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12/04/2019 | FRANCE | N°18BX03244,18BX03245

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 12 avril 2019, 18BX03244,18BX03245


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... O..., M. A...N..., M. J...B..., M. K...F...et M. I... H...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Pauillac de signer, le 11 mai 2016, un contrat de location d'un local professionnel avec MmeG..., kinésithérapeute.

Par un jugement n° 1603259 du 4 juin 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette décision.

Procédures devant la cour :

I - Par une requête n° 18BX03244 et un

mémoire, enregistrés le 20 août 2018 et le 31 janvier 2019, le centre communal d'action soc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... O..., M. A...N..., M. J...B..., M. K...F...et M. I... H...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Pauillac de signer, le 11 mai 2016, un contrat de location d'un local professionnel avec MmeG..., kinésithérapeute.

Par un jugement n° 1603259 du 4 juin 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette décision.

Procédures devant la cour :

I - Par une requête n° 18BX03244 et un mémoire, enregistrés le 20 août 2018 et le 31 janvier 2019, le centre communal d'action sociale (CCAS) de Pauillac, représenté par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 4 juin 2018 et de rejeter la requête présentée par MM. O...et autres ;

2°) à défaut, de constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête ;

3°) de mettre à la charge de MM. O...et autres, une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la locataire a donné son préavis au CCAS afin de quitter le local loué en litige de sorte que la procédure semble avoir perdu son objet ;

- les premiers juges ont fait une appréciation erronés des faits de l'espèce : le montant du loyer consenti correspond aux prix pratiqués sur le territoire communal et, en ce qui concerne les loyers versés par les requérants : il faut tenir compte de ce que ces loyers sont, d'une part, artificiellement fixés à un montant important car ils sont versés aux SCI constitués par les mêmes propriétaires-locataires, et d'autre part, ces loyers doivent tenir compte du nombre réel d'occupants ; en outre, le local en litige n'est pas aménagé ; enfin, si les six premiers mois de loyer n'ont pas été exigés de MmeG..., c'est en contrepartie de la réalisation de travaux de peinture par le preneur ;

- une carence en masseurs-kinésithérapeutes existe en raison des communes voisines, rurales, dépourvues de tout professionnel de cette spécialité ; les clients des masseurs-kinésithérapeutes de Pauillac ne se limitent pas aux seuls habitants de cette commune ; en tout état de cause, la profession du preneur a été indifférente à la décision de louer ce bien ;

- le montant des travaux de réhabilitation du local donné en location (51 284, 92 euros) entraîne une augmentation de la valeur vénale de ce bien, la location évite des coûts d'entretien, tandis que le taux de rentabilité de cet immeuble (10 %) est supérieur au taux moyen national ; le retour sur investissement est donc indéniable ;

- saisi par l'effet dévolutif de l'appel des autres moyens soulevés en première instance, la cour écartera l'ensemble de ces moyens : une délibération n°48/2014 du 12 juin 2014 du conseil d'administration donnait bien délégation à son président, notamment pour la conclusion de contrat de louage ne dépassant pas une durée de 12 ans ; le règlement intérieur du CCAS permet de procéder à l'adoption de cette décision de conclure un contrat de bail à l'occasion d'une réunion non-publique, à huit clos, tandis que le contrat ne méconnait nullement la volonté du donateur de l'immeuble en cause au bureau de bienfaisance de Pauillac (en 1901) et le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 123-5 et L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles est inopérant et ne peut qu'être écarté ; enfin, aucune violation de la liberté du commerce et de l'industrie ne peut être retenue.

Par des mémoires, enregistrés le 15 janvier 2019 et le 15 février 2019, MM. O...et autres, représentés par MeP..., demandent à la cour, dans leurs dernières écritures, de rejeter la requête du CCAS et de le condamner à leur verser une somme de 5 750 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- le prix des loyers au mètre carré a été pris en compte, à juste titre, par les premiers juges et le nombre d'occupants ne peut donc être utilement avancé ; en outre, les baux professionnels et des quittances sont produits et établissent que le montant du loyer prévu en faveur de Mme G...est nettement inférieur aux prix du marché ; en outre, l'attestation produite pour les besoins de la cause, établie par un membre de la famille du directeur du CCAS, faisant état du coût des travaux de peinture qui auraient été laissés à la charge du preneur, ou encore les factures produites par MmeG..., pour la pose d'un revêtement de sol, ne peuvent être prises en compte ;

- par ailleurs, le nombre de masseurs-kinésithérapeutes dans le canton a été pris en compte, à juste titre, par les premiers juges ;

- enfin, aucune contrepartie suffisante n'est établie, et le coût important des travaux de réhabilitation n'est pas du tout couvert ;

- à titre subsidiaire, d'autres moyens doivent entrainer l'annulation de la décision : la décision a été prise à l'issue d'une procédure entachée d'irrégularité car la décision de recourir au huit-clos n'est pas justifiée ; les pièces et mémoires produits par le CCAS sont irrecevables faute de justifier d'une délégation habilitant le président à le représenter en justice, tandis que la volonté du testateur est méconnue, ainsi que les articles L. 123-5 et L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles dès lors que ce contrat de location n'entre dans aucune des missions du CCAS.

II - Par une requête n° 18BX03245 et des mémoires, enregistrés le 20 août 2018, le 17 décembre 2018, et le 31 janvier 2019, le centre communal d'action sociale (CCAS) de Pauillac, représenté par MeD..., demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1603259 du 4 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision de son président de signer, le 11 mai 2016, un contrat de location d'un local professionnel avec MmeG....

Il soutient que la requête d'appel tendant à l'annulation du jugement contient des moyens sérieux tirés de l'erreur de fait et de l'erreur d'appréciation.

