La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/05/2019 | FRANCE | N°17BX00949

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 14 mai 2019, 17BX00949


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...H..., Mme M...L..., épouseH..., agissant tant en son nom personnel qu'au nom de ses deux enfants mineurs J...et B...H..., ainsi que Mme D...H..., épouseG..., ont demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'ordonner une nouvelle expertise médicale et d'enjoindre au centre hospitalier Nord Deux-Sèvres, avant dire droit, de produire l'échographie et l'examen de M. H...réalisés les 18 et 20 avril 2006, d'autre part, de condamner cet établissement à verser à M. H...la somme de 928 500

euros, à Mme H...la somme de 35 000 euros, à J...et Noah H...la somme de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...H..., Mme M...L..., épouseH..., agissant tant en son nom personnel qu'au nom de ses deux enfants mineurs J...et B...H..., ainsi que Mme D...H..., épouseG..., ont demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'ordonner une nouvelle expertise médicale et d'enjoindre au centre hospitalier Nord Deux-Sèvres, avant dire droit, de produire l'échographie et l'examen de M. H...réalisés les 18 et 20 avril 2006, d'autre part, de condamner cet établissement à verser à M. H...la somme de 928 500 euros, à Mme H...la somme de 35 000 euros, à J...et Noah H...la somme de 35 000 euros chacun et à Mme D...H...la somme de 6 500 euros en réparation des préjudices qu'ils ont subis à raison des fautes commises par le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres lors de la prise en charge de M. H...en avril 2006.

Par un jugement n° 1403239 du 24 janvier 2017, le tribunal administratif de Poitiers a mis à la charge définitive du centre hospitalier Nord Deux-Sèvres les frais d'expertise judiciaire, l'a condamné à verser à M. H...la somme de 1 000 euros et a rejeté le surplus de ces demandes ainsi que la demande présentée par la caisse primaire d'assurance maladie des Deux-Sèvres (CPAM).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mars 2017, et un mémoire, enregistré le 25 mars 2019, M.H..., MmeL..., épouseH..., agissant tant en son nom personnel qu'au nom de ses deux enfants mineurs J...et B...H..., ainsi que MmeH..., épouseG..., représentés par MeF..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 24 janvier 2017 en tant qu'il n'a pas ordonné une nouvelle expertise médicale, n'a pas enjoint au centre hospitalier Nord Deux-Sèvres (CHNDS), avant dire droit, de produire l'échographie et l'examen par tomodensitométrie de M. H...réalisés les 18 et 20 avril 2006 et n'a pas condamné le CHNDS à les indemniser de leurs préjudices ;

2°) de réformer ce jugement du 24 janvier 2017 en tant qu'il n'a condamné le CHNDS à verser à M. H...qu'une somme de 1 000 euros et non de 3 000 euros au titre de son préjudice moral ;

3°) d'ordonner, avant-dire droit, une nouvelle expertise médicale ;

4°) subsidiairement, de condamner le CHNDS à verser à M. H...la somme de 998 062 euros, à Mme L...ainsi qu'à ses enfants J...et Noah la somme de 35 000 euros chacun et à Mme D...H...la somme de 6 500 euros en réparation des préjudices qu'ils ont subis à raison des fautes commises par le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres lors de la prise en charge de M. H...en avril 2006 et d'assortir ces condamnations des intérêts moratoires à compter de l'enregistrement de la requête puis de procéder à leur capitalisation ;

5°) de mettre à la charge du CHNDS une somme de 3 500 euros au titre des frais exposés pour l'instance.

Ils soutiennent que :

- l'expertise judiciaire a été irrégulièrement menée ;

- il appartient au CHNDS de démontrer qu'il n'a pas commis d'erreur de diagnostic ;

- la tumeur dont était atteint M. H...en 2006 était nécessairement visible sur les éléments d'imagerie médicale ;

- le retard dans le traitement de cette tumeur lui a fait perdre d'importantes chances d'éviter les rechutes auxquelles il est confronté ;

- la perte de pièces commise par la CHNDS est fautive et a causé à M. H...un préjudice moral ;

- ils justifient de la réalité et du montant de leurs préjudices.

Par un mémoire, enregistré le 24 mai 2017, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par MeC..., conclut à sa mise hors de cause et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge du CHNDS au titre des frais exposés pour l'instance.

Il soutient que les conditions d'engagement de sa responsabilité au titre de la solidarité nationale ne sont pas remplies.

Par un mémoire, enregistré le 9 juin 2017, le CHNDS, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête et des conclusions présentées par l'ONIAM.

Il soutient qu'une nouvelle expertise ne présenterait aucun caractère d'utilité, que M. H... n'a subi aucune perte de chance et que les appelants ne justifient pas de l'existence des préjudices dont ils se prévalent.

Par deux mémoires, enregistrés les 28 juillet 2017 et 26 janvier 2018, la caisse primaire d'assurance maladie des Deux-Sèvres (CPAM) demande à la cour de condamner le CHNDS à lui verser une première somme de 258 667,11 euros en remboursement de ses débours, une seconde somme de 22 413,33 euros à titre de capital représentatif de ses débours futurs et une troisième somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et de mettre à la charge du CHNDS une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.

