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01/04/2019 | FRANCE | N°17BX01406

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 01 avril 2019, 17BX01406


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...D..., fonctionnaire de La Poste a été victime d'un accident sur la voie publique le 31 décembre 2003, qui a été reconnu comme un accident de service. Mme D...a demandé devant le tribunal administratif de Toulouse la condamnation de la Poste à lui verser la somme totale de 42 535, 50 euros outre les frais médicaux, en réparation des préjudices subis du fait de l'accident de service.

Par un jugement n° 12027458 du 23 février 2017, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la Poste

lui verser la somme de 21 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 f...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...D..., fonctionnaire de La Poste a été victime d'un accident sur la voie publique le 31 décembre 2003, qui a été reconnu comme un accident de service. Mme D...a demandé devant le tribunal administratif de Toulouse la condamnation de la Poste à lui verser la somme totale de 42 535, 50 euros outre les frais médicaux, en réparation des préjudices subis du fait de l'accident de service.

Par un jugement n° 12027458 du 23 février 2017, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la Poste à lui verser la somme de 21 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 février 2012, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 mai 2017 et un mémoire du 13 mars 2019, la Poste, représentée par MeC..., demande à la cour à titre principal d'annuler le jugement du 23 février 2017 du tribunal administratif de Toulouse, à titre subsidiaire, la réformation du jugement en tant qu'il condamne la Poste au titre du déficit fonctionnel et temporaire et permanent, et demande à la cour de dire et juger que Mme D...n'a droit à aucune indemnisation au titre de sa pension d'invalidité.

Elle soutient que :

- l'action de Mme D...est prescrite dès lors qu'elle a été présentée le 2 février 2012, soit au-delà du délai de quatre ans à compter de la date de consolidation du 16 janvier 2006 pour solliciter l'indemnisation de son préjudice auprès de l'administration, et que le référé expertise intenté le 5 juillet 2011 n'a pu interrompre le délai de prescription déjà acquis à cette date ;

- à titre subsidiaire, en ce qui concerne les sommes de 1 500 euros et 16 800 euros, allouées à Mme D...au titre du déficit fonctionnel temporaire et permanent, en vertu de l'arrêt du Conseil d'Etat du 7 octobre 2013, Ministre de la défense contre M.B..., Mme D... ne peut en solliciter la réparation dès lors que ces préjudices sont déjà inclus dans la pension d'invalidité ;

- c'est pour la même raison que le tribunal a à bon droit débouté Mme D...de ses conclusions fondées sur le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence ;

- par ailleurs, l'indemnité dite de " complément poste " est liée à l'exercice des fonctions ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions présentées par Mme D...au titre du préjudice d'agrément.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 juillet 2017, Mme E...D..., représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête de La Poste, à la condamnation de la Poste à lui verser la somme de 45 415,50 euros, au titre du préjudice subi, assortie des intérêts moratoires au taux légal à compter du 3 février 2012 et capitalisation et à ce que soit mise à la charge de la Poste le versement de la somme de 2 500 euros à Me A... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'exception de prescription opposée par la Poste doit être écartée dès lors que la Poste de par les articles 14 et 15 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 90 relative à l'organisation de la poste et du service des télécommunications, n'est plus soumise aux règles de la comptabilité publique, et n'est donc plus autorisée à se prévaloir de la prescription quadriennale ;

- en ce qui concerne la responsabilité sans faute, elle est en droit d'obtenir réparation des préjudices subis, du fait de l'accident de service ;

- en premier lieu, contrairement à ce que soutient la Poste, l'allocation temporaire d'invalidité indemnise les pertes de revenus et l'incidence professionnelle, mais ne lui interdit pas une réparation complémentaire ;

- en l'espèce, elle a droit pour un montant de 8 735,50 euros, à l'indemnisation au titre de la prime complémentaire de la Poste pour la période courant à compter de janvier 2007 soit après consolidation;

- en ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux temporaires, elle a droit à hauteur de 4 000 euros, à la réparation du déficit fonctionnel temporaire de 2/7 ;

- elle a droit, pour le pretium doloris de 3/7 à une indemnisation de 10 000 euros ;

- la Poste doit être condamnée à lui verser la somme de 3 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

- pour ce qui est des préjudices extra-patrimoniaux permanents, elle a droit à la somme de 19 680 euros au titre du déficit fonctionnel permanent de 12 %.

Par une décision du 7 septembre 2017, Mme D...a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-11 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila,

- et les conclusions de Mme Molina-Andréo rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. MmeD..., agent de La Poste affectée à Labastide-Saint-Pierre (Tarn-et-Garonne) en qualité de factrice, a été victime d'un accident sur la voie publique le 31 décembre 2003, qui a été reconnu comme un accident de service. Elle a présenté une contracture cervicale post-traumatique, une lombalgie post-traumatique, un hématome du genou gauche, et une contusion de la main droite. Mme D...a été placée en arrêt de travail jusqu'au 14 octobre 2006. La date de consolidation a été fixée au 16 janvier 2006 avec reprise au 1er février 2006 sur un poste adapté après avis du médecin de prévention. Son taux d'incapacité permanente partielle a été fixé à 12 % (8 % pour raideur cervicale et 4 % pour épaule douloureuse) ce qui lui a ouvert droit au bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité. Mme D...placée à compter du 15 octobre 2006 en congé de longue durée pour une pathologie indépendante des séquelles de l'accident de service, a demandé le 17 février 2011, à ce que soit reconnue la rechute de l'accident de service, ce que la Poste a refusé par une décision du 16 mars 2011. Mme D...a finalement été admise, le 16 octobre 2011, à la retraite pour invalidité non imputable au service. Elle a demandé devant le tribunal administratif de Toulouse la condamnation de la Poste à lui verser la somme totale de 42 535,50 euros - outre les frais médicaux- en réparation des préjudices subis du fait de l'accident de service. Par un jugement du 23 février 2017, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la Poste à lui verser la somme de 21 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 février 2012, et a rejeté le surplus de sa demande. La Poste relève appel du jugement, et par la voie de l'appel incident, Mme D...demande la condamnation de la Poste à lui verser la somme totale de 45 415,50 euros, avec intérêts de droit, et la réformation du jugement en ce sens.

