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14/05/2019 | FRANCE | N°18BX01301

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 14 mai 2019, 18BX01301


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile La place Gambetta a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 22 août 2016 par lequel le maire de Bordeaux a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la modification de la toiture et l'aménagement en logement des combles d'un immeuble situé au 46 place Gambetta ainsi que la décision implicite par laquelle le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine a rejeté son recours du 12 octobre 2016, d'enjoindre à la commune de Bordeaux de lui délivrer le per

mis sollicité ou, à défaut, d'instruire à nouveau sa demande, et de lui délivr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile La place Gambetta a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 22 août 2016 par lequel le maire de Bordeaux a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la modification de la toiture et l'aménagement en logement des combles d'un immeuble situé au 46 place Gambetta ainsi que la décision implicite par laquelle le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine a rejeté son recours du 12 octobre 2016, d'enjoindre à la commune de Bordeaux de lui délivrer le permis sollicité ou, à défaut, d'instruire à nouveau sa demande, et de lui délivrer un certificat de permis de construire tacite, et de mettre à la charge de la commune de Bordeaux la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1604556 du 1er février 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 mars 2018 et le 5 juin 2018, la société civile La place Gambetta, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er février 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 août 2016 par lequel le maire de Bordeaux a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la modification de la toiture et l'aménagement en logement des combles d'un immeuble situé au 46 place Gambetta ainsi que la décision implicite par laquelle le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine a rejeté son recours du 12 octobre 2016 ;

3°) d'enjoindre à la commune de Bordeaux, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de lui délivrer le permis sollicité dans les huit jours de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réinstruire sa demande ;

4°) d'enjoindre à la commune de Bordeaux de lui délivrer un certificat de permis de construire tacite dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Bordeaux le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il a retenu une substitution de motifs sans tenir compte des améliorations apportées au projet en terme d'insertion dans les lieux environnants ; le tribunal a pris en compte les deux derniers mémoires de la commune produits après clôture sans que ces mémoires lui aient été communiqués et qu'elle ait pu les contester ; les articles L. 5 et L. 9 du code de justice administrative ont été méconnus ;

- une substitution de motifs est exclue en application de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ; une telle substitution est de plus déloyale en ce qu'elle a été invoquée à quelques jours de l'audience au tribunal et deux semaines avant l'audience devant la chambre criminelle de la Cour de cassation et en ce qu'elle a fait obstacle à une régularisation avant l'intervention de la décision de la Cour de cassation validant la démolition des ouvrages ; la commune a finalement invoqué six motifs de refus de régularisation ce qui témoigne du peu de sérieux de ses dernières tentatives pour s'opposer au projet ;

- le motif retenu par substitution est insuffisamment étayé et a été soulevé sans pièces justificatives ;

- la commune ne pouvait invoquer le chapitre 7 du règlement du plan local d'urbanisme dès lors que ces dispositions sont fondées sur le 7° de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme qui était abrogé par l'ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 ;

- le règlement du plan local d'urbanisme de 2016 applicable aux " secteurs ville de pierre non recensés " est inopposable au projet qui ne consiste pas dans une réhabilitation, surélévation ou extension ni dans une séquence architecturale pour les façades arrières contigües au projet ;

- le contrôle du juge est un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation et une telle erreur n'est démontrée par la commune ni sur le caractère et l'intérêt des lieux avoisinants, ni sur l'atteinte portée à ces lieux par le projet ni, enfin, sur le caractère suffisamment manifeste de cette atteinte ;

- les points 7 et 15 du jugement sont contradictoires en ce que le tribunal reconnaît l'inopposabilité de la servitude monument historique pour la façade arrière de l'immeuble tout en maintenant son opposabilité pour calculer le délai d'instruction et rejeter, par suite, la naissance d'un permis de construire tacite ; le maire était en situation de compétence liée pour délivrer un certificat de permis tacite en application de l'article R. 423-13 du code de l'urbanisme, ce permis était né le 6 juillet 2016 ; à supposer que la décision du 22 août 2016 soit requalifiée en retrait du permis tacite, ni la procédure contradictoire requise ni la formalité de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme n'ont été respectées ;

- le chapitre 7 du plan local d'urbanisme, reposant sur des dispositions abrogées du code de l'urbanisme, est devenu illégal au sens de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration ; la substitution de motifs est donc fondée sur une erreur de base légale ; une substitution soulevée en fin d'instance, après trois refus illégaux et en méconnaissance de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme est impossible ; par ailleurs, la construction en litige se situe dans le secteur référencé UCh+ dans le plan local d'urbanisme et les textes, notamment l'article R. 123-11 h du code de l'urbanisme, imposent que les éléments protégés au titre du 7° de l'article L. 123-1-5 du même code soient précisément identifiés et localisés par les documents graphiques, ce qui n'est pas le cas du secteur concerné ; le rapport de présentation ne définit pas et ne justifie pas des prescriptions applicables à ce secteur ;

