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12/04/2019 | FRANCE | N°17BX00328

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 12 avril 2019, 17BX00328


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Syndicat mixte du pôle image Magelis a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'État à lui payer la somme de 960 426,29 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison du refus du préfet de lui attribuer le bénéfice du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée au titre de dépenses d'investissement engagées entre 2004 et 2006 concernant les travaux de réhabilitation d'anciens chais dans la perspective de la création d'un musée du cinéma à Ango

ulême.

Par un jugement n° 1401539 du 1er décembre 2016, le tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Syndicat mixte du pôle image Magelis a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'État à lui payer la somme de 960 426,29 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison du refus du préfet de lui attribuer le bénéfice du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée au titre de dépenses d'investissement engagées entre 2004 et 2006 concernant les travaux de réhabilitation d'anciens chais dans la perspective de la création d'un musée du cinéma à Angoulême.

Par un jugement n° 1401539 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 janvier 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 18 septembre 2017, le Syndicat mixte du pôle image Magelis, représenté par la société Fidal, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 1er décembre 2016 ;

2°) de condamner l'État à lui payer la somme de 960 426,29 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi, assortie des intérêts à compter du 10 janvier 2014 et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas tiré les conséquences de la reconnaissance de responsabilité de l'État résultant de l'illégalité de la décision du préfet du 28 novembre 2008 ;

- il n'a eu une connaissance précise de la réalité et de l'étendue du dommage qu'à compter du 13 septembre 2013 ; sa créance résultant de l'illégalité de la décision du 28 novembre 2008 n'était donc pas prescrite ;

- la décision du 28 novembre 2008 ne saurait être analysée comme un refus de le faire bénéficier du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, mais comme un sursis illégal ; seule la décision du 5 novembre 2013 constitue un tel refus ;

- la décision fautive est celle du 5 novembre 2013, par laquelle le préfet lui a opposé la prescription quadriennale.

Par un mémoire, enregistré le 27 mars 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 juin 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 août 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour le Syndicat mixte du pôle image Magelis.

Considérant ce qui suit :

1. Le Syndicat mixte du pôle image Magelis a transmis au préfet de la Charente, le 16 octobre 2008, un état déclaratif des dépenses d'investissement qu'il avait réalisées au cours des années 2004 à 2006 concernant en particulier des travaux de réhabilitation d'anciens chais à Angoulême dans la perspective de la création d'un musée du cinéma. Par courrier du 28 novembre 2008, le préfet a informé le syndicat qu'il n'était pas en mesure d'apprécier à cette date l'éligibilité de ces dépenses au fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée. Le 24 septembre 2013, le syndicat a renouvelé sa demande. Par courrier du 5 novembre 2013, le préfet a informé le syndicat que les créances relatives aux dépenses engagées en 2004, 2005 et 2006 étaient prescrites. Le Syndicat mixte du pôle image Magelis relève appel du jugement du 1er décembre 2016 par lequel le tribunal de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'État à réparer le préjudice qu'il estime avoir subi en raison du refus du préfet de lui attribuer le bénéfice du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée pour ces dépenses.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le tribunal a regardé le préjudice allégué comme consistant en l'absence de versement de la somme demandée au préfet au titre du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée. En opposant, après avoir reconnu l'existence d'une faute de l'État, la prescription de la créance, les premiers juges ont effectivement statué sur la demande de dommages et intérêts du requérant. En outre, la critique du bien-fondé des motifs du jugement attaqué est sans incidence sur sa régularité. Il en est de même concernant l'appréciation portée par les premiers juges sur la prescription de cette créance.

