet égard, le plan de sauvegarde de l'emploi. Dès lors, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Toulouse, la décision de l'inspecteur du travail qui ne se prononce pas sur la réalité du motif économique alors qu'un tel élément de l'appréciation à laquelle l'administration doit se livrer lorsqu'elle est saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique est au nombre des motifs qui doivent figurer dans sa décision, est, alors même que comme le fait valoir la société requérante, la demande d'autorisation de licenciement aurait explicité les motifs économiques sur lesquelles elle se fondait, insuffisamment motivée.
4. Dans ces conditions, la société Rexel France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que la décision du 11 juin 2014 de l'inspecteur du travail, à laquelle la décision implicite de rejet par le ministre du travail le 7 décembre 2014, du recours hiérarchique présenté par M. A...contre la décision du 11 juin 2014, ne se substitue pas, autorisant le licenciement de M.A..., était entachée d'illégalité.
5. Ainsi que l'a également jugé à bon droit, le tribunal administratif de Toulouse, l'illégalité de la décision du 11 juin 2014 entraine par voie de conséquence l'illégalité de la décision implicite par le ministre du travail du 7 décembre 2014, de rejet du recours hiérarchique présenté par M. A...contre la décision du 11 juin 2014.
6. Il résulte de ce qui précède que la requête de la société Rexel doit être rejetée.
Sur les conclusions en injonction :
7. Compte tenu du rejet des conclusions principales présentées par la société Rexel France, ses conclusions tendant à ce qu'elle soit autorisée à procéder au licenciement de M. A... ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. M. A...n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, les conclusions de la société Rexel France présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat au bénéfice de M. A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Rexel France est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. C...A.... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Rexel France, à M. C...A...et à la ministre du travail. Copie en sera transmise à la direction régionale des entreprise de concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Occitanie.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 mai 2019.
Le rapporteur,
Pierre BentolilaLe président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 17BX01441