- l'articulation entre les règlements de zone et les mesures prises au titre de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme notamment en ce qui concerne les secteurs ville de pierre non recensés n'est pas claire.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 juin 2018, la commune de Bordeaux, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société civile La place Gambetta le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement ne s'appuie pas sur les dernières écritures de la commune non communiquées à la société mais uniquement sur les éléments soumis au contradictoire ; la société soutient que des améliorations auraient été apportées au projet mais le dossier dément certaines de ces améliorations alléguées ; le tribunal n'avait pas à comparer le projet en litige avec les précédentes versions ;

- la substitution de motif est légale et le motif invoqué impliquait une situation de compétence liée pour refuser le permis sollicité ;

- la substitution demandée n'est pas imprécise ;

- les dispositions du chapitre 7 et de l'article 11 du plan local d'urbanisme ne sont pas devenues illégales dès lors que l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme a repris les dispositions du 7° de l'article L. 123-1-5 de ce code ;

- le règlement de la " ville de pierre " du chapitre 7 du plan local d'urbanisme est opposable au projet ; la société a elle-même qualifié ce projet de réhabilitation ; les travaux portent atteinte à l'homogénéité de la place Gambetta, emblématique du territoire bordelais ;

- le jugement n'est pas entaché de contradiction quant à l'absence de permis de construire tacite ;

- le moyen tiré de l'insuffisance des documents graphiques et du rapport de présentation est irrecevable en application de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- les règles du plan local d'urbanisme applicables au secteur sont claires.

Par un mémoire, enregistré le 20 septembre 2018, le ministre de la culture conclut au rejet des conclusions dirigées contre le plan de sauvegarde et de mise en valeur de la ville de Bordeaux.

Il soutient que :

- l'inscription de l'immeuble concerné par arrêté du 15 novembre 1927 doit être regardée comme visant uniquement la façade sur voie publique et le pan de toiture correspondant ; la partie arrière du bâtiment n'est pas concernée par l'application de l'article L. 621-27 du code de l'urbanisme ;

- le refus de permis contesté n'est pas fondé sur une méconnaissance du plan de sauvegarde et de mise en valeur ; l'illégalité de ce document ne peut donc pas être soulevée par la voie de l'exception dans ce litige.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre le refus d'accord du préfet de région au titre de la législation sur les monuments historiques dès lors que le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours.

Par un mémoire enregistré le 21 mars 2019, la société La place Gambetta, représentée par MeB..., présente ses observations sur le moyen d'ordre public mentionné dans le courrier susvisé et conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures.

Elle soutient les mêmes moyens que précédemment et ajoute que :

- la demande de substitution à laquelle le tribunal a fait droit était dilatoire ;

- il ne pouvait être fait droit à cette demande de substitution dès lors que l'acte était entaché d'une irrégularité de forme ;

- la partie arrière de l'immeuble n'est pas inscrite au titre des monuments historiques ; le tribunal a commis une erreur de droit sur ce point ; la commune était donc en situation de compétence liée pour délivrer un certificat de permis tacite ; l'article R. 425-16 du code de l'urbanisme était en conséquence inapplicable à sa demande et le délai d'instruction était le délai de droit commun ;

- en ce qui concerne le moyen d'ordre public dont la cour l'a informée, ce moyen est sans incidence dans la mesure où elle est titulaire d'un permis de construire tacite.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société civile La place Gambetta, et de MeC..., représentant la commune de Bordeaux.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Bordeaux a été enregistrée le 4 avril 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Le 13 juin 2013, il a été constaté que la société civile La place Gambetta avait fait réaliser sans permis de construire des travaux sur un immeuble dont elle est propriétaire à Bordeaux. Il ressort des pièces du dossier que les travaux réalisés ont consisté en l'aménagement d'un logement dans les combles de l'immeuble, avec, pour ce qui concerne les travaux extérieurs, notamment, l'installation d'une structure métallique de type " chien assis ", la pose de deux fenêtres de toit et la création d'une terrasse. Ayant demandé la délivrance d'un permis de construire de régularisation, elle s'est vu opposer un premier refus le 18 novembre 2013 au triple motif que l'architecte des bâtiments de France avait émis un avis défavorable, que le préfet de région avait également émis un avis défavorable et, enfin, que le pétitionnaire n'avait pas fait appel à un architecte pour établir son projet architectural. Par jugement du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de la société dirigée contre ce refus de permis. Saisie d'une requête en appel par la société, la cour, par arrêt du 26 juin 2018, a rejeté la requête de la société en estimant fondé le troisième motif de refus mais non les deux premiers, dès lors, d'une part, que le projet, ne concernant que la partie arrière de l'immeuble non incluse dans le secteur sauvegardé, ne nécessitait pas la consultation de l'architecte des bâtiments de France et, d'autre part, que l'inscription de l'immeuble au titre des monuments historiques n'était pas opposable à la partie de l'immeuble concernée par les travaux, de sorte que l'accord du préfet de région n'était pas requis. Le 6 avril 2016, la société, qui avait déposé une nouvelle demande de régularisation en faisant appel à un architecte, s'est vu opposer, le 22 août 2016, un nouveau refus du maire de Bordeaux, au seul motif de l'absence d'accord du préfet de région. La société civile La place Gambetta fait appel du jugement du 1er février 2018 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation de ce refus du 22 août 2016 et du refus du préfet de région de donner son accord au titre de la législation sur les monuments historiques.