Au fond :

3. Aux termes de l'article L. 1615-7 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable aux dépenses engagées en 2004 et 2005 : " Les immobilisations cédées ou mises à disposition au profit d'un tiers ne figurant pas au nombre des collectivités ou établissements bénéficiaires du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée ne peuvent donner lieu à une attribution dudit fonds (...) ". Aux termes du même article, dans sa rédaction applicable aux dépenses engagées en 2006 : " Les immobilisations cédées à un tiers ne figurant pas au nombre des collectivités ou établissements bénéficiaires du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée ne donnent pas lieu à attribution du fonds. / Les immobilisations confiées dès leur réalisation ou leur acquisition à un tiers ne figurant pas au nombre des collectivités ou établissements bénéficiaires du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée et exerçant une activité ne lui ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le bien donnent lieu à attribution du fonds pour les dépenses réelles d'investissement réalisées à compter du 1er janvier 2006 si : a) Le bien est confié à un tiers qui est chargé soit de gérer un service public que la collectivité territoriale ou l'établissement lui a délégué, soit de fournir à cette collectivité ou cet établissement une prestation de services ; b) Le bien est confié à un tiers en vue de l'exercice, par ce dernier, d'une mission d'intérêt général ; c) Le bien est confié à titre gratuit à l'État (...) ". Aux termes de l'article L. 1615-9 du même code : " Les modalités de remboursement des attributions du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée par les collectivités locales ou les établissements bénéficiaires dudit fonds sont définies par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 1615-5 : " Le remboursement mentionné à l'article L. 1615-9 est opéré dans les conditions suivantes : / 1° Lorsqu'il s'agit d'un immeuble cédé ou confié à un tiers en dehors des cas d'éligibilité prévus par le deuxième alinéa de l'article L. 1615-3 avant le commencement de la neuvième année qui suit celle de son acquisition ou de son achèvement, la collectivité ou l'établissement bénéficiaire reverse une fraction de l'attribution initialement obtenue. Cette fraction est égale au montant de l'attribution initiale diminuée d'un dixième par année civile ou fraction d'année civile écoulée depuis la date à laquelle l'immeuble a été acquis ou achevé (...) ".

4. Le 28 novembre 2008, date à laquelle le préfet a statué sur l'état déclaratif que lui a transmis le Syndicat mixte du pôle image Magelis, qui est au nombre des établissements bénéficiaires du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, les chais réhabilités en vue d'accueillir une activité culturelle n'étaient ni cédés ni confiés à un tiers. Les dépenses d'investissement en litige étaient donc éligibles à l'attribution du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée. La décision du préfet du 28 novembre 2008 doit par suite être analysée comme un refus illégal, qui constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'État.

5. Toutefois, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ".

6. Dès lors que les dépenses réelles d'investissement des collectivités territoriales à prendre en considération pour la répartition de la dotation du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée au titre d'une année déterminée sont celles afférentes à la pénultième année, le droit à une attribution du fonds ne naît qu'au cours de la deuxième année suivant la réalisation des dépenses d'investissement. En l'espèce, les dépenses d'investissement en cause ayant été exposées par le syndicat requérant au cours des années 2004, 2005 et 2006, il en résulte que le fait générateur des attributions demandées est intervenu respectivement en 2006, 2007 et 2008.

7. La demande du syndicat du 16 octobre 2008 a interrompu le cours de la prescription quadriennale dont le délai a recommencé à courir à compter du 1er janvier 2009 pour expirer le 31 décembre 2012.

8. Alors qu'il était loisible au Syndicat Magelis de contester la décision de rejet du préfet du 28 novembre 2008, qui lui faisait grief, il n'a présenté une nouvelle demande au préfet que le 24 septembre 2013. Aucun nouvel élément interruptif de prescription n'est intervenu entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012. Dans sa réponse au syndicat du 28 novembre 2013, le préfet était donc fondé à opposer à ce dernier la prescription de la créance.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le Syndicat mixte du pôle image Magelis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le Syndicat mixte du pôle image Magelis au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête du Syndicat mixte du pôle image Magelis est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au Syndicat mixte du pôle image Magelis et au ministre de l'intérieur. Copie sera transmise au préfet de la Charente.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2019 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. David Katz, premier conseiller,

M. Romain Roussel, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 avril 2019.

Le rapporteur,

Romain Roussel

Le président,

Philippe Pouzoulet Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 17BX00328


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00328
Date de la décision : 12/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Collectivités territoriales - Dispositions générales - Dispositions financières - Fonds de compensation de la TVA.

Comptabilité publique et budget - Dettes des collectivités publiques - Prescription quadriennale - Régime de la loi du 31 décembre 1968.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Romain ROUSSEL
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : FIDAL MERIGNAC

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-04-12;17bx00328 ?
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