Par des mémoires, enregistré le 1er décembre 2018, le 15 janvier 2019 et le 18 février 2019, MM. O...et autres, représentés par MeP..., concluent au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge du CCAS une somme de 5 750 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent qu'aucun des moyens soulevés ne justifie que soit prononcé un sursis à exécution du jugement attaqué.

Par deux ordonnances du 22 février 2019, la clôture de l'instruction de ces affaires a été fixée, en dernier lieu, au 4 mars 2019, à 12h00.

Le président de chambre a décidé, en application de l'article R. 222-29 du code de justice administrative, d'inscrire la demande de sursis à exécution présentée par la CCAS de Pauillac au rôle de la chambre siégeant en formation de jugement.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvande Perdu,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant le CCAS de Pauillac, et de Me L..., représentant M. O...et autres.

Considérant ce qui suit :

1. M. O... ainsi que quatre autres masseurs-kinésithérapeutes exerçant à Pauillac ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Pauillac de signer, le 11 mai 2016, un contrat de location d'un local professionnel avec MmeG..., également masseur-kinésithérapeute. Par deux requêtes n° 18BX03244 et 18BX03245, le CCAS de Pauillac relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette décision et en demande le sursis à exécution.

2. Les requêtes n° 18BX03244 et 18BX03245 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur l'objet du litige :

3. La circonstance que MmeG..., titulaire du bail, a informé le CCAS de Pauillac, le 20 décembre 2018, qu'elle donnait son préavis pour quitter, à la fin du mois de juin 2019, le local qu'elle lui loue, ne rend pas sans objet l'instance introduite par MM. O...et autres tendant à obtenir l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du directeur du CCAS de Pauillac, qui n'a pas été rapportée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Le CCAS de Pauillac a donné à bail à MmeG..., kinésithérapeute, pour une durée de neuf ans, un local professionnel d'une superficie de 111 m2, réhabilité, moyennant un loyer mensuel de 450 euros, avec exonération totale de loyer pendant les six premiers mois.

5. Compte tenu du coût moyen au mètre carré des loyers versés par les requérants, pour des locaux professionnels permettant l'exercice de la profession de masseur-kinésithérapeute, largement supérieurs à celui consenti à MmeG..., des loyers versés par d'autres professionnels de santé pour des locaux situés à Pauillac, nouvellement produits en appel et, de surcroît, de la rénovation du local dont a bénéficié MmeG..., d'un montant de 51 825 euros pris en charge par l'établissement public, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que les conditions du bail de Mme G...devaient être regardées comme nettement inférieures au prix du marché dans la commune de Pauillac.

6. Il est vrai que la location par une personne publique de bâtiments à une personne privée pour un prix inférieur à leur valeur ne saurait être regardée comme méconnaissant le principe selon lequel une collectivité publique ne peut pas louer un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d'intérêt privé, lorsque la location est justifiée par des motifs d'intérêt général et comporte des contreparties suffisantes.

7. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le bail a été conclu avec Mme G...en vue de favoriser l'installation d'un masseur-kinésithérapeute. Il ressort cependant des mêmes pièces que le nombre de masseurs-kinésithérapeutes exerçant dans le canton de Pauillac est compris entre 75 et 100 pour 100 000 habitants et que la commune comprend elle-même dix praticiens, ce qui la situe à un niveau de dotation qualifié d'" intermédiaire " par l'agence régionale de santé, quand bien même les habitants de communes rurales périphériques peuvent consulter ces praticiens. Aucune carence dans l'offre locale de masseurs-kinésithérapeutes ne peut ainsi justifier la décision en litige.

8. De plus, le prix du loyer ne permettra pas de couvrir, sur neuf ans, le montant des travaux engagés pour réhabiliter le local. Et si le CCAS soutient en appel que les six premiers mois de gratuité seraient justifiés en compensation de travaux de peinture laissés à la charge du preneur, cette circonstance, au demeurant non établie par les pièces produites, ne suffirait pas davantage à justifier l'aide indirecte ainsi consentie à Mme G...sur toute la période de location.

9. Par suite, et ainsi que les premiers juges l'ont estimé à bon droit, les conditions de cette location ne sont pas justifiées par un motif d'intérêt général et la location ne comporte pas de contreparties suffisantes pour l'établissement public.

10. Il résulte de ce qui précède que le CCAS de Pauillac n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé, pour ce motif, la décision du président du CCAS de conclure un bail avec MmeG....

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :

11. Le présent arrêt statuant au fond sur la requête du CCAS de Pauillac, les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement deviennent sans objet.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de MM. O...et autres, qui n'ont pas la qualité de partie perdante, une somme au titre des frais exposés par le CCAS de Pauillac et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge du CCAS, sur ce fondement, une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par MM. O...et autres.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 18BX03244 présentée par le centre communal d'action sociale de Pauillac est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement présentées dans la requête n° 18BX03245.

Article 3 : Le centre communal d'action sociale de Pauillac versera à MM. O...et autres, une somme globale de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre communal d'action sociale de Pauillac, à M. C... O..., à M. A... N..., à M. J... B..., à M. K... F..., à M. I... H...et à Mme M...G....

Délibéré après l'audience du 29 mars 2019 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

M. Romain Roussel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 avril 2019.

Le rapporteur,

Sylvande Perdu

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 18BX03244, 18BX03245


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18BX03244,18BX03245
Date de la décision : 12/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-01-06-01 Collectivités territoriales. Dispositions générales. Dispositions économiques. Aides.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvande PERDU
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : BOISSY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-04-12;18bx03244.18bx03245 ?
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