Sur les conclusions en annulation de la décision du 22 août 2016 :

2. En application de l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme, à défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction d'une demande de permis de construire, le silence gardé par l'autorité compétente vaut permis de construire tacite. Toutefois, en application de l'article R. 424-2 du même code, par exception, le défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction vaut décision implicite de rejet notamment lorsque le projet porte sur un immeuble inscrit au titre des monuments historiques. Conformément à l'article R. 423-23 de ce code, le délai d'instruction de droit commun est de trois mois pour les travaux de la nature de ceux en litige et ce délai est porté, selon l'article R. 423-28 du même code, à cinq mois lorsque le permis porte sur un immeuble inscrit au titre des monuments historiques.

3. Aux termes de l'article L. 126-1 du code de l'urbanisme applicable en l'espèce : " Les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales doivent comporter en annexe les servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol et qui figurent sur une liste dressée par décret en Conseil d'Etat (...) Après l'expiration d'un délai d'un an à compter, soit de l'approbation du plan ou de la carte communale soit, s'il s'agit d'une servitude nouvelle, de son institution, seules les servitudes annexées au plan ou à la carte peuvent être opposées aux demandes d'autorisation d'occupation du sol (...) ". Les mesures de classement et d'inscription des monuments historiques sont au nombre des servitudes mentionnées à l'annexe de l'article R. 126-1 du code de l'urbanisme.

4. Il ressort des termes de l'arrêté du 15 novembre 1927 que " les façades et toitures " de l'immeuble concerné sont inscrites au titre des monuments historiques. Toutefois, il est constant que l'inscription de l'immeuble n'a pas été annexée au plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole. Par suite, l'inscription de l'immeuble n'était pas opposable à la demande de permis de construire présentée par la société La place Gambetta postérieurement au délai d'un an prévu par les dispositions précitées, y compris au regard de la prolongation du délai d'instruction de cette demande et de la naissance d'un permis de construire tacite en application de l'article R. 424-1 rappelé ci-dessus du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, la société, qui a déposé sa demande complète le 6 avril 2016, est devenue, comme elle le soutient, titulaire d'un permis de construire tacite le 6 juillet suivant.

5. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que c'est à tort que le tribunal a estimé que la société n'était pas titulaire d'un permis de construire tacite du 6 juillet 2016. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens des parties soulevés tant en première instance qu'en appel.

6. D'une part, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". L'article L. 122-1 du même code dispose que : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix ". Les décisions qui retirent une décision créatrice de droits sont au nombre des décisions visées à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et doivent, par suite, être précédées d'une procédure contradictoire.

7. Le permis de construire implicite du 6 juillet 2016 ayant créé des droits au profit de la société La place Gambetta, la décision expresse du 22 août suivant ne peut s'analyser que comme une décision de retrait de la précédente décision implicite créatrice de droits. Faute pour le maire d'avoir préalablement invité la société La place Gambetta à présenter des observations écrites, cette société, qui n'a pu faire valoir, le cas échéant, l'illégalité des motifs du retrait et notamment celui lié à l'inscription de l'immeuble au titre des monuments historiques examiné ci-après, a été privée de la garantie d'une procédure contradictoire. Par suite, la décision du 22 août 2016 est entachée d'une irrégularité substantielle.

8. D'autre part, en vertu de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, un permis de construire, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date à laquelle il a été pris. Le retrait litigieux, au vu des motifs de l'acte attaqué et du motif que la commune a invoqué en première instance par substitution, est fondé sur les circonstances que le permis en cause, en premier lieu et en méconnaissance de l'article R. 425-16 du code de l'urbanisme, aurait été accordé en dépit du désaccord du préfet de région, en deuxième lieu et en méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, aurait été accordé pour un projet portant atteinte au caractère des lieux avoisinants, en troisième lieu et en méconnaissance de l'article 11 du règlement de zone du plan local d'urbanisme, aurait été accordé pour un projet ne mettant pas en valeur les caractéristiques de la construction, et en quatrième lieu, en méconnaissance du chapitre 7 du règlement général d'urbanisme de la commune, aurait été accordé pour une surélévation illégale.

