Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 17 octobre 2015 par laquelle le président du conseil départemental de la Gironde lui a retiré son agrément d'accueillante familiale et de condamner le département à lui verser une somme de 202 411, 20 euros en réparation de l'ensemble des préjudices qu'elle estime avoir subis.
Par un jugement n°1505138 du 25 novembre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 janvier 2017 et le 11 février 2019, MmeB..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 25 novembre 2016 ainsi que la décision du président du conseil départemental de la Gironde du 17 octobre 2015 ;
2°) d'enjoindre au président du conseil départemental de la Gironde de lui délivrer un nouvel agrément pour l'accueil de trois personnes à son domicile ;
3°) de condamner le département de la Gironde à lui verser la somme de 202 411, 20 euros en réparation de l'ensemble des préjudices qu'elle a subis ;
4°) de mettre à la charge du département de la Gironde une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête d'appel ne se borne pas à reproduire son argumentation de première instance et, par suite, elle est recevable ;
- la décision du 7 octobre 2015 a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle n'a pas reçu d'injonction d'avoir à remédier à des dysfonctionnements précis dans le délai imparti par décret, et que les personnes âgées qui lui étaient confiées ont été retirées de son domicile avant qu'une décision de retrait ne soit prononcée et sans qu'une urgence particulière n'ait été invoquée ;
- ses droits de la défense n'ont pas été respectés : son conseiller a demandé le 31 août 2015 une copie de son dossier avant la réunion de la commission consultative mais, le
9 septembre 2015, elle n'a reçu qu'une réponse lui proposant de prendre rendez-vous pour venir consulter le dossier ; en outre, lors de la séance de la commission consultative du 16 septembre 2015, elle n'a pas été vraiment invitée à s'expliquer ;
- la chronologie des échanges épistolaires démontre que les motifs de la décision contestée ne sont pas fondés : après des années d'exercice de cette activité, son agrément est renouvelé et les faits allégués, subitement reprochés à l'intéressée, sont erronés ;
- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- des considérations étrangères à l'intérêt général, liées à un conflit personnel avec essentiellement un agent du département, fondent cette décision de retrait d'agrément qui est entachée, dès lors, de détournement de pouvoir ;
- elle doit se voir délivrer un nouvel agrément et obtenir, par ailleurs, le versement d'une indemnité d'un montant total de 202 411, 20 euros en réparation des préjudices financiers qu'elle a subis.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2019, le département de la Gironde, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'appelante une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le département fait valoir que :
- la requête d'appel n'est pas recevable : elle se borne à reproduire la requête de première instance et ne critique nullement le jugement ;
- aucun vice de procédure ne peut être retenu ;
- au fond : à l'occasion de comptes rendus des entretiens réalisés avec une personne âgée autrefois accueillie au domicile de Mme B...et qui avait demandé à en partir, des dysfonctionnements importants sont apparus et, lors de visites au domicile de cette assistante familiale, le service a constaté que les améliorations qui avaient été demandées pour assurer la qualité de l'accueil n'avaient pas été prises en comptes.
Par une ordonnance du 14 janvier 2019, la clôture de l'instruction de cette affaire a été fixée, en dernier lieu, au 15 février 2019, à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sylvande Perdu,
- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,
- et les observations de Me C...représentant MmeB..., Me F...représentant le département de la Gironde.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., qui exerce les fonctions d'accueillante familiale, a obtenu le renouvellement de son agrément le 29 décembre 2014 pour recevoir à son domicile, à titre onéreux, trois personnes âgées ou adultes handicapées. Par décision du 7 octobre 2015, le président du conseil départemental de la Gironde a prononcé le retrait de cet agrément.
Mme B...a saisi le tribunal administratif de Bordeaux de conclusions tendant à obtenir l'annulation de cette décision ainsi que la condamnation du département à l'indemniser des préjudices subis. Elle forme appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté l'ensemble de ses demandes.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 441-1 du code de l'action sociale et des familles : " Pour accueillir habituellement à son domicile, à titre onéreux, des personnes âgées ou handicapées adultes n'appartenant pas à sa famille jusqu'au quatrième degré inclus (...), une personne ou un couple doit, au préalable, faire l'objet d'un agrément, renouvelable, par le président du conseil général de son département de résidence qui en instruit la demande (...)./ La décision d'agrément fixe, dans la limite de trois, le nombre de personnes pouvant être accueillies./ L'agrément ne peut être accordé que si les conditions d'accueil garantissent la continuité de celui-ci, la protection de la santé, la sécurité et le bien-être physique et moral des personnes accueillies, si les accueillants se sont engagés à suivre une formation initiale et continue et si un suivi social et médico-social de celles-ci peut être assuré. (...) ". Aux termes de l'article L. 441-2 de ce code : " Le président du conseil général organise le contrôle des accueillants familiaux, de leurs remplaçants et le suivi social et médico-social des personnes accueillies. /Si les conditions mentionnées au quatrième alinéa de l'article L. 441-1 cessent d'être remplies, il enjoint l'accueillant familial d'y remédier dans un délai fixé par le décret mentionné au même article. S'il n'a pas été satisfait à cette injonction, l'agrément est retiré après avis de la commission consultative. L'agrément peut également être retiré selon les mêmes modalités et au terme du même délai, en cas de non-conclusion du contrat mentionné à l'article L. 442-1 (...). En cas d'urgence, l'agrément peut être retiré sans injonction préalable ni consultation de la commission précédemment mentionnée. ". En vertu de l'article R. 441-9 du même code : " Le délai mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 441-2 est de trois mois. ". Enfin, aux termes de l'article R. 441-11 dudit code : " Lorsque le président du conseil général envisage dans les conditions prévues à l'article L. 441-2 de retirer un agrément ou d'y apporter une restriction, il saisit pour avis la commission consultative de retrait en lui indiquant le contenu de l'injonction préalable et les motifs de la décision envisagée. / L'accueillante familial concernée est informé un mois au moins avant la date de la réunion de la commission, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, des motifs de la décision envisagée à son encontre. Il est invité à présenter à la commission ses observations par écrit ou à en faire part lors de la réunion de la commission. /Il peut se faire assister par deux personnes de son choix. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que par lettre du 8 avril 2015 le président du conseil départemental de la Gironde a, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 441-2 du code de l'action sociale et des familles, enjoint à Mme B...de remédier à plusieurs dysfonctionnements constatés dans l'accueil à son domicile de deux personnes âgées et d'indiquer les mesures qu'elle envisageait de prendre " dans les délais fixés à l'article R. 441-9 du code de l'action sociale et des familles ", enfin l'a informée qu'un signalement avait été adressé au procureur de la République. Mme B...a contesté, par courrier du 20 juin 2015, la véracité de l'ensemble des faits qui lui étaient reprochés. Dans ces conditions, la circonstance que le courrier du 8 avril 2015 ne précisait pas le délai de trois mois durant lequel l'intéressée devait remédier aux dysfonctionnements constatés n'a, en tout état de cause, privé l'intéressée d'aucune garantie.
4. En outre, Mme B...reprend en appel le moyen tiré de ce qu'elle n'a pas eu accès à son dossier avant la séance au cours de laquelle la commission consultative de retrait d'agrément a examiné sa situation, sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer sérieusement le jugement. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges au point 4 du jugement attaqué.
5. Si Mme B...allègue que lors de la séance du 16 septembre 2015 au cours de laquelle la commission consultative de retrait d'agrément a examiné sa situation, elle n'aurait en réalité pas pu s'exprimer, il est constant qu'elle était accompagnée de son conseil et qu'elle a ainsi pu faire valoir ses droits.
6. Enfin, et ainsi que les premiers juges l'ont relevé, la circonstance que les deux personnes âgées que Mme B...accueillait ont été retirées de son domicile, dans des conditions que cette dernière conteste en faisant notamment valoir que la décision de retrait d'agrément n'était pas encore intervenue, est sans incidence sur la légalité de la décision de retrait d'agrément en litige.
7. Il a été reproché à Mme B...des conditions de prises en charge défaillantes en matière d'hygiène, d'activités et de continuité de l'accueil des personnes âgées. Ces faits sont établis par les comptes rendus d'entretien et les évaluations effectuées par différents travailleurs sociaux, en dehors et au domicile de la requérante, auprès de personnes accueillies et anciennement accueillies. Les attestations produites par Mme B...ne suffisent pas à contredire les faits précis sur lesquels s'est fondée l'administration. En outre, ces dysfonctionnements avaient déjà donné lieu à un avertissement dès le renouvellement de l'agrément obtenu par Mme B...en 2014, et les constats résultant de suivis postérieurs, en particulier l'existence d'hospitalisations non signalées aux services compétents d'une personne âgée handicapée accueillie, ainsi que l'absence d'amélioration des dysfonctionnements signalés à l'intéressée en 2014, ont conduit à la mise en demeure du 8 avril 2015 précitée, fondée sur les mêmes insuffisances qui persistaient. L'ensemble de ces faits permet de considérer que les conditions de cet accueil ne garantissaient plus la continuité de celui-ci, la protection de la santé, la sécurité et le bien-être physique et moral des personnes accueillies, au sens des dispositions précitées de l'article L.441-1 du code de l'action sociale et des familles, et justifiait la décision de retrait d'agrément en litige. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le président du conseil départemental n'avait ni entaché sa décision d'erreur d'appréciation ni fait une inexacte application des dispositions précitées du code de l'action sociale et des familles en prononçant, après avis favorable de la commission consultative, le retrait de l'agrément dont bénéficiait MmeB....
8. Le détournement de pouvoir allégué n'est pas plus établi en appel qu'il ne l'était en première instance.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de
non-recevoir opposée par le département, que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux, a rejeté ses conclusions à fin d'annulation. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
10. Il résulte de ce qui précède que, le retrait d'agrément en litige est régulier. Par suite, les conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité fautive qui aurait entaché la décision du président du conseil départemental ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'articles
L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du département, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de Mme B...une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions, au titre des frais exposés par le département de la Gironde et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par Mme B...est rejetée.
Article 2 : Mme B...versera au département de la Gironde une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au département de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2019 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
M. David Katz, premier conseiller,
Mme Sylvande Perdu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 avril 2019.
Le rapporteur,
Sylvande Perdu
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé et au ministre de l'intérieur en ce qui les concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX00247