Elle soutient que le CHNDS a commis une faute qui engage sa responsabilité et qu'elle justifie du montant et de l'imputabilité de ses débours.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.K...,

- les conclusions de Normand, rapporteur public,

- et les observations de Me F...représentant M. H...et consorts, de Me E... représentant le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres, et de Me I...représentant l'ONIAM.

Considérant ce qui suit :

1. M. H...a été hospitalisé, en urgence, au centre hospitalier Nord Deux-Sèvres, sur le site de Parthenay, du 17 au 21 avril 2006 à raison de douleurs abdominales. Aucune pathologie n'a été diagnostiquée au cours de cette hospitalisation. Ces douleurs ayant récidivé, M. H...a été hospitalisé à la clinique Inkermann de Niort le 6 septembre 2007 où une tumeur endocrine du grêle a été identifiée. L'expert nommé par le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, à la demande de M.H..., a rendu son rapport le 21 mai 2015. Les consorts H...demandent à la cour, d'une part, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 24 janvier 2017 en tant qu'il n'a pas ordonné une nouvelle expertise médicale, n'a pas enjoint au centre hospitalier Nord Deux-Sèvres (CHNDS), avant-dire droit, de produire l'échographie et l'examen par tomodensitométrie de M. H...réalisés les 18 et 20 avril 2006 et n'a pas condamné le CHNDS à les indemniser de leurs préjudices, d'autre part, de réformer ce jugement du 24 janvier 2017 en tant qu'il n'a condamné le CHNDS qu'à verser à M. H...une somme de 1 000 euros et non de 3 000 euros au titre de son préjudice moral. La caisse primaire d'assurance maladie des Deux-Sèvres (CPAM) demande également à la cour de condamner le CHNDS à lui verser une première somme de 258 667,11 euros en remboursement de ses débours et une seconde somme de 22 413,33 euros à titre de capital représentatif de ses débours futurs.

Sur la demande d'expertise :

2. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. ". Il appartient au demandeur qui engage une action en responsabilité à l'encontre de l'administration d'apporter tous éléments de nature à établir devant le juge l'existence d'une faute et la réalité du préjudice subi. Il incombe alors, en principe, au juge de statuer au vu des pièces du dossier, le cas échéant après avoir demandé aux parties les éléments complémentaires qu'il juge nécessaires à son appréciation. Il ne lui revient d'ordonner une expertise que lorsqu'il n'est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu'il a recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile.

3. Après avoir relevé que l'expertise judiciaire susmentionnée n'avait pas respecté les prescriptions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative, les premiers juges ont rappelé qu'elle pouvait néanmoins être valablement utilisée par le juge à titre d'élément d'information dans la mesure où elle contient des constatations de fait dont l'exactitude n'est pas contestée et en complément des autres éléments produits au dossier. Par ailleurs, les consorts H...ont produit l'analyse réalisée par leur médecin conseil et ses observations sur le rapport d'expertise tandis qu'une expertise amiable a été réalisée le 23 juin 2014 à l'initiative du centre hospitalier Nord Deux-Sèvres. Enfin, il est constant que l'échographie et l'examen par tomodensitométrie de M. H...réalisés les 18 et 20 avril 2006 ont été définitivement égarés par le CHNDS si bien qu'il est vain de demander à cet établissement de les produire. Dans ces conditions, une nouvelle expertise ne présenterait aucun caractère d'utilité. Par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leurs demandes tendant à ce qu'une nouvelle expertise soit ordonnée et qu'il soit enjoint au CHNDS de produire les examens égarés.

Sur la responsabilité du centre hospitalier :

4. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. -Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".

En ce qui concerne l'erreur de diagnostic :

5. À l'appui du moyen tiré de ce que le CHNDS aurait commis une erreur de diagnostic en ne décelant pas la présence d'une tumeur cancéreuse à l'issue des examens réalisés en avril 2006 et de ce que cette erreur de diagnostic caractérise une faute, les appelants ne se prévalent devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critiquent pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges et de rejeter les conclusions des appelants et de la CPAM tendant à ce que le CHNDS soit condamné à les indemniser des préjudices que cette faute leur aurait causés, y compris l'indemnité forfaitaire de gestion.

En ce qui concerne la faute dans l'organisation du service :

6. Compte tenu du caractère fautif de la perte de certains examens réalisés en avril 2006 et des doutes que cette perte a pu susciter dans l'esprit des appelants, la fixation du préjudice moral en résultant à la somme de 1 000 euros résulte d'une juste appréciation des premiers juges qu'il y a lieu de confirmer.

Sur les frais exposés pour l'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que demandent les appelants, la CPAM et l'ONIAM soient mises à la charge du CHNDS.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête ainsi que les conclusions de la CPAM et de l'ONIAM sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...H..., Mme M...L..., épouseH..., agissant tant en son nom personnel qu'au nom de ses deux enfants mineurs J...et B...H..., ainsi qu'à Mme D...H..., épouseG..., au centre hospitalier Nord Deux-Sèvres, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie des Deux-Sèvres, et à la caisse primaire d'assurance maladie de Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2019 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 mai 2019.

Le rapporteur,

Manuel K...Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°17BX00949


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00949
Date de la décision : 14/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SELARL ABACUS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-05-14;17bx00949 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award