9. Il résulte des articles L. 126-1 et de l'annexe à l'article R. 126-1 du code de l'urbanisme dans leur rédaction applicable en l'espèce qu'à défaut d'être annexées au plan local d'urbanisme à l'issue d'un délai d'un an suivant son adoption ou leur prescription, comme il a été dit ci-dessus, les servitudes résultant de l'inscription d'immeubles ou parties d'immeubles à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques ne sont pas opposables aux demandes d'autorisation d'occupation du sol.

10. Il est constant en l'espèce que l'inscription de l'immeuble en cause prononcée par l'arrêté du 15 novembre 1927 n'était pas annexée au plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole dans sa version applicable au litige et qu'aucune autre servitude de cette nature concernant cet immeuble n'avait été prescrite moins d'un an avant le refus de permis de construire litigieux. L'accord du préfet de région prévu par les dispositions combinées des articles R. 425-16 du code de l'urbanisme et L. 621-27 du code du patrimoine n'étant ainsi pas requis, la requérante est fondée à soutenir que le motif de retrait tiré du défaut d'accord du préfet de région est illégal.

11. Il résulte de ce qui précède et alors d'ailleurs que l'administration n'est pas tenue de refuser un permis de régularisation du fait d'une condamnation par décision de justice à démolir la construction, que la société La place Gambetta, dont la condamnation prononcée par la cour d'appel de Bordeaux le 15 novembre 2016 est en tout état de cause postérieure au 6 juillet 2016, est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision contestée du 22 août 2016 du maire de Bordeaux.

12. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen ne paraît, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation de la décision contestée.

Sur les conclusions en annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de région a rejeté le recours de la société du 12 octobre 2016 :

13. Aux termes de l'article L. 621-27 du code du patrimoine : " L'inscription au titre des monuments historiques est notifiée aux propriétaires et entraînera pour eux l'obligation de ne procéder à aucune modification de l'immeuble ou partie de l'immeuble inscrit, sans avoir, quatre mois auparavant, avisé l'autorité administrative de leur intention et indiqué les travaux qu'ils se proposent de réaliser. / Lorsque les constructions ou les travaux envisagés sur les immeubles inscrits au titre des monuments historiques sont soumis à permis de construire, à permis de démolir, à permis d'aménager ou à déclaration préalable, la décision accordant le permis ou la décision de non-opposition ne peut intervenir sans l'accord de l'autorité administrative chargée des monuments historiques (...) ".

14. Le refus d'accord du préfet de région au titre des dispositions précitées s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation et des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision. En revanche, un tel refus ne constitue pas une décision susceptible de recours. La société requérante n'était, par suite, pas recevable à demander l'annulation du refus d'accord que le préfet de région a opposé à son projet. Elle n'est, dès lors, pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal, par le jugement attaqué, a rejeté ses conclusions sur ce point.

Sur les conclusions en injonction :

15. Aux termes de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme dans sa version applicable en l'espèce : " En cas de permis tacite ou de non-opposition à un projet ayant fait l'objet d'une déclaration, l'autorité compétente en délivre certificat sur simple demande du demandeur, du déclarant ou de ses ayants droit. En cas de permis tacite, ce certificat indique la date à laquelle le dossier a été transmis au préfet ou à son délégué dans les conditions définies aux articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales ".

16. Eu égard aux motifs du présent arrêt, qui reconnaît que la société La place Gambetta est titulaire d'un permis de construire tacite, l'exécution de cet arrêt implique nécessairement que la société, qui le demande, soit mise en possession par le maire de Bordeaux d'un certificat de permis tacite. Il y a lieu de prescrire cette mesure dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

17. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Bordeaux le versement à la société La place Gambetta d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mis à la charge de la société requérante, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la commune de la somme que celle-ci demande en application de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La décision du maire de Bordeaux du 22 août 2016 est annulée.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er février 2018 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : Il est enjoint au maire de la commune de Bordeaux de délivrer à la société La place Gambetta le certificat du permis de construire tacite du 6 juillet 2016 dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : La commune de Bordeaux versera à la société La place Gambetta la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de la commune de Bordeaux tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile La place Gambetta, à la commune de Bordeaux et au ministre de la culture. Une copie en sera adressée au préfet de la région Nouvelle-Aquitaine.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Florence Madelaigue premier conseiller,

Lu en audience publique, le 14 mai 2019.

Le premier assesseur,

Frédéric Faïck

Le président-rapporteur,

Elisabeth Jayat

Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au préfet de la région Nouvelle-Aquitaine. en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX01301


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18BX01301
Date de la décision : 14/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Disparition de l'acte - Retrait - Retrait des actes créateurs de droits.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Octroi du permis - Permis tacite.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SCP CORNILLE - POUYANNE-FOUCHET

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-05-14;18bx01301 ?
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