Sur l'appel principal de la Poste :

Sur l'exception de prescription quadriennale :

2. En premier lieu, la Poste comme en première instance, se prévaut de la prescription quadriennale de la loi du 31 décembre 1968. Toutefois, ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, il résulte des dispositions combinées de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 et des articles 14 et 15 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation de la poste et du service des télécommunications, que la Poste, qui n'est plus soumise aux règles de la comptabilité publique, n'est plus autorisée à se prévaloir de la prescription quadriennale. Dans ces conditions, l'exception de prescription quadriennale doit être écartée.

Sur le bien-fondé des condamnations indemnitaires :

3. En vertu de l'article 1er du décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 : " L'allocation temporaire d'invalidité prévue à l'article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat est attribuée aux agents maintenus en activité qui justifient d'une invalidité permanente résultant : a) Soit d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'un taux rémunérable au moins égal à 10 % (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Le taux d'invalidité rémunérable est déterminé compte tenu du barème indicatif prévu à l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite. (...) ".

4. L'allocation temporaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions, qui instituent ces prestations, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice.

5. Il résulte des écritures en appel de la Poste, que la Poste n'a entendu demander la réformation du jugement qu'en tant qu'il la condamne au titre des préjudices extrapatrimoniaux temporaires, à verser à MmeD..., une indemnité de 1 500 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, jusqu'à la consolidation du 16 janvier 2006, et au titre des préjudices extrapatrimoniaux permanents après consolidation, à lui verser la somme de 16 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent. La Poste soutient que Mme D...ne pourrait obtenir réparation des préjudices afférents au déficit fonctionnel temporaire et permanent, dès lors que ces préjudices seraient déjà réparés par la pension d'invalidité. Toutefois, l'allocation temporaire d'invalidité répare de façon forfaitaire les conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, alors que le déficit fonctionnel temporaire se rapporte aux postes de préjudice personnel antérieurs à la consolidation et que le déficit fonctionnel permanent se rapporte aux postes de préjudice personnel postérieurs à la consolidation.

6. Dans ces conditions, le tribunal administratif, n'a pas commis d'erreur de droit, en condamnant la Poste à verser à MmeD..., la somme de 1 500 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et celle de 16 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, ces sommes, ne présentant pas par ailleurs, un caractère exagéré, compte tenu d'une part pour ce qui est du déficit fonctionnel temporaire, de la période d'incapacité (au taux de 12 %) subie par Mme D...pendant une durée de 24 mois avant consolidation et d'autre part, pour ce qui est du déficit fonctionnel permanent, des troubles dans les conditions d'existence, subis par l'intéressée, inhérents à une incapacité permanente de 12 %.

7. Il résulte de ce qui précède que la Poste, n'est pas fondée à demander la réformation du jugement du 23 février 2017 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il emporte condamnation à hauteur de 16 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent et de 1 500 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire.

Sur l'appel incident de Mme D...:

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions indemnitaires d'appel :

8. En premier lieu, si Mme D...demande la condamnation de la Poste, à lui verser la somme de 8 735,50 euros, au titre du " complément Poste ", pour la période courant à compter de janvier 2007, en tout état de cause, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle, sauf à établir l'existence d'une faute de la collectivité. Dès lors qu'en l'espèce, Mme D...ne se prévaut pas d'une faute de la Poste, ces conclusions ne peuvent être que rejetées.

9. En deuxième lieu, si MmeD..., demande par la voie de l'appel incident, à ce que les indemnités que lui a accordées le tribunal administratif au titre des préjudices extrapatrimoniaux temporaires constituées par l' indemnité de 1 500 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire (jusqu'à la consolidation du 16 janvier 2006), l'indemnité de 3 500 euros au titre des souffrances physiques et morales, et pour ce qui est des préjudices extrapatrimoniaux permanents, l'indemnité de 16 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent soient portées aux sommes respectives de 4 000 euros, 10 000 euros et 19 680 euros, elle n'apporte en appel aucun élément de nature à établir que les premiers juges auraient fait une évaluation insuffisante de ces préjudices.

10. En troisième lieu, Mme D...ne justifie pas plus en appel qu'en première instance, de la réalité du préjudice d'agrément qu'elle invoque, faute d'établir qu'elle aurait été privée d'activités à laquelle elle se livrait avant son accident.

11. L'appel incident présenté par Mme D...doit donc être rejeté.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par MmeD....

DECIDE

Article 1er : L'appel principal de la Poste est rejeté.

Article 2 : L'appel incident et les conclusions présentées au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative présentés par Mme D...sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Poste et à Mme E...D....

Délibéré après l'audience du 18 mars 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er avril 2019.

Le rapporteur,

Pierre Bentolila

Le président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

4

N° 17BX01406


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01406
Date de la décision : 01/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie. Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CABINET ARCANTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-04-01;17bx01